La chaussure Vaporfly créée par Nike en 2016 est-elle à l’origine de l’explosion des performances sur marathon de ces deux dernières années, et en particulier du record du monde d’Eliud Kipchoge ?? L’Américain Alex Hutchinson propose une analyse originale des chronos pour appréhender ce phénomène. Mais la conclusion est mitigée…
« Est-ce Eliud Kipchoge ? Ou est-ce sa chaussure ? » La question est cruelle. Le record du monde du marathon réalisé par le Kenyan au marathon de Berlin, 2h01’39’’, représente un tel bond en avant sur les chronos antérieurs que les interrogations n’ont pas manqué.
Pour Alex Hutchinson, réputé aux Etats-Unis pour ses analyses techniques, le point central se situerait autour de cette fameuse Vaporfly créée par Nike en 2016. Eliud Kipchoge l’a chaussée pour ses cinq derniers marathons, y compris sa tentative sur le circuit de Monza de passer sous les 2 heures.
Et la Vaporfly permettrait un gain de 4% de performances, grâce à l’introduction d’une plaque en fibre de carbone très légère pressée dans la semelle conçue dans une nouvelle mousse très réactive. C’est une étude réalisée à l’Université du Colorado et présentée en fin d’année 2017, qui avait avancé ce chiffre de 4%, qui allait donner son nom au modèle Vaporfly pour sa mise en avant au public.
Un modèle soumis à une grosse controverse, à la fois sur ce chiffre de 4% de gain, et pour son non respect des règles techniques fixées par l’IAAF. Mais la polémique n’empêchait pas les coureurs de l’utiliser, et sur les 36 podiums des World Marathon Majors, on la retrouvait à 19 reprises…
La Vaporfly fait courir plus vite
Et c’est une approche très originale qu’a développé Alex Hutchinson pour mieux appréhender l’impact de Madame 4% sur les chronos, qu’il présente dans « Outsideonline.com » Il a compilé le top 100 des chronos sur marathon des 10 dernières années, et les courbes livrent un constat intéressant. D’abord en laissant apparaître un gros creux dans les chronos en 2012. Qui serait le résultat de la mise en place du passeport biologique, contraignant les coureurs à être plus discrets sur leur usage de produits dopants…
Ensuite, la courbe s’infléchit progressivement à partir du début 2016, date des premiers prototypes de la Vaporfly, et de manière très nette à partir de juillet 2017, date de mise en vente du modèle.
Ce serait donc la cause de l’envol des chronos de ces derniers 18 mois. Avec 45 coureurs pointés sous les 2h05’ au bilan tous temps en cette fin 2018 contre 31 à la fin 2016.
Le record d’Eliud Kipchoge demeure atypique
Mais dans ce schéma passionnant, apparaît une performance totalement atypique, le record du monde d’Eliud Kipchoge. L’écart est vertigineux. La chaussure seule ne peut l’expliquer. Le journaliste américain veut positiver, d’autres coureurs s’approcheront peut-être bientôt des 2h01’, ou au moins 2h02’ pour démontrer qu’Eliud Kipchoge n’était pas si exceptionnel que ça.
Dommage toutefois qu’Alex Hutchinson se limite strictement à cette approche très technologique pour justifier cet envol des chronos sur marathon, sans qu’il ne soit mentionné les nouvelles dérives dopantes qui ont cours dans le monde du cyclisme, comme de l’athlétisme, avec en particulier le recours à des auto-transfusions sanguines en petits dosages, indétectables aux contrôles anti-dopage…. Et là aussi, les gains sont énormes, avec un chiffre annoncé de près de 5% !
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : D.R.
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