Clémence Calvin a été suspendue ce mercredi 10 avril à titre provisoire par l’Agence Française Anti-Dopage, pour la soustraction à un contrôle anti-dopage. La jeune marathonienne a livré sa version de contrôle du 27 mars, en évoquant une « interpellation » par des personnes se présentant comme des policiers français. L’imbroglio est total. L’AFLD conteste, évoque des suites judiciaires à ces fausses déclarations, qui constituent un élément aggravant de l’infraction anti-dopage. Les avocats de Clémence Calvin veulent déposer un recours en référé auprès du Conseil d’Etat pour qu’elle puisse disputer le marathon de Paris de dimanche ! Samir Dahmani est également suspendu à titre provisoire.
Jamais affaire de dopage n’aura connu autant de rebondissements et aura acquis une telle dimension que celle de Clémence Calvin. La jeune femme, entourée de ses deux avocats, a livré sa version des faits durant une conférence de presse à Paris. Son avocat Maître Pericard a expliqué en préambule que l’AFLD lui avait délivré le matin même deux notifications pour violation des règles anti-dopage : la première pour un no show du 27 mars à 20 heures, la deuxième pour une soustraction à un prélèvement d’échantillon survenue le même 27 mars. Avec en corollaire, une suspension à titre provisoire, pour elle, et également pour Samir Dahmani, pour obstruction au contrôle. Et de souligner que Clémence Calvin avait connu depuis le 1er janvier 2018 un total de 24 prélèvements d’échantillons, qui s’étaient tous révélés négatifs, avec, dernier en date, celui du 17 mars 2019 à son domicile de Martigues.
Clémence Calvin, le visage très marqué, a ensuite pris longuement la parole pour décrire un contrôle qu’elle qualifie « d’une grande violence ». Son récit fait état de trois personnes, deux hommes, une femme, qui l’auraient interpellée dans la rue, en lui demandant « Où est Dahmani ? » Et ce trio se serait présenté en qualité de « Police Française ». Une fois Samir Dahmani retrouvé, survient un épisode dramatique, l’une des trois personnes lui aurait tapé sur le bras, provoquant la chute de son fils par terre. Le couple serait alors parti en catastrophe pour chercher un médecin pour soigner leur enfant, et les premiers soins reçus dans une pharmacie, ils seraient allés au restaurant avant de rejoindre leur domicile, vers minuit. C’est là qu’apparaît un autre épisode plus que surprenant : Clémence Calvin affirme que trois personnes se présentant comme de la police ou gendarmerie française auraient cherché son domicile vers 20 heures, horaire prévu pour sa localisation quotidienne, en vue d’un contrôle anti-dopage. D’où le no show constaté.
Une suite pénale à cette interpellation ??
Autant d’éléments tous plus effarants les uns que les autres. Pour Maître Pericard, les circonstances de ce contrôle inopiné sont telles qu’il réfléchit à une suite pénale sur cette situation d’une grande violence. Il utilise à plusieurs reprises le terme d’interpellation, qu’il entoure parfois de « guillemets », Clémence celui d’agression, qui lui a provoqué une très grande peur. Car Maître Pericard le répète à deux reprises : à aucun moment, les personnes ne se sont présentées comme des membres de l’AFLD. Il soutient avoir déjà réuni des attestations et copies d’écran émanant d’habitants du quartier, qui affirment que les trois personnes ont expliqué effectuer une enquête pour la Gendarmerie Française. Et de résumer en plusieurs points : « A l’interpellation, personne n’a décliné son identité. Après l’interpellation, les identités ont été déclinées, mais une était fausse. Le soir, aux voisins, il a été affirmé qu’il s’agissait de la gendarmerie. Puis des échanges de messages ont eu lieu (le soir ?), évoquant l’AFLD et la gendarmerie ».
A mesure que les éléments successifs sont présentés par Clémence Calvin et ses conseils, des incohérences apparaissent dans des points de détail. Mais surtout, sur le silence observé par Clémence Calvin et son compagnon, Samir Dahmani, depuis le 4 avril, date à laquelle l’information d’un problème sur une soustraction au contrôle a été diffusée. Pour Maître Pericard, les choses sont très claires, il n’était pas question de répondre avant d’avoir connaissance des reproches de l’AFLD, qui n’ont été connus de l’athlète et de ses conseils qu’en cette matinée du 10 avril.
Le couple a gardé le silence selon les conseils de leur avocat
Concernant les réponses formulées à divers médias, par Samir Dahmani le 4 avril, Clémence souligne que le duo a suivi les conseils de leur avocat. Son compagnon avait rétorqué qu’il n’y avait pas eu de contrôle AFLD, pas d’incident lors d’un contrôle, mais n’avait pas évoqué le problème survenu avec des « policiers ».
L’autre surprise vient du fait que Clémence Calvin et Samir Dahmani n’aient pas souhaité informer la FFA de ce grave incident. Jusqu’à laisser la FFA, et son président, André Giraud, sans nouvelle, au point que le dimanche 7 avril, André Giraud lance un appel sur Stade 2 pour lui demander de répondre aux accusations de fuite du contrôle portées contre elle. Mais Clémence Calvin rétorque avoir eu le président au téléphone pour le rassurer. Quand ? Elle ne sait plus très bien. Le vendredi ? Le samedi ? Le dimanche ? Elle pense lui avoir parlé après l’enregistrement de son interview par Thierry Vildary. Sans que le Président prenne l’initiative de demander au journaliste de France Télévisions de supprimer la diffusion de son interview le lendemain soir ???
Autre élément étonnant, le timing de cet incident, sur lequel Thierry Vildary s’étonne en questionnant : « Vous êtes choquée, vous avez peur pour votre enfant, mais vous n’appelez personne, vous allez manger le soir au resto au lieu d’être chez vous à 20 heures, d’où ce no show, et ensuite vous vous entraînez normalement???? »
L’AFLD va porter plainte pour allégations
Fait très rare, l’AFLD a provoqué une conférence de presse pour réagir aux accusations formulées par Clémence Calvin et ses conseils. Mathieu Téoran, le secrétaire général de l’AFLD, évoque des invraisemblances qu’il ne souhaite pas expliciter. Mais il affirme surtout que deux allégations sont graves et dénuées de fondement : les violences à l’égard de Clémence et de son enfant, et l’usurpation de qualité des agents préleveurs qui se seraient fait passer pour la police française. Sur ce point, l’AFLD soutient qu’elle va donner des suites judiciaires à cette affaire. D’autant que les préleveurs sont assermentés, et qu’ils étaient très expérimentés, en particulier Olivier Grondin, qui a oeuvré sur plusieurs Tours de France, et très spécialiste du Maghreb, où il a effectué de nombreux contrôles. Et que comme l’a confirmé Mathieu Teoran, aucun policier n’était présent dans l’équipe du Maroc.
Et Mathieu Teoran explicite que c’est en toute légalité que le contact en vue d’un contrôle a été effectué, comme les règles le permettent. La notification peut s’effectuer en public, et ensuite le contrôle s’effectue dans un lieu protégeant la vie privée de l’athlète.
Pourquoi le choix de cette date du 27 mars ? Il n’a pas été fait au hasard, mais à partir des éléments connus sur les dates auxquelles doit s’effectuer une cure d’EPO pour être efficace et pour que le produit soit éliminé pour le jour J. En partant du marathon au 14 avril, la cure de 10 à 12 jours devait débuter le 22 mars, et s’achever le 9 avril. Ce sont exactement les dates de stage choisies par Clémence Calvin, pour une localisation déclarée dans un premier temps à Ifrane, et déplacée (ou pas ?) à Marrakech.
Quant à la notification, elle n’a été effectuée que ce mercredi 10 avril, pour être remise en mains propres à Clémence Calvin à son retour à Paris le 9 avril. Ceci parce que un envoi par courrier ne présentait pas toutes les garanties de confidentialité.
L’affaire Calvin ne fait que commencer. Comme l’a expliqué Mathieu Teoran, les fausses déclarations constituent un élément aggravant dans une infraction anti-dopage. Prochaines étapes : le dépôt d’un référé auprès du Conseil d’Etat pour contester la suspension à titre conservatoire. Un rendez-vous avec l’AFLD pour présenter les observations des avocats sur les éléments livrés dans les notifications du 10 avril. Puis un passage devant la commission des sanctions. La procédure exigera plusieurs mois.
- Texte : Odile Baudrier (avec les infos de Thierry Vildary pour la partie AFLD)
- Photo : Gilles Bertrand