Après l’annonce de son contrôle positif à l’EPO, Asbel Kiprop invoque la corruption des préleveurs kenyans, et leur sabotage de ses échantillons. Les préleveurs, estimant le pot de vin trop faible auraient ajouté de l’EPO dans ses flacons. L’affaire confirme les éléments dévoilés précédemment sur les mauvaises pratiques des acteurs de l’anti-dopage au Kenya…
Par Odile Baudrier
Moins de 24 heures après qu’ait filtré son contrôle positif à l’EPO, Asbel Kiprop a réagi par un communiqué relayé par les médias kenyans. Et le moins qu’on puisse dire est que le Kenyan provoque une deuxième onde de choc sur son cas.
La première a bien sûr été consécutive à la révélation de son nom. Cette fois, c’est bien l’un des plus grands athlètes du Kenya qui se voit pointé du doigt pour dopage. C’est également l’un des Kenyans les plus actifs dans la lutte anti-dopage. Asbel Kiprop s’est toujours élevé contre cette dérive. Ainsi en mai 2015, lorsque nous l’avions rencontré à Eldoret, il avait affiché avec force son soutien à l’idée d’une sanction à vie pour les dopés. Et aussi son hostilité à l’idée que les managers étrangers seraient les instigateurs de l’utilisation du dopage parmi les Kenyans.
Justement immédiatement après l’annonce de son contrôle positif, la polémique allait surgir au Kenya, contre Federico Rosa, le manager de Kiprop, et pointé du doigt avec virulence par Wesley Korir, athlète et ex-député, qui n’hésitait pas à exiger le départ de Rosa du Kenya, créant même le hastag #Rosamustgo… Car ce nouveau contrôle est le 5ème du Groupe Rosa, après ceux de Jemima Sumgong, Rita Jeptoo, Matthew Kisorio, Agatha Jeruto.
Asbel Kiprop accuse les préleveurs
Mais cette première secousse, qui paraissait énorme, allait être balayée par les explications données par Asbel Kiprop dans un long texte riche en surprises.
L’athlète y révèle avoir été averti le 26 novembre au soir par le préleveur kenyan, du prélèvement prévu pour le lendemain matin. Asbel Kiprop affirme également avoir été sollicité par les deux préleveurs pour qu’il leur verse une somme d’argent. Pour quelle raison ? Ses explications sont confuses, et il prétend ne réaliser que maintenant qu’il s’agissait d’un pot de vin…
Et il poursuit en soutenant que c’est parce que le montant versé au préleveur, (qui n’est d’ailleurs pas mentionné) était insuffisant, que celui-ci aurait alors introduit de l’EPO dans ses deux échantillons. Car Asbel Kiprop prétend avoir laissé ses deux flacons ouverts sur la table de son appartement pour aller chercher de l’argent dans sa chambre…
Les péripéties ne sont pas terminées. Asbel Kiprop affirme qu’après avoir été informé de sa positivité à l’EPO, le 3 février 2018, il lui aurait été fait la proposition d’admettre ses torts en échange d’un poste d’Ambassadeur à l’IAAF.
Même si les évènements autour la Russie ont permis de découvrir que certaines pratiques, tant à l’IAAF, que dans les laboratoires anti-dopage, apparaissaient d’abord rocambolesques avant d’être admises comme bien réelles, les explications d’Asbel Kiprop ne peuvent que susciter une grande incrédulité.
La corruption, oui, mais la manipulation ??
Pas sur le fait d’avoir été informé la veille du contrôle. Ceci confirme les informations dévoilées précédemment dans le reportage d’Hajjo Seppelt, et dans des témoignages d’athlètes étrangers, comme le Canadien Reid Coolsaet.
Pas plus sur celui du pot de vin versé aux contrôleurs. Là encore, les sujets d’Hajjo Seppelt avaient révélé une corruption fréquente. Le montant serait intéressant à connaître pour savoir quel secret Asbel Kiprop cherchait à couvrir…
Mais les autres éléments évoqués étonnent, et la communauté de l’athlétisme a surtout pointé du doigt le fait qu’un athlète aussi expérimenté que Kiprop fasse l’erreur de laisser ses échantillons ouverts à disposition des préleveurs. Que ceux-ci aient introduit de l’EPO dans les deux bidons dans les mêmes quantités, ce qui n’est pas si simple sur le plan technique. Ou encore qu’un poste d’Ambassadeur IAAF lui ait été proposé en échange de son accord sur sa sanction.
Autant de points litigieux, qui promettent d’énormes rebondissements. Quels qu’ils soient, l’athlétisme kenyan n’en sortira pas grandi….
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : Gilles Bertrand