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Kenya : l’expérience de l’altitude par Jef Pontier

Sur la pite d'Iten, pour se gaver d'endurance et de lactique
Sur la pite d’Iten, pour se gaver d’endurance et de lactique

A l’occasion d’un stage au Kenya normalement prévu pour des marathoniens encadrés en partie par Jean-François Pontier, trois juniors ont accompagné le manager du hors-stade auprès de la FFA. Ainsi, Tom Bonaudo, Franck –Marie Wiez et Anthony Pontier ont pu découvrir Iten et côtoyer le très haut niveau. Rencontre avec Jean-François Pontier.


Combien de jeunes ont participé à ce stage ?

Il ne s’agissait pas d’un stage dédié spécifiquement aux jeunes. Actuellement, dans le cadre du projet « Marathon » la FFA organise un stage au Kenya auquel participent 4 athlètes. En tant que membre de l’encadrement, j’ai pensé qu’il serait opportun de proposer à deux de ses amis et à Anthony de vivre cette expérience, non pas par rapport à l’altitude mais surtout pour que ces juniors découvrent le mode de vie et de quelle manière s’entrainent les coureurs kenyans.

Quelle a été la durée de ce séjour africain ?

Déjà, il importe de signaler que ce déplacement a été rendu possible, car il s’est déroulé durant les vacances scolaires de la zone A. De cette façon en restant à Iten 17 jours, pour prendre l’exemple d’Anthony, il n’aura manqué que 3 jours de cours. Quant aux marathoniens, ils sont restés 22 jours.

Comment a-t-il été possible de concrétiser ce voyage ?

A propos d’Anthony et de Franck-Marie Diez qui s’entrainent sur Clermont, ce stage a été financé à hauteur de 30% par le pôle athlétisme de Clermont et le Clermont Athlétisme Auvergne. Les 70% restants ont été pris en charge par les familles. Concernant Tom Bonaudo, un ami de Franck –Marie Diez licencié à la SCO Sainte-Marguerite, il a dû régler les 100%.

D’un point de vue général, quel est l’intérêt d’un stage en altitude ?
L’altitude permet d’améliorer les aptitudes physiologiques aérobies des athlètes.

Pourquoi le Kenya plutôt qu’un autre pays africain ?
Je connais bien ce pays pour y avoir effectué déjà plusieurs stages. Donc là-bas je possède de nombreux points de repères. De plus c’est un pays où les gens sont accueillants et où il est facile de s’intégrer au sein de groupes d’entraînement. N’oublions pas non plus de signaler qu’il règne une forte densité de coureurs dans cette région de l’Afrique de l’Est. D’où l’importance de la préparation en groupe.

S’agit-il d’une première expérience pour des athlètes jeunes ?
Anthony a déjà fait un stage à Font-Romeu l’an passé, afin de préparer les JOJ. Je le répète, l’objectif de ce stage au Kenya n’était pas forcement l’altitude. Ces jeunes vivent une année de transition : Ils sont passés juniors, ensuite tant sur piste qu’en cross les distances en compétition augmentent (hormis pour le 1500, on passe à 3000 contre 2000 mètres steeple, 5000 et non plus 3000 plat) et ils doivent passer leur Bac à la fin de l’année scolaire. Donc à leur âge, ils ont encore plein de choses à découvrir au niveau de l’entraînement, et de l’investissement que cela implique. Vu que la date des vacances laissait cette possibilité de vivre ce séjour à ITEN, il était bon qu’ils y participent, histoire de poursuivre leur apprentissage. Par contre, il existe probablement un risque important par rapport au France de Cross pour Anthony (séjour trop court-retour tardif-fatigue), mais en cette période intermédiaire il me paraît plus important pour eux d’apprendre et de voir ce qu’est le haut niveau.
Si l’objectif avait été la performance au France de Cross, il aurait fallu partir une semaine plus tôt. Ce qui était impossible en raison des demi-finales des France de cross, qui ont eu lieu le 8 février et l’absence de congés scolaires. Ou bien, si la recherche du meilleur résultat possible avait été la motivation première, Anthony aurait dû rester en plaine pour un stage intensif entre le 10 et le 22 Février.

A partir de quel âge un stage en altitude s’avère-t-il envisageable, car existe-t-il des contre-indications ?
Il n’y a pas vraiment d’âge idéal pour commencer. L’important demeure de s’entraîner en altitude à partir du moment où la quantité d’entraînement habituel est suffisante. Donc il y a beaucoup d’autres choses à envisager avant cela dans la formation du coureur. Toutefois la période junior constitue une bonne période pour commencer cet apprentissage, car à cet âge, le développement des qualités aérobie est primordial. Aussi, il faut bien sûr que les athlètes soient à jour de leur suivi médical et apte physiquement à envisager un stage en altitude.

Existe-t-il une altitude à ne pas dépasser ? Pourquoi ?

Il est généralement admis que la bonne altitude pour ce genre de stage se situe entre 1800m et 2500m pour obtenir les meilleurs effets physiologiques. S’entraîner plus haut nécessite une réduction trop importante de la vitesse de course. Ce qui se révèle néfaste d’un point de vue mécanique. Plusieurs formules sont utilisées par les athlètes. Vivre ou dormir plus ou moins haut (c’est plus facile avec les chambres hypoxiques) et s’entraîner à des altitudes plus ou moins élevées.

L’entraînement en altitude exige-t-il une phase d’adaptation ?

Il y a bien sur une période d’adaptation qui est plus ou moins longue en fonction des individus et de l’expérience antérieure vis-à-vis de l’altitude. On considère généralement comme règle que 5 à 6 jours sans séances très intensives sont nécessaires pour débuter un stage. Voilà pourquoi on estime que 3 semaines sont primordiales, afin que le travail soit suffisant et l’adaptation physiologique idéale. Egalement, dans l’optique de l’intérêt physiologique maximal, il apparaît crucial de redescendre assez frais. Donc de finir le stage par 2-3 jours plus facile.

Une fois la phase d’adaptation passée, l’entraîneur doit-il également tenir de compte de l’altitude lors des séances ?

On adapte 2 paramètres : la vitesse de course et le temps de récupération qui est augmenté de 30% environ. Au sujet de la vitesse de course, plus la distance augmente, plus la compensation est élevée. De surcroît, dans ce calcul il ne faut pas oublier la nature de la piste. A Iten, la piste de Kamariny est en cendrée et de qualité moyenne. Ainsi relativement à ces 2 critères on ajoute entre 1’’ et 2’’ au 100m ce qui donne entre 15’’ et 20’’ au 1000 m de différence !!!

De plus, ne faut-il pas également gérer la chaleur ?
S’il peut faire très chaud au Kenya à 2500 mètres d’altitude, les nuits sont fraîches et les coureurs kenyans possèdent une grande expérience de ce phénomène. Les horaires d’entraînements sont adaptés à ces différences de températures.
Le premier entraînement se fait au lever du soleil avec un départ entre 6h et 6h30. Cette première sortie est souvent consacrée à l’entraînement long, qui est le plus dur de la journée. Il se fait à jeun. Lorsqu’une séance de piste ou de fartleck est prévue, elle se fait entre 9h00 et 10h30 rarement plus tard.
Le dernier entraînement du jour commence entre 16h30 et 17h00 avant la nuit. A ce propos, le Kenya étant situé sur l’Equateur, le rythme est le même toute l’année. Evidemment, nous avons adopté cette routine.

Un tel stage requiert-il une hygiène de vie particulière ?
L’hygiène de vie est adaptée aux conditions locales. Réveil entre 6h et 7h pour l’entraînement du matin et beaucoup de repos dans la journée, puisque dans cette zone pas vraiment touristique, les distractions sont limitées. Et étant logés au Kerioview hôtel, les repas sont de très bonne qualité et adaptés aux sportifs. Donc pas de souci de ce point de vue. Cependant, il ne faut surtout pas boire l’eau du robinet.

Concernant Anthony, sans rentrer dans les détails, qu’a-t-il fait avant le stage ?
En vu de ce stage et du fait des contraintes citées ci-dessus, il a effectué une semaine de travail intensif entre les régionaux et les demi-finales des Championnats de cross. Priorité a été donnée dans cette période à la VMA et à la préparation physique. Peu de spécifique en raison des 3 compétitions entre le 18/01 et 8/02 (France UNSS, régionaux et 1/2 finale France)

Combien de jours avant l’objectif, les athlètes doivent-ils redescendre ?

Nous avons décidé avec le groupe complet de redescendre le plus tard possible pour bénéficier des effets de l’altitude le plus longtemps possible. Vu qu’il n’y a pas de décalage horaire important avec le Kenya (seulement 2 heures). Et comme le font les Kenyans 2 jours permettent de bien récupérer du voyage. Par contre il existe beaucoup de risques de ne pas se sentir bien entre le 5ème et 9ème jour après la descente. Donc le retour à Paris est programmé le jeudi ou vendredi précédant le France de cross

Ce type de stage demeure-t-il bénéfique à long terme, ou faut-il réitérer l’expérience ?

Les effets de l’altitude s’estompent progressivement avec le temps. Un stage plus long n’augmente pas forcement la durée de l’effet. Par contre l’effet est plus important en cas d’expériences répétées. On considère que l’on peut conserver des effets bénéfiques 6 à 8 semaines après le retour en plaine.

A ce sujet, retourneront-ils au Kenya en été avant les Europe juniors d’athlétisme par exemple ?
Ce n’est pas prévu, et le calendrier scolaire et sportif ne permettra pas cette année de d’effectuer un deuxième stage en altitude.

Interview réalisée par la rédaction technique de spe15.fr avec la collaboration de Antoine Roquentin