L’AFLD a été secouée ces derniers mois par une affaire grave concernant Damien Ressiot, haut cadre de l’Agence, objet de deux enquêtes de l’Agence Mondiale Antidopage et du Parquet de Paris suite à un signalement pour des accusations de trafic de produits dopants. Elles se sont finalement achevées sans aucune mise en cause faute d’éléments probants.
Des rumeurs circulaient depuis plus d’une année autour du nom de Damien Ressiot, évoquant de possibles méthodes douteuses dans son travail de responsable du département des contrôles d’abord, puis du département des investigations.
Mais le secret, donnée omniprésente de la lutte antidopage, n’avait pas pu donner une vision exacte de cette affaire. C’est le journal l’Equipe qui a ainsi dévoilé ce mercredi 4 décembre son importance ainsi que son issue, celle de l’absence de toute mise en cause de Damien Ressiot.
Et cela au terme de deux enquêtes complètes, celle de l’Agence Mondiale Antidopage et celle du Parquet de Paris. Celui-ci avait été saisi par l’AMA au printemps 2023 en évoquant à l’encontre de Damien Ressiot des faits de trafic de produits dopants. Une accusation gravissime pour cet homme impliqué dans l’antidopage depuis 1997, d’abord comme journaliste pour l’Equipe, avec un rôle très actif dans l’affaire de Lance Amstrong, puis depuis 2015 à l’AFLD.
Beaucoup de questions autour de cette affaire
Pourquoi cette affaire a-t-elle débuté ? Sur la base d’un signalement auprès de l’AMA par l’Athletics Integrity Unit, alertée par un informateur qui accuse donc Damien Ressiot de couvrir des violations des règles antidopage par un informateur, et même de l’avoir incité à violer ces règles, et plus précisément de vente des produits dopants, et également d’informer des athlètes de futurs contrôles.
Le cœur de cette affaire se situe notamment au Maroc avec en filigrane plusieurs informateurs, de l’AFLD ou de l’Athletics Integrity Unit, fournissant des informations précieuses sur le dopage de certains athlètes, en particulier dans le cas du contrôle de Clémence Calvin en mars 2019, qui allait déboucher sur sa suspension de quatre ans.
Comment se sont déroulées ces enquêtes ? Les enquêteurs de l’AMA et ceux des Douanes mandatés par le Parquet parisien ont épluché ses messages, ses comptes et entendu de nombreux témoins. Pour aboutir à ces deux décisions qui blanchissent complètement Damien Ressiot et l’AFLD. Interrogé par Spe15, ce dernier nous a confié : « La fonction d’investigateur nécessite d’aller sur le terrain et de se frotter à ceux qui nourrissent les trafics lorsqu’on veut être efficace en matière de répression. Ces gens ne sont pas des enfants de cœur et les tentatives de déstabilisation en retour sont monnaie courante. L’AFLD a décidé de se doter de pouvoirs d’enquête et de les utiliser. Elle l’assume complètement. S’il faut en rendre compte à la justice, cela ne pose aucun problème. »
Comment expliquer néanmoins cette démarche du département I&I de l’AMA ? Non seulement l’Agence Mondiale Anti Dopage a jugé utile de suivre cette piste, mais elle a également sollicité la justice française au risque de complètement déstabiliser l’AFLD à quelques mois des JO de Paris 2024.
Une situation surprenante à considérer le laxisme de l’AMA dans le cas des nageurs chinois exonérés de sanction après des contrôles positifs ou encore dans sa prétendue ignorance des négligences graves de l’Agence Espagnole de l’Antidopage.
Le Communiqué officiel de l’AFLD, qui évoque un agent sans le nommer, témoigne de l’irritation de l’instance française face à la démarche de l’AMA auprès du Parquet, sous entendant clairement que les moyens démesurés pour vérifier ces allégations auraient pu être alloués à d’autres dossiers beaucoup plus embarrassants…
Analyse : Odile Baudrier