Les Europe se suivent et ne se ressemblent jamais. Yoann Kowal, médaillé de bronze en salle à Turin sur le 15 en 2009, et médaillé d’or à Zurich sur le steeple, s’est fait piéger dès les qualifs. La pilule est amère.
Le pire comme le meilleur, avec Yoann Kowal, ya toujours une surprise. Bonne à cueillir à la volée ou mauvaise à pousser du pied comme un vieux papier tombé de sa poche.
Les courses de Yoann…il faut toujours s’attendre à tout. Estimer au préalable que tout est possible. Eviter les schémas types. Exclure les algorithmes qui tendraient à définir des stratégies toutes faites. L’histoire du 15 en salle le prouve, depuis sa création en 1979, les scénarios les plus improbables se sont déroulés. Difficile même de définir des semblants de tendance. Thomas Wessinghage a certes été Monsieur Indoor avec dix médailles aux Europe en salle dont neuf sur le 1500, mais c’était une autre époque.
A la sortie de l’hiver, avec un calendrier de meetings réduit en peau chagrin, les SP15 se rencontrent peu, se confrontent peu. Alors que penser des perfs d’engagement ? Pas grand-chose. Y accorder trop d’importance rendrait migraineux. Une seule consigne s’impose, ne penser qu’à sa pomme et courir devant, rien que devant.
Yoann Kowal sort donc d’un hiver plutôt pas mal, neuvième temps mondial, 3’39 »22 à Karlsruhe, le choix de redescendre sur le 15 est presque validé, même si Aubière reste moyen-moyen. En 2013, Mahiedine Mekhissi Bennabab avait lui aussi descendu le braquet pour s’imposer aux Europe en salle sur 1500 mètres. Yoann s’est dit « pourquoi pas » avec en tête une équation simple partagée avec son coach : courir vite sur le 15 pour courir vite sur le steeple.
Mais il faut se méfier des starts lists qui ne disent rien des motivations, des priorités, des pics de forme de chacun. Sept coureurs sous les 3’40 » sur le papier, Yoann est dans le bon paquet. La marge est serrée mais le coup est jouable.
Les deux premières séries se déroulent ainsi : la première, un solo de l’allemand Homiyu Tesfaye, c’est le leader mondial avec 3’34 »13. La seconde, l’anglais Chris O’Hare remet à sa place le turc Ozbilen cavalant seul sur six tours.
En série 3, Yoann a couru sans âme. Subissant la course, jamais placé en futur finaliste qu’il ambitionnait. Il avait le
CV pour, une fois au taff, l’ambition lui a manqué dans une course heurtée, chaotique, à deux doigts de provoquer des bousculades. Yoann n’est pas dans la course, il est contre lui-même, à chercher la fenêtre qui à chaque fois se referme sur son nez. Yoann a les moyens de courir une finale sous les 3’40 », ce fut le cas six fois dans l’histoire de ces Europe mais en ce matin chagrin, Yoann a pris le mauvais vent. Rien à voir avec cette dernière séance qu’il tourne avec aisance, seul, sous une pluie fine, du pur plaisir avec 8 fois 300 en moins de 42 » et 1’30 » de récup. « Ce n’est pas vraiment une séance dure, mais c’est la manière dont je l’ai tournée ». Il est dur envers lui-même, il a raison : « C’est zéro, j’ai trente sélections et je suis encore nul pour gérer le 1500. J’avais le kif pour passer. J’ai été trop gentil, j’ai subi ».
Il sera donc spectateur d’une finale où l’allemand Tesfaye, champion du monde en titre, s’annonce favori. Transfuge éthiopien, déclaré rapido comme citoyen allemand dans une belle confusion d’âge et d’identité, celui-ci a depuis fait taire toutes les rumeurs par des victoires que personne ne viendrait bouder.
> Texte et photos Gilles Bertrand