Amaury Golitin, suspendu provisoirement depuis juin 2022, devrait recevoir prochainement une sanction de 4 ans, suite à des manquements sur sa localisation et à des falsifications de documents pour justifier ces manquements. Or le code mondial anti-dopage intègre la falsification comme violation des règles antidopage au même titre qu’un contrôle positif, avec, à la clef, une suspension de 4 ans. La lanceuse de poids américaine Raven Saunders, coupable elle aussi de trois manquements de localisation, a reçu une suspension de 18 mois. Egalement en accord avec les possibilités du code mondial.
Une falsification = un contrôle positif. C’est la règle fixée par le Code Mondial Antidopage, avec à la clef, une suspension de 4 ans. Amaury Golitin voit ainsi la porte des Jeux Olympiques de Paris se fermer devant lui…
Comme l’a révélé Romain Donneux dans les colonnes de l’Equipe, l’accord proposé par l’Agence Française Antidopage intégrait une sanction de 5 ans, susceptible d’être réduite à 4 ans s’il acceptait la sentence dans un délai rapide. Et Romain Donneux a obtenu d’Amaury Golitin la confirmation qu’il avait signé cet accord. Ce serait donc en 2026 que le sprinter français actuellement âgé de 25 ans, huit fois champion de France depuis les catégories juniors, serait susceptible de reprendre la compétition.
Pourquoi cette proposition de 5 années ?
Cette durée a créé une certaine indignation chez quelques fans de l’athlète, qui n’ont pas manqué de souligner que la lanceuse de poids américaine Raven Saunders, coupable elle aussi de trois manquements de localisation, avait reçu seulement 18 mois de suspension.
Toutefois il faut prendre le temps de décortiquer le code mondial antidopage pour comprendre, et conclure que non, il n’y a pas deux poids, deux mesures.
Car en réalité, Amaury Golitin n’est pas suspendu 4 ans pour des manquements de localisation, mais pour une falsification d’un contrôle. C’est au mois de juin 2021 que le jeune homme va se lancer dans la production de faux documents. L’histoire est déjà connue. Le 17 juin 2021, il n’est pas chez lui, à l’INSEP, au moment où le contrôleur se présente dans l’horaire fixé sur sa localisation (entre 8h et 9h). Il revient alors en trombe, arrive en retard, mais produit tout de même un échantillon qui sera finalement négatif. Il peut alors partir sur Tokyo pour les JO 2020-2021.
Malgré tout, l’Agence Française anti-dopage lui demande de justifier son retard. Et c’est à ce moment-là qu’Amaury Golitin dérape complètement pour produire des documents « magouillés ». En l’occurrence un faux justificatif Uber, des faux relevés bancaires, qu’Amaury Golitin aurait modifiés pour le faire « coller » avec ses déclarations, et surtout un témoignage d’une proche, qui aurait produit un faux certificat d’hospitalisation pour justifier que l’athlète Golitin était à ses côtés. Il est même question de pressions que le sprinter aurait effectué sur ses deux petites amies pour qu’elles apportent des éléments en sa faveur, et l’une d’elles aurait alors produit ce faux document.
Pourquoi Raven Saunders n’a-t-elle reçu qu’une suspension de 18 mois ?
C’est une nouvelle star de l’athlétisme américain qui se voit torpillée par des manquements de localisation. Et pas n’importe laquelle, elle est vice-championne olympique de Tokyo 2021, et une vraie icône avec ses prises de position en faveur de Black Live Matters, symbolisées par son geste des bras en X sur le podium de Tokyo.
Elle s’ajoute ainsi sur une liste qui compte Christian Coleman, Garrett Scandling (4eme sur Décathlon aux JO 21), Randolph Ross (N°1 mondial sur 400 m en 2021). Pour Christian Coleman, la suspension a été de 18 mois (réduction de 2 ans sur décision du TAS). Pour Garrett Scandling, et Randolph Ross, elle a été de trois ans. Pour tous les deux, l’année supplémentaire sanctionne une falsification, il s’agissait « seulement » d’un mail modifié pour justifier leur absence.
Raven Saunders, elle, compte trois défauts de localisation, entre janvier et août 2022. La sanction « normale » est de 2 ans, avec la possibilité d’une réduction de moitié selon le degré de la faute. Ce qui englobe les circonstances des manquements et la reconnaissance rapide de ses erreurs par l’athlète.
Or Raven Saunders a traversé une période très difficile après Tokyo. Elle avait juste eu le temps d’échanger quelques mots avec sa mère après sa médaille d’argent, et celle-ci allait décéder dans les heures qui suivaient d’une crise cardiaque. La lançeuse n’a jamais fait mystère de ses gros problèmes psychologiques. Et cette mort tragique couplée à son instabilité mentale, et à une opération de la hanche, l’aurait perturbée au point de ne plus respecter de manière rigoureuse ses obligations de localisation.
L’USADA a fait preuve d’un vrai humanisme pour prendre en compte ces éléments et réduire la sanction de 6 mois. Leur magnanimité permettra au passage à Raven Saunders de retrouver les stades juste à temps pour disputer les Jeux Olympiques de Paris… Ce n’est pas la fédération US d’athlétisme qui s’en plaindra !!
Quels manquements de localisation ?
Le manquement de localisation est un élément complexe à comprendre, et qui « alimente » l’idée que la lutte anti-dopage peut s’orienter plutôt vers l’un que l’autre. En réalité, une application stricte des règles de la localisation couplée aux informations collectées par le service d’enquêtes de l’AFLD débouche sur une surveillance accrue des sportifs. Surtout que le département des enquêtes a pu élargir depuis le printemps 2021 son champ d’action, avec accès aux données bancaires, billets d’avion, tickets de transport… Et sans oublier également les réseaux sociaux des sportifs, où ils exhibent leurs déplacements et lieux de vie.
Autant d’éléments précis qui peuvent permettre à l’AFLD d’établir que le sportif n’était en réalité pas là où il est supposé être selon les informations qu’il a déclaré sur la plateforme Adams… C’est ainsi qu’au mois de mai 2021, Amaury Golitin disputait la Coupe d’Europe par équipe en Pologne alors qu’il s’était localisé à l’INSEP sur la plate-forme Adams.
Des manquements à la pelle
Un manquement que l’AFLD a pointé du doigt. Il s’ajoute à celui notifié début 2021 pour non transmission de ses informations de localisation. D’autres, non notifiés, sont également apparus, comme Romain Donneux le révèle dans son article : « Il y a aussi des problèmes de localisation sur la période du 11 au 13 juin 2021. Puis du 9 au 12 juillet 2021 ». On est visiblement loin du cas de l’athlète qui ne sait pas bien utiliser le logiciel Adams, ou « oublie » simplement de se localiser …
Mais l’AFLD demeure fidèle à sa ligne de conduite du silence total sur les décisions, et ne justifiera pas les incohérences détectées par son service d’enquêtes. Tout au plus, peut-on dire que de multiples lettres recommandées envoyées par l’AFLD à Amaury Golitin n’ont pas été retirées, et qu’il a également refusé la visio proposée par l’agence au printemps 2022 pour l’informer de l’accusation de falsification.
Amaury Golitin est alors encore aux Etats-Unis, où il s’entraîne à El Paso. Depuis l’été 2021, il a multiplié les déboires. Une exclusion de de l’INSEP en septembre 2021, suite à des violences sur son ex-compagne, une bagarre avec Sasha Zohya, à imputer à des querelles amoureuses. Une suspension disciplinaire par la FFA, en décembre 2021, 6 mois avec sursis, pour ses bagarres à l’INSEP, et pour ses dérives durant les Jeux Olympiques. Aux JO, Amaury Golitin n’a en réalité pas été intégré dans le relais 4×100 m et en tient rigueur à Dimitri Demonière, le responsable du relais. Il le mettra en cause, dans une lettre ouverte publiée dans l’Equipe, également signée par Mouhamadou Fall. Quelques mois plus tard, celui-ci sera d’ailleurs également mis en cause par l’AFLD pour les mêmes raisons, d’un no show et de deux manquements aux contraintes de localisation, et il demeure à aujourd’hui en stand by d’une décision de l’agence française.
Depuis la suspension provisoire de juin 2022, il s’est ensuite écoulé plusieurs mois jusqu’à ce que le dossier final Golitin soit bouclé, avec ce projet de « composition administrative ». Visiblement, cette fois, Amaury Golitin a compris la leçon, avec cet accord rapide qui lui permet de limiter sa suspension à 4 ans au lieu de 5 ans.
Texte : Odile Baudrier
Photo : DR