Quatre athlètes viennent de recevoir une suspension réduite, pour avoir reconnu leur utilisation du dopage. Une situation inédite, tant les dopés choisissent en général de contester les faits. Le Marocain Aziz Lahbabi, le Kenyan Edward Kebet, la Chypriote Ana Ramona gagnent ainsi un an de suspension. Ceci en application des règles inclues dans le Code Mondial Anti Dopage version 2021, afin de réduire le nombre de cas à statuer en audience. Le Kenyan Paul Lonyangata, double vainqueur du marathon de Paris, obtient également une sanction réduite.
Les aveux de quatre athlètes. C’est une situation inédite que l’Athletics Integrity Unit a révélé en ce début d’année 2022. Tellement à l’opposé des habitudes, où les athlètes contestent leur dopage, et multiplient les mensonges pour justifier leur contrôle positif. Cette fois, ils sont quatre à avoir accepté de reconnaître leurs torts, avec en contrepartie, une réduction de leur sanction, d’une année dans trois cas.
Le code mondial anti dopage adopté en janvier 2021 autorise cette diminution qui n’était jusqu’alors accordée que dans le cas de « l’aide substantielle » apportée aux autorités anti-dopage. Ou plus clairement, lorsque le sportif dopé fournissait des informations permettant de découvrir d’autres cas de dopage.
Désormais un sportif qui avoue sa violation des règles et accepte la suspension proposée dans un délai de 20 jours obtient automatiquement une réduction d’un an de sa suspension, pour tomber de 4 ans à 3 ans. Un gain évidemment très intéressant pour un jeune athlète. Comme pour Edward Kebet, 22 ans seulement, et positif à la nandrolone.
Le Kenyan Edward Kebet se soigne avec de la nandrolone.
C’est probablement la suspension la plus rapide jamais prononcée dans l’histoire de l’anti-dopage ! En deux semaines seulement. Car le contrôle positif à la nandrolone d’Edward Kebet ne remonte qu’au 23 janvier 2022. Et le 8 février, sa suspension de trois ans était prononcée….
Entretemps, Edward Kebet avait justifié avoir acheté en décembre 2021 une ampoule de Deca Durabolin, un stéroïde anabolisant, qui contient de la nandrolone, et se l’être injectée lui-même. Pour une raison toute simple, soutient-il : se soigner, car souffrant d’une blessure et de douleurs permanentes.
Une explication arrangeante, mais qui confirme une nouvelle fois l’utilisation très répandue de la nandrolone chez les coureurs du Kenya, comme l’ont révélé une multitude de cas positifs.
Au contraire de la plupart des Kenyans, qui contestent toujours leur contrôle positif, Edward Kebet a accepté d’assumer. Avec quelle part de vérité dans cette histoire d’injection isolée effectuée pour se soigner ???
Officiellement, c’est donc pour se préparer pour le semi-marathon de Santo Pola, en Espagne, où il a fini 2ème en 59’34’’, qu’Edward Kebet a basculé. Mais demeure en filigrane, une interrogation de taille : avait-il déjà été un utilisateur lors de ses précédentes performances, et en particulier l’année de ses records sur route, en 2019, où à 20 ans seulement, il court 13’32’’ sur 5 km route et 27’50’’ sur 10 km route ???
Quel peut être l’avenir sportif pour Edward Kebet au terme de sa suspension ? Elle s’achèvera en février 2025, il n’aura alors encore que 26 ans. C’est encore jeune pour un athlète talentueux. S’il l’était vraiment naturellement…
Le Marocain Aziz Lahbabi avoue des manipulations sanguines
C’est son passeport biologique qui a trahi Aziz Lahbabi. Après 5 prélèvements effectués sur 8 années, entre août 2013 et mai 2021, les valeurs hématologiques ont parlé, pour faire apparaître un passeport « atypique ».
En juillet 2021, les experts de l’Agence Mondiale Anti Dopage concluent à un « Dopage probable ». L’athlète est informé, et se justifie en septembre 2021. Mais les explications ne convainquent pas les experts, qui maintiennent l’utilisation probable d’un produit dopant, agent stimulant de l’EPO ou d’un dopage sanguin, transfusion ou manipulation. Fin décembre 2021, Aziz Lahbabi est suspendu provisoirement.
Coup de théâtre, à la mi-janvier 2022, le marathonien marocain admet la violation des règles anti-dopage et donne son accord sur une suspension réduite à 3 ans. Aziz Lahbabi devient ainsi le premier athlète à reconnaître des manipulations sanguines. Une situation plus qu’inédite tant jusqu’alors, les athlètes mis en cause pour leur passeport biologique avaient à cœur de soutenir n’avoir en réalité jamais été contrôlés positifs.
Avec quels espoirs pour la suite pour Aziz Lahbabi, coureur de 31 ans, devenu un modeste néo-marathonien en janvier 2021, avec un chrono de 2h10’ peu en relation avec son record de 59’25’’ sur semi. Et là encore, un talent junior, marqué par une médaille de bronze au Mondial 2010 sur 5000 mètres, ternie quelques mois plus tard par un premier contrôle positif à la Methylhexanamine.
La Chypriote Ana Ramona, de la testostérone dans mes compléments alimentaires
La carrière de la sprinteuse Ana Ramona Papaionnou, 33 ans, est bel et bien terminée. Même si sa sanction n’est que de trois ans au lieu des quatre qui auraient dû être prononcées après la découverte de testostérone dans son échantillon prélevé en juin 2021.
Pour cette Chypriote, au modeste record de 11’’25 en 2016, mais présente aux JO 2016, et véritable star dans son pays, la ligne de conduite n’a pas été d’une grande honnêteté, puisqu’elle soutient que la testostérone provient des compléments alimentaires qu’elle a absorbés, et qu’elle ne reconnaît pas l’avoir absorbé de manière intentionnelle. Mais elle accepte tout de même d’admettre avoir violé les règles anti-dopage et accepte d’être sanctionnée.
Le Kenyan Paul Lonyangata accepte très vite sa sanction
Une peine raccourcie à 19 mois seulement pour avoir reconnu très vite l’usage d’un produit interdit. C’est le sort de Paul Lonyangata. Pour lui, c’est un diurétique, le furosemide, qui le fait basculer du mauvais côté. Après un contrôle effectué hors compétition, fin septembre. Un mois plus tard, dès la fin octobre, Paul Lonyangata a accepté la proposition de sanction, qui l’interdit jusqu’en mai 2023.
A 29 ans, le double vainqueur du marathon de Paris en 2017 et 2018, 3ème en 2019, sort ainsi par la petite porte. Il avait marqué les esprits lors du marathon de Paris 2017, lorsqu’il gagne en même temps que son épouse, Purity Rionoripo. Ce doublé du couple avait alors suscité les commentaires les plus romantiques.
Depuis, le couple s’est séparé. Son ex-épouse a enchaîné les marathons à travers la planète. Paul Lonyangata, lui aussi a traversé les continents, mais est toujours demeuré fidèle à la France. En juin 2021, il y séjournait à nouveau, pour la Route du Louvre, il y avait terminé 5ème en 1h00’52’’. Et finalement, il pourrait bien s’agir de l’ultime compétition de sa carrière….
Texte : Odile Baudrier
photo : D.R.