Après une première tentative sur marathon en 2016, à Rotterdam avec un temps final de 2h 15’59’’, Hassan Chahdi s’entraîne pour disputer le prochain marathon de Paris. Il est donc dans la dernière ligne droite de sa préparation. Nous l’avons rencontré au Parc de Sceaux lors d’une séance Spé marathon en compagnie de son entraîneur Jean Claude Vollmer. Le temps espéré est déjà sur la table, 2h 09’50’’.
Jean Claude Vollmer est arrivé de la droite, Hassan Chahdi, de la gauche, l’un en vélo, l’autre en métro, station Croix de Berny, face au Parc de Sceaux. Un samedi chagrin, un ciel dessiné au crayon de papier, au fusain. Quelques arbres déjà en fleur, quelques touches de couleur, des runners déjà en sueur, le long du Grand Canal, du Bassin de l’Octogone où deux majestueux cerfs coulés dans la fonte veillent à la quiétude des lieux.
Nous avançons jusqu’à la pointe Nord du grand canal, en contre bas de la plaine des Quatre Statues. Hassan Chahdi sera bientôt papa. On parle de cela. Ce sera pour juin. Le coach le taquine « mais tu ne m’avais pas dit le sexe». Hassan hésite et lit de la malice dans le regard plissé de l’entraîneur. On parle encore de cross. St Galmier, c’était « hier ». « Il aime le cross et moi aussi » Jean Claude Vollmer est de l’ancienne école. « Le feuilleton, c’était juste de savoir si Mourad serait présent ou non ». La semaine qui a précédé ce France, rien ne fut changé, juste un vendredi allégé. Le dimanche, Hassan offre un remake des Mureaux. Le coach ajoute cette phrase « Hassan élève toujours son niveau en compétition ».
Parc de Sceaux, c’est l’heure du feuilleton. Hassan se met en scène. Discret, dans l’instinct. Effacé mais écorché. Jean Claude Vollmer se met en selle. Le long d’une haie bien taillée, Hassan s’élance en bordure du grand canal. Une silhouette s’éloigne. Les arbres sont majestueux, chênes séculaires, charmes flamboyants, cèdres altiers. Hassan disparaît dans le gris d’un matin hésitant. Séance.
Un plan d’entraînement validé par Hassan
Le coach et l’athlète ont appris à se connaître. « Hassan est quelqu’un de très sensible » Jean Claude Vollmer formule cet avis avec beaucoup de respect. Ne rien imposer sans l’assentiment de son coureur, c’est vite devenu une nécessité pour ne pas troubler cette confiance mutuelle qui les unit. Celui qui a entraîné dans le passé Hakim Bagy, champion de France 1999 et 2h 11’06’’ comme record, a cette analyse «je propose donc un plan et je lui demande son avis car je sais que si Hassan n’est pas content d’une séance, il peut plomber celle-ci ».
Fait marquant et signe d’une cohésion et d’une compréhension mutuelle, depuis les France de cross, jamais Hassan n’a éprouvé le besoin de modifier d’un cil le programme proposé ! Les rails sont bien huilés.
Le mythe des 240 km semaine
L’avis du coach : « Je sais que 120 – 130 km par semaine, ce n’est rien. Mais pour moi, 240 km semaine, ce n’est pas imaginable, c’est totalement excessif. Gelindo Bordin (ndlr champion olympique du marathon en 1988) réalisait des séances longues à 45 km, mais ça ne sert à rien. La caisse, ça ne s’acquière pas par des sorties de 2 heures à 14 km/heure. La caisse, cela s’acquière par l’accumulation.
Je sais qu’avec 120 – 130 km par semaine, avec Hassan, nous sommes limites. Mais pour lui, à son stade de développement, c’est suffisant ». Ce qui explique qu’Hassan ne réalise que des footings utiles. Jean Claude Vollmer a cette analyse : « Je dirais qu’aujourd’hui, Hassan a l’entraînement parfait pour le semi-marathon ».
A l’avenir, dans les deux années à venir, le compteur hebdomadaire devrait approcher les 150 km. Le coach a cette phrase : « Il a une faculté d’endurance naturelle, c’est un marathonien type. Il a un métabolisme particulier, il ne fabrique pas de chaleur. En 2018, il devrait être un pur marathonien ».
S-4, une semaine « capitale »
Le terme est peut être excessif mais Jean Claude Vollmer le reprend à son compte. A S-4, il s’agissait bien d’une semaine capitale dans ce final, dans cette préparation pour le Marathon de Paris. Hassan Chahdi est rentré de Rome déçu, 1h 02’51’’ comme résultat final, dans une course lancée à la hussarde, sans lièvres, 8’15’’ au 3000, 13’45’’ au 5000, le temps de mettre le frein et de se retrouver esseulé. Il avait les moyens de battre son record établi en 2015 à Paris avec 1h 01’38’’, il faudra encore attendre.
Le lundi, les deux hommes ont débriefé « j’avais besoin de voir sa tête ». Le coach n’a pas de doute lorsqu’il affirme «il y a deux ans, il lui avait fallu deux semaines pour se remettre ». Jean Claude Vollmer est vite convaincu, Hassan semble avoir récupéré. C’est indispensable car la semaine s’annonce chargée. Le lundi, c’est footing le matin plus PPG – musculation l’après midi « pour garder de la qualité de pied, pour améliorer le rendement ». Puis deux grosses séances s’annoncent. La première, programmée le jeudi, il s’agit de 6 x 6’ à 2’55’’ au km courus dans le Bois de Vincennes, une allure intense d’autant plus que le parcours choisi présente du dénivelé. La suivante, 3 x 20 minutes à allure marathon est déclinée le samedi au Parc de Sceaux (voir ci-dessous). Une semaine qui se termine par une sortie de 25 km en 1h 30’ le dimanche.
La séance 3 x 20 minutes
. L’avis du coach : « Il y a deux ans, il aurait réalisé 1 x 20 mn. Pas plus ! L’an passé, il ne faisait que 3 fois le tour du lac. Aujourd’hui, il a la solidité, les bases pour faire le double. C’est même devenu une routine.
Il s’agit d’une bonne séance typée marathon soit 55 minutes intenses (en réalité, Hassan enchaîne 2 x 20’ + 1 x 16’). Sans cardio, sans GPS. Tout seul, je ne le tracte pas car le coureur doit sentir l’allure. Parfois, je l’encourage de temps en temps, mais c’est lui qui trouve l’allure. Qu’il soit à 19,5 km/heure ou 19,8 km/heure, c’est pareil. Il ne faut pas être obsédé par les allures. Il ne doit pas « bouffer » toute son énergie sur une séance. Car le lendemain, il doit être capable de faire ce qui est prévu ».
L’après midi, une séance vélo en salle est en option. Juste pour tourner les jambes.
10 km de Moirans, dernier test
C’est à Moirans qu’Hassan Chahdi disputera son dernier test. Un 10 km, avec l’idée première de se changer les idées, de courir en compétition, plus que de taper un chrono qui à ce jour est bloqué à 29’00’’. Jean Claude Vollmer est formel « il pourrait courir plus, comme il l’a fait cet hiver en disputant les Régionaux puis les Inters ».
Enfin…ça ne sera pas tout à fait un 10 km « sec ». Ce sera un 10 km « utile » avec la déclinaison suivante : 5 à 6 km d’échauffement + 10 km compétition + 10’ retour au calme + sortie vélo. Puis Hassan enchaînera par 10 km à 3’20’’ au km pour épuiser le glycogène. Jean Vollmer se déplacera pour cette séance. Autant dire l’intérêt que le coach porte à celle-ci !!!
Les 15 derniers jours avant Paris
Pour les deux dernières semaines d’avant marathon, Hassan Chahdi aura carte blanche pour construire lui-même son puzzle terminal. « Il sera libre de faire ce qu’il veut » répond le coach, très confiant lorsqu’il affirme « il sent très bien ce dont il a besoin, si par exemple, il a besoin de jambes ».
Avant, le champion de France de cross gagnait sur son talent, c’est l’affirmation du coach. St Galmier en fut la plus belle démonstration mais « le marathon ne se gagne pas uniquement avec le talent » Jean Claude Vollmer ne manque pas de le souligner lorsqu’il évoque le temps prédictible pour Paris. Ce n’est pas un secret, les lièvres ont été « commandés » pour courir en 1h 04’30’’. Il précise « ensuite, on verra » mais il reste confiant sur le temps final espéré « tout juste moins de 2h10’ » traduisez par là, un 2h 09’50’’ pour combler le tandem. Le coach, en chef de corps, conclut par cette remarque « Il est sûr ce jeu, tu prends des plombs, c’est un coureur qui ne calcule pas, lui il va devant. Un jour, ça passera ! ». Hassan le tirailleur ajuste déjà son tir !
> Texte et photos Gilles Bertrand
> A lire également : Hassan Chahdi et Jean Claude Vollmer sur tapis volant