Ezekiel Kemboi n’a qu’à bien se tenir et surveiller ses arrières, à ses trousses voici une nouvelle génération de steeplers dont Jairus Birech, meilleur mondial en 2014 avec 7’58’’41.
La maison est bien gardée, soyez rassuré ! Une vraie place forte, un vrai coffre fort où l’or, l’argent, le bronze ornent les murs comme un palais des Térems. Autour, la rivière roule des eaux tranquilles, cette longue dynastie peut régner sans crainte.
Le Kenya domine le 3000 mètres steeple. C’est son champ de bataille, son pré-carré. Vauban n’aurait pu mieux faire. Rien ne permettait d’échafauder de tels plans de conquête à partir d’une victoire, celle d’Amos Biwott à Mexico en 1968 et de son lieutenant Ben Kogo. Un doublé qui amorce la grande conquête, la grande invasion.
Pourtant, il n’y a pas vraiment de grands chefs de guerre. Il n’y a pas de plans précis pour conduire cette armée de fantassins. Il n’y a pas d’explications rationnelles sur les prédispositions de ces grenadiers à s’affranchir ainsi des obstacles. La machine à former des troupes se met en place, dans l’armée, puis dans les camps privés. Les faits sont là, le Kenya a pris possession d’un continent désormais impénétrable.
Depuis 1991, 24 médailles en championnat du monde dont 9 en or, depuis 1968, 21 médailles conquises aux Jeux Olympiques dont 10 en or. Sur le planisphère, le Kenya a planté une forêt de drapeaux pour symboliser ces victoires et marquer son territoire.
Et cette chasse est bien gardée avec en arrière garde, ces jeunes recrus qui comme un mouvement de balancier naturel sont là pour reprendre les avants postes. Pour agir comme les anciens, les Kiptanui, premier coureur sous les 8’, 7’59’’18 à Zurich en 1995, ou Ezekiel Kemboi, double champion olympique en 2004 et 2012 et trois fois sabre en avant pour s’imposer au Mondial, Berlin, Daegu ainsi que sur la place Rouge de Moscou.
Son nom, Jairus Birech, quelques galons de seconde classe, quelques faits d’arme, six victoires l’an passé en Ligue de Diamant et un titre de champion d’Afrique, à 23 ans, c’est le futur successeur d’Ezekiel Kemboi, toujours vaillant mais vieillissant. Il a tout pour se caler dans les étriers et mener conquête. La vitesse, le passage des barrières et le culot de sa jeunesse. Avec 7’58’’41 réalisé l’an passé à Bruxelles, il est devenu le dixième homme à descendre sous la barre des 8 minutes. Symbole des grands aux royaumes des barrières basses. Tous sont d’origine kenyane à l’exception du marocain Brahim Boulami, 7’55’’28 , un record du monde qui ne sera pas validé en raison d’un contrôle positif à l’EPO.
Ezekiel Kemboi qui nous avait habitués à ses fanfaronnades de fin de course pourrait désormais prendre chaud. Jairush Birech est à plein galop. La campagne lui est ouverte.
> Texte et photo Gilles Bertrand