8’05’’28 pour son premier 3000 mètres steeple à Eugene et 3’32’’97 sur 1500 à Portland, l’Américain Evan Jager se présente comme le seul à pouvoir mener la vie dure au trio infernal kenyan Kemboi, Birech et Kipruto. A Paris, la bataille s’annonce féroce.
C’est du twitter tout craché, l’image est jaune paille, le son lourdingue mais l’intention est là, communiquer avec ses fans. Dans la petite lucarne, Evan Jager, droit comme un piquet répond régulièrement via son compte twitter à des questions basiques sur l’entraînement. C’est du vite fait plutôt bien fait, 25 secondes top chrono pour répondre le plus clairement à la question posée.
Entre deux séances d’entraînement, dernièrement en altitude dans la station de Park City, dans l’Utah, à une heure de voiture de Salt Lake City, Evan Jager donne rendez vous à ses fans. Et ils sont nombreux, surtout des filles murmure-t-on (c’est même écrit dans sa bio officielle) car ce grand et beau gosse a du charme et du talent.
A 20 ans, il réalise 13’22’’18 sur 5000 lors des trials
Evan Jager vient d’un trou paumé de l’Illinois. Dans son lycée, c’est déjà la terreur en course à pied et c’est sans aucune difficulté qu’il est recruté par une université, ce sera celle du Wisconsin où œuvre déjà Jerry Schumacher.
Lorsque le coach est appelé aux côtés d’Alberto Salazar pour le seconder au sein de la structure pro développée par Nike dans l’Oregon, Evan Jager dit tchao au campus et prend le risque de devenir professionnel. Et ça tourne plutôt bien puisqu’à 20 ans, il réalise 13’22’’18 sur 5000 lors des trials et obtient sa première sélection pour les Mondiaux de Berlin en 2009. Il se fait lourder en demi-finale dans le plus strict anonymat.
C’est finalement sur le steeple qu’il décide de grimper. Il possède la vitesse, l’endurance, une technique naturelle pour s’élever au dessus de la rivière et la gueule de l’emploi avec sa belle et longue crinière blonde et sa tête de jeune premier.
Pas étonnant dès lors que l’on s’amourache ce jeune homme. Il crève l’écran, par sa taille, son physique et ses performances en batterie, 6ème aux J.O. de Londres, 5ème à Moscou l’année suivante et un record significatif en 2014, 8’04’’71 sur le steeple pour une année off de grands championnats pour les Ricains.
Evan Jager se présente comme le seul capable de mettre son nez dans les petites affaires de famille kenyane
Cette année, au sein du Bowerman Track Club drivé par Jerry Schumacher, branche dissidente du NOP d’Alberto Salazar actuellement sous le feu ardent des critiques et des interrogations, Evan Jager poursuit son ascension. Nouveau look, longs cheveux noués à l’arrière et déjà de grosses perfs, 8’05’’28 pour son premier 3000 mètres steeple à Eugene derrière le trio infernal Kemboi, Birech et Kipruto et encore plus significatif 3’32’’97 sur 1500 à Portland, record personnel enfoncé. En l’absence de Mahiedine Mekhissi à Pékin, opéré en mars à Doha d’une blessure récurrente au talon, Evan Jager se présente ainsi comme le seul capable de mettre son nez dans les petites affaires de famille du clan kenyan. Plus symbolique, il pourrait être le premier Américain et le premier coureur non africain à descendre sous les 8 minutes. En 2013, Mahiedine Mekhissi avait échoué dans cette quête pour 9 centièmes lors du meeting Areva. Le 4 juillet prochain, la bataille de Paris s’annonce féroce.
> Texte et photo Gilles Bertrand