Pour un club typé cross et route, Freddy Guimard c’est une valeur sûre, un pilier pour collectionner les titres par équipe. Son début de saison 2016 en témoigne avec deux titres collectifs en cross et en Ekiden. Mais Freddy Guimard prend également de l’assurance pour s’affirmer en solo. Nouveau champion de France sur 10 000 mètres, il vise désormais une qualification sur semi marathon pour les Europe. Réponse dimanche à Strasbourg.
Freddy Guimard, ce n’est pas la tête blonde qui dépasse du peloton. Ce n’est pas le coq qui joue le jeune dauphin dans le marigot du cross et le printemps venu dans la haute cour du marathon. C’est plutôt le gars discret, un peu réservé mais qui, mine de rien fait son petit bonhomme de chemin, perché à la hauteur de ses rêves. Un smicard de la route, comme tant d‘autres, dans le langage du cross, un besogneux, pour les experts de la piste, un tâcheron, il dit avec simplicité : « j’ai une bonne image ».
Freddy Guimard, c’est le nouveau champion de France sacré sur 10 000 mètres sur la piste de Charléty. Temps final, 29’03’54’’ derrière un obscur Kenyan fraîchement débarqué de Nairobi qui pour 1500 euros, a fait du bon boulot, 1’09’’ – 1’10’’ à chaque tour, un train diesel comme une vieille ALCO traversant le Maryland. Régulier, rythmé, bien huilé pour le mener à ce premier titre national. Il précise : « Ce titre, c’est pour la vie. Il sera sur mon CV. Je pourrai le raconter à mes petits enfants».
Chez Freddy Guimard, il y a un côté petite entreprise, voire auto-entrepreneur. A quoi cela tient-il ? L’origine sociale de ses parents ? Le père est régleur, la mère est ouvrière, tous les deux en usine chez Vorwerk-SEMCO à Cloyes sur le Loir ? A ses dix années comme électricien bâtiment à la société Dunoise d’Electricité ? Il y a un peu de cela lorsque l’on tire les filets de l’eau pour mieux comprendre le parcours professionnel et sportif du jeune artisan. Car il y a l’éclat des bons souvenirs qui éclairent ce cheminement, les copains, ils ne sont que dix dans l’entreprise mais les liens sont forts, les apéros « heureusement, j’ai réussi à résister », les chantiers où le patron lui laisse de l’autonomie. A 18 ans, il lui confie le chantier de l’hôtel de ville de Châteaudun « pendant 4 ans, j’ai tout refait de A à Z ».
Côté sport, il appuie sur le bon interrupteur chez les juniors 2. Le courant passe au 220 lorsqu’il porte son record personnel à 32’05’’ sur 10 km lors des France 2005. C’est aussi sa première médaille, en argent, lors d’un championnat de France. Mais ça ne change pas une vie. Freddy reste l’électricien besogneux, les chantiers, les chauds et froids, une petite famille à unir et même un toit à construire, il ajoute avec fierté « j’ai tout fait, quand on fait de ses propres mains, c’est quand même mieux ». C’est l’artisan qui parle ! Il est alors entraîné par Stéphane Loriot, un ancien steepleux à 8’45’’, le caïd du club de Châteaudun qui le suit jusqu’aux portes des seniors pour ensuite laisser la place à Jean Pierre Maréchal également coach de Florian Théophile et du club de Vendôme.
Ainsi Freddy Guimard connecte les fils. Il change de clubs et cherche le bon courant, AS Fleury les Aubrais Sarran puis Free Run, l’A3 Tours et enfin l’AC Alès, pour trouver de l’émulation « pour basculer vers le haut niveau » explique-t-il. Lorsqu’il aborde le marathon en 2012, c’est vers Dominique Chauvelier qu’il se tourne. Celui-ci ne s’en cache pas, il a de l’affection pour ce genre d’athlète dans lequel, gouaille excepté, il se reconnait. Un solide dans la boue et un robuste sur la route, un pilier en béton pour un club typé boue – bitume. Pour sa première tentative sur le parcours de Nice – Cannes, Freddy réalise un 2h 20’28’’ en devenir alors qu’il exerce encore son métier dans le bâtiment.
Fin 2014, il pose les clefs du camion et demande son solde de tout compte à son patron. L’électricien coupe le jus avec Châteaudun et se branche sur Bordeaux pour retrouver Marion sa compagne, une ancienne athlète, sur 400 et 4H qui est passée…meneuse d’allure. Changement de cap donc, nouveau changement de club, il intègre Alès sur les conseils de Romain Courcières pour un changement de vie tout court « je suis devenu semi pro ». Il y trouve un emploi de vendeur chez Décathlon, rayon running. Un contrat de 10 heures pour débuter puis de 20 heures, il précise « c’est sûr, à la fin du mois, il ne reste pas grand-chose. Je ne vis pas au-dessus de mes moyens, mais je peux vivre de mon sport. Oui, je fais des sacrifices, mais j’ai une famille qui m’aide et surtout, je vis de ma passion ». Le carré familial vient juste de s’agrandir, une petite Adélie est née il y a quelques semaines.
Freddy Guimard s’est donc construit un petit univers, un choix mesuré et réfléchi. Freddy n’est pas du genre à flamber devant un miroir doré. Il a posé des jalons. Simples et efficaces, il précise : « Je me donne deux à trois ans pour progresser ». A 30 ans, on lui pose souvent la question « alors le prochain marathon c’est pour quand ? «, il répond : « cette année, j’ai donné la priorité au cross et au court ». Bien lui en a pris avec un nouveau titre par équipe au France de cross puis un second à Vendôme pour l’Ekiden et enfin un troisième à Paris-Charléty sur 25 tours. La boucle est bouclée… ? Non, car Freddy a desserré la ceinture, il se sent de l’appétit avec cette première sélection internationale pour la Coupe d’Europe du 10 000 mètres qu’il disputera le 5 juin en Turquie « mon rêve, c’était le porter le maillot de l’équipe de France ». Les entraînements réalisés en solitaire pour préparer le France du 10 000 l’ont mis indéniablement en confiance. Comme ces quatre SPE10 000 (ndlr : 3 x 2000 – 4 x 1500 – 400 + 300 + 8 x 200 – et à J-10, 1000 + 1500 + 2000 + 1000 + 2 x 500) au chrono exigé, au tempo relâché mais au vent alléché.
Dimanche, dans les rues de Strasbourg, Freddy Guimard rêve d’une seconde sélection, cette fois sur semi-marathon, une nouvelle distance ajoutée au programme des Championnats d’Europe qui auront lieu début juillet à Amsterdam. Avec Romain Courcières, Timothée Bommier et Brade Zioini, ils se sont entendus pour faire course commune car dit-il « tout seul, on ne peut pas y arriver ». C’est l’artisan qui parle, les années « électrique » ne sont pas si loin.
> Texte et photos Gilles Bertrand
> Freddy Guimard sera également au départ dimanche 22 mai de la Course Eiffage du Viaduc de Millau