Kipyegon Bett a été suspendu pour quatre ans suite à son contrôle positif à l’EPO d’août 2018, après avoir été mis en cause, pour un contrôle raté en février. Il ressort de la décision prise par l’Athletics Integrity Unit que le médaillé de bronze du Mondial 2017 faisait l’objet d’une surveillance particulière de l’IAAF. Avec en filigrane derrière la réussite de ce jeune athlète de tout juste 20 ans, un entraîneur sulfureux, Japhet Kemei, et un partenaire d’entraînement, Fergurson Rotich, au cœur d’une drôle d’histoire aux JO de Rio.
Un contrôle le 21 février 2018 à 9h50. Un deuxième contrôle le même jour à 11h48. Un autre contrôle le 24 février. Puis le 25 février, et encore le 28 février. Kipyegon Bett faisait visiblement l’objet d’une vigilance très particulière de l’IAAF en ce début d’année 2018, comme en témoigne les détails figurant dans la décision de l’Athletics Integrity Unit.
Une « traque » très efficace, puisque le 24 février, le contrôle ne peut être effectué. Le préleveur s’est bien présenté à l’adresse indiquée par Kipyegon Bett, mais seulement pour constater son absence. Plus tard, le jeune athlète revient retrouver le préleveur à son domicile, mais très en colère, en arguant avoir déjà été contrôlé récemment et en refusant de se soumettre à un nouveau contrôle. Par la suite, Kipyegon Bett se justifiera par une succession de mensonges, qui n’infléchit pas l’IAAF, avec une suspension provisoire décidée le 15 août 2018.
Mais l’affaire rebondit d’une manière très étonnante, avec un nouveau contrôle effectué le 31 juillet 2018, qui débouche cette fois sur un contrôle positif à l’EPO. Et c’est cette deuxième infraction qui amène à une suspension de quatre ans du jeune athlète.
Avec un contrôle refusé, l’Athletics Integrity Unit avait toute possibilité pour sanctionner le coureur de 800 mètres, mais il s’avère que, même suspendu provisoirement, Kipyegon Bett n’est pas sorti des radars de l’anti-dopage mondial.
Sheila Keter, entraînée par le même coach, dopée à 19 ans, morte à 23 ans
Pourquoi une telle attitude ? Le secret demeure évidemment de mise. Mais quelques recherches mettent en évidence un entourage à l’image brouillée. En particulier, son entraîneur, Japhet Kemei, qui l’a découvert à Kiptere dans le Canton de Kericho, et attire les jeunes talents de la vallée du Rift Sud au sein du « Sigowet Athletics Club » à Kericho.
Or, Sheila Chepngetich Keter, une autre athlète entraînée par ses soins, a connu un destin tragique. D’abord un contrôle positif, fin 2014, à 19 ans seulement, quelques mois après sa médaille de bronze du Mondial juniors. Puis une mort brutale, à 23 ans, le 7 mai 2018, alors qu’elle débutait son come-back en compétition après la fin de sa suspension de trois ans, achevée fin février.
Au quotidien, Kipyegon Bett évolue aux côtés de Ferguson Rotich, un autre spécialiste de 800 mètres, également entraîné par Japeth Kemei, qui vaut 1’42’’84 et 3’33’’sur 1500 m, souvent sur le devant de la scène cette saison avec une victoire à Paris, une deuxième place à Rome, et à Berlin sur 1500 m.
Kipyegon Bett nie, mais ne se défend pas
Ferguson Rotich était apparu dans un épisode très étrange lors des JO de Rio, lorsqu’un officiel du Kenya, John Anrazh, entraîneur officiel du Kenya pour le sprint, avait signé à sa place le formulaire pour un contrôle anti-dopage. Selon la version distillée à l’époque, il s’agissait d’un simple imbroglio, l’athlète ayant prêté sa carte d’accréditation à l’entraîneur, pour accéder au restaurant. Mais il est évidemment resté quelques points d’interrogation autour de cette situation, qu’on ne peut s’empêcher de se rappeler au moment où Kipyegon Bett se voit épinglé…
Depuis l’annonce de son contrôle positif à l’EPO, le jeune athlète n’a de toute façon pas joué cartes sur tables, se bornant à crier son innocence au micro du journaliste kenyan Shaddique Shabban, mais sans se présenter devant l’instance de l’IAAF chargée de le juger et d’entendre ses arguments, en dépit de plusieurs rappels.
Sa défense s’est finalement limitée à un simple mail, qui conteste qu’il ait absorbé de l’EPO, mais ne donne pas plus d’explications…
Texte : Odile Baudrier
Photo : D.R.