Pierre Ambroise Bosse et Jimmy Vicaut comptent parmi les clients du Docteur Muller Wohlfart, ce médecin allemand réputé pour sa collaboration avec de grands noms du sport et de l’athlétisme, et surtout Usain Bolt et Paula Radcliffe, et les plus grandes stars du foot mondial. Ce spécialiste de Munich fait un peu figure de sorcier, avec ses traitements à base de sang de veau, que de nombreux spécialistes de l’anti-dopage estiment douteux. Le Docteur Jean Michel Serra, médecin pour la FFA, lève le voile sur les pratiques du Docteur Muller. Et c’est décapant !
Entretien réalisé par Odile Baudrier
La nouvelle avait circulé durant le Championnat du Monde de Londres, Pierre Ambroise Bosse et Jimmy Vicaut seraient devenus de nouveaux clients du Docteur Muller, et un aller-retour jusqu’à Munich leur aurait été très bénéfique pour être remis sur pied pour ce rendez-vous, avec à la clef, un titre mondial sur 800 m pour Bosse, et une 6ème place sur le 100 m pour Vicaut.
Ma question sur cette collaboration posée par SMS à leur manager commun, Kévin Hautcoeur, avait obtenu ce vendredi 24 août une réponse étrange : « Malheureusement les questions liées au Médical concernent essentiellement le médecin fédéral ».
C’est donc vers Jean Michel Serra, le médecin de la FFA depuis 2009, que je me tournais alors pour l’interroger sur le docteur Muller et sur sa collaboration avec les deux athlètes français, avec en retour, un accord immédiat formulé de la sorte : « C’est un sujet où j’ai pas mal de choses à en dire et en fonction de ce que vous publierez, cela démystifiera le personnage et peut-être fera cesser de parler en permanence de lui dans le monde de l’athlétisme. »
Un gourou ? Un sorcier ? Un dopeur ? Il est vrai que le Docteur Muller en a reçu des qualificatifs à travers les années depuis qu’Usain Bolt a mis en avant ce médecin munichois pour sa capacité à le soigner et à le remettre sur pied très rapidement. Comme il a su le faire pour tant d’autres stars du sport, les plus grands footballeurs, ceux du Bayern Munich, ou Ronaldo, comme les meilleurs athlètes, Paula Radcliffe, Tison Gay, Maurice Greene, Kenenisa Bekele….
Tous recevant ses bons soins, avec au cœur du mythe, un produit très étrange, l’Actovegin, un extrait de sang de veau, qui ferait des miracles par sa capacité à cicatriser, et à faciliter la récupération. Mais l’Actovegin cristallise aussi l’animosité des acteurs de l’anti-dopage, l’estimant « border-line », même si en réalité, il n’a jamais figuré sur la liste des produits interdits, et qu’aucun sportif suivi par le Docteur Muller n’a eu le moindre contrôle positif.
Alors, oui, dans un tel contexte, l’entretien réalisé avec le Docteur Serra lève le voile sur les pratiques du Docteur Muller, d’une manière très étonnante…
– Tout d’abord, je voulais savoir si vous pouvez me confirmer que Pierre Amboise Bosse et Jimmy Vicaut sont devenus des clients récents du Docteur Muller ?
– Je ne crois pas qu’on puisse dire des clients récents. Comme beaucoup d’athlètes internationaux, et certains Français. Il a pas mal de monde dans sa clientèle, je ne vais pas vous l’apprendre.
– Cela veut dire qu’ils l’ont consulté déjà depuis un petit moment selon ce que vous savez ?
– C’est toute la problématique de l’athlète de haut niveau à l’approche d’une compétition, avec une pathologie. Médiatiquement parlant, en-dehors de ce praticien, on n’entend pas parler d’autres personnes. Alors, bien sûr, un peu comme Dieu le père, on a l’impression que si on en entend parler, c’est forcément la panacée, c’est là qu’il faut aller si on a un problème.
– Cela signifie que vous estimez que les athlètes le considèrent trop comme un ultime recours ?
– Disons que c’est comme toujours, quand il y a de l’urgence par rapport à des compétitions très importantes, dans tous les recours imaginables qui peuvent se présenter à eux, la plupart des athlètes vont essayer de voir ce que cela peut leur apporter. Ils ont l’impression qu’on peut multiplier les soins et les avis pour essayer d’être le plus performant possible. Chose qui n’est pas la vérité. Mais la difficulté est comment on arrive à faire passer un vrai message de santé « publique » dans le sport de haut niveau, plutôt que de voir les gens faire des errances médicales à droite et à gauche, avec des thérapeutiques qui ne vont pas forcément aller de pair et s’associer au mieux pour pouvoir au bout du compte être guéri dans les temps.
– Justement pour Bosse et Vicaut, on peut peut-être considérer que cette visite chez le Docteur Muller leur a permis d’être présents en bonne condition pour le championnat du Monde ?
– Si vous considérez qu’aller dépenser 2 à 3000 euros sur 2-3 jours pour faire quelques injections d’eau salée va permettre d’être performant, c’est oublier tout le travail qui est fait par tous les autres thérapeutes qui sont autour d’eux le reste du temps, et qui eux, ne comptent ni leur temps, et qui pour la plupart, ne sont pas rétribués pour ce qu’ils font auprès de ces athlètes. C’est toute la problématique, comme en psychiatrie, de payer ou de ne pas payer, et de rendre ce qui est payé cher plus important et intéressant que ce qu’on a à disposition à longueur d’année….
3000 euros pour une cure
– On sent de votre part une certaine réticence à l’égard du Docteur Muller. Sur quoi cette réticence est-elle fondée ?
– Moi, j’ai eu l’occasion d’y aller à une époque, pour accompagner un athlète, pour savoir exactement ce qui s’y faisait. Ce que je peux vous en dire, c’est que c’est un bon praticien sur le plan clinique. C’est un praticien qui sait de quoi il parle, et qui est en capacité de faire un diagnostic intéressant. Les lieux sont luxueux, qui en jettent beaucoup. Pour ceux qui pourraient se laisser abuser par cet aspect, c’est sûr que ce n’est pas une structure hospitalière comme en France, où il n’y a pas d’équivalent. Cela donne un clinquant beaucoup plus sérieux, si le sérieux était mesuré à la qualité de la réception des gens. Sur l’ensemble des examens faits, il n’y a pas grand-chose de plus que dans la plupart des cabinets en France. Il s’appuie beaucoup sur les examens déjà faits. Ce n’est pas plus difficile que pour nous, car les examens ne sont pas faits au hasard. Après, pour avoir vu pas mal de protocoles auprès des athlètes, ce sont des techniques très répétitives, avec toujours à peu près la même chose. Cela laisserait à penser que soit les athlètes ont toujours exactement les mêmes problèmes, soit qu’on utilise des principes qui marchent bien, qui sont bien connus et qui ne peuvent pas être meilleurs que ce qui peut être fait dans beaucoup d’autres endroits, et qui permettent de pallier momentanément à un problème, en attendant que ce problème ou un nouveau surgisse pour, à nouveau, pouvoir intervenir, et refacturer quelques soins à des prix assez prohibitifs.
– Le Docteur Muller a une image de médecin un peu douteux, même s’il n’y a pas vraiment d’éléments à charge contre lui, puisqu’aucun de ses sportifs n’a jamais été positif. Le produit miracle qu’il utiliserait serait l’Actovegin. Qu’en savez-vous ?
– Oui, mais même ça, ce n’est plus un produit miracle. Disons qu’il était un poil avant-gardiste avec ce produit, qui était un peu décrié à un moment donné, inscrit sur les listes anti-dopage en surveillance, et puis finalement, pas mis du tout en interdit. Pour ce produit, il n’y a jamais eu de notion quelconque d’amélioration de la performance. Pourquoi je vous dis avant-gardiste ? Car c’était un produit fait à base de sang de veau avec des principes actifs qui permettent d’améliorer la cicatrisation. Maintenant, on a d’autres techniques qui sont bien plus révolutionnaires, si j’ose dire, car elles sont connues depuis un petit moment, et elles sont beaucoup plus efficaces sur ce plan-là car au lieu d’utiliser un ersatz de sang de veau, on utilise le sang du sportif lui-même, avec les fameux PRP. Et donc là, on a le sang propre de l’individu avec aucun risque particulier de libérer une réaction au niveau de l’individu, et avec tous les facteurs de cicatrisation ultra centrifugés pour avoir l’efficacité maximale. Sur ce plan-là, si on continue à aller là-bas juste pour faire de l’Actovegin, on est à la limite de la charlatanerie…
L’Actovegin n’a plus rien de révolutionnaire
– Il a été suggéré que l’Actovegin serait peut-être utilisé en parallèle de produits interdits, car souvent retrouvé dans des protocoles de personnes contrôlées positives ou lors de descentes policières aux côtés d’hormone de croissance. D’où l’idée qu’il serait en fait utilisé pour booster des produits interdits. Qu’en pensez-vous ??
– Moi, je n’ai pas trop d’inquiétude que ce produit puisse améliorer grand-chose en termes de performances. Après, comme on parle de sportifs, qui sont tout le temps sur la corde raide, qu’ils aient des problèmes, des douleurs ou des zones inflammatoires, ou en cours de cicatrisation, forcément. Imaginer qu’un sportif dopé n’aurait aucun problème de santé, ne serait pas blessé, n’est pas trop considérer qu’au-delà du dopage, ils poussent leur organisme au maximum de ses possibilités, et qu’ils sont aussi sujets à d’autres problématiques, comme tout le monde.
– Il est vrai qu’il n’a jamais été démontré que l’Actovegin avait un effet sur l’amélioration des performances, et à l’opposé, certains soutiennent même qu’il s’agit en réalité d’un placebo. Qu’en pensez-vous ?
– Non, ce n’est pas forcément un placebo. C’est les prémices de ce qui est fait maintenant avec les PRP. C’était quelque chose qui aidait à la cicatrisation, et qui avait donc un intérêt thérapeutique. Dans le reste du cocktail qu’il fait habituellement, il y a un autre produit à base de plantes, on est à la limite de l’homéopathie, les plantes auraient des vertus anti-inflammatoires. Pour le gros de ce qu’il fait, c’est énormément de liquide injecté en interne. Je pense qu’il a compris depuis longtemps, que le gros problème du sportif, quel qu’il soit, est un manque d’hydratation correcte. Et cette sous-hydratation fait que les tissus s’abîment prématurément. En général, en réhydratant abondamment par injections dans les zones lésées, il résout déjà 90% ou 95% du problème. En gros, il a inventé l’eau !!
Le Docteur Muller a inventé l’eau !
– J’ai pu lire aussi qu’il injectait des lubrifiants dans les articulations ?
– Oui, il fait comme les autres… Cela fait quelques années qu’on utilise ce genre de produits pour améliorer effectivement l’état articulaire. Et là aussi pour les cartilages abîmés chez les sportifs qui tirent pas mal dessus, ce sont des thérapeutiques tout à fait licites, et déjà utilisées depuis quelques années. A mon avis, actuellement, continuer à aller là-bas et payer cher ce genre de cures alors que la plupart des choses peut être faite en France à moindre coût, c’est peut-être plus qu’exagéré. Pour moi, c’est plutôt le fait d’hyper-médiatiser ce praticien-là qui fait au final que les sportifs, qui sont des humains avant tout, vont là-bas. Comme tout humain, si demain vous lisez dans l’Express ou le Point, qu’untel est un spécialiste plus réputé en France qu’un autre pour une pathologie que vous avez, vous serez tenté d’aller voir celui-là plutôt que celui qui est à côté de chez vous. Sans même savoir si celui qui est à côté est peut-être moins médiatique, mais plus compétent. C’est toute la problématique de l’éclairage qu’on peut faire dans le milieu médical, et en France, sur ce plan-là, la déontologie fait qu’on ne peut pas se faire de la publicité « sur le dos » des sportifs, pour pouvoir alimenter son cabinet médical.
– Cela veut dire que dans le cas de Bosse et Vicaut, vous n’étiez pas favorable à ce qu’ils se rendent chez le Docteur Muller ?
– Que les athlètes fassent des choix pour aller voir des thérapeutes qui peuvent les intéresser, c’est tout à fait normal. Même en France, il n’y a pas d’obligation de voir tel ou tel praticien, parce qu’il est fiché ou encarté par la Fédération française de Football ou d’athlétisme. On n’est pas tenus à faire de la sélection sur ce plan-là. Après, que j’estime que ce ne soit pas la chose la meilleure qui soit… Si on doit parler de Vicaut, si on avait suivi une autre façon de fonctionner, peut-être qu’on parlerait actuellement du nouveau champion du monde du 100 mètres. Le Docteur Muller lui a fait perdre au moins 10 jours de préparation, et à ce niveau-là, la blessure et le timing court ne se rattrapent pas. Ce sont des réalités. Si on reprend les commentaires faits après sa course, Vicaut a clairement dit qu’il lui avait manqué du temps. Après, chiffrer exactement combien, c’est toujours difficile. Mais une fois qu’il avait pris l’avis là-bas, et qu’il avait décidé de le faire couper complètement pendant 10 jours. Dans ce domaine-là, aller voir le thérapeute de votre concurrent notoire dans votre propre discipline, cela ne me paraît pas forcément la chose la meilleure qui soit. Surtout dans des pays où on met plus en avant l’intérêt financier du praticien, que l’intérêt du sportif. Et faire gagner Bolt a plus d’intérêt que de faire gagner Vicaut
Vous pensez qu’il peut y avoir une manipulation de sa part à ce niveau-là ?
– Je n’en sais rien. J’espère que non. Mais toujours est-il que moi, personnellement, si je suis sportif de haut niveau, je ne vais pas aller chez le médecin de mon concurrent direct, sachant que je ne sais pas exactement ce qui va m’être fait, m’être proposé. Et je ne vois pas pourquoi la personne qui s’affiche depuis des années comme étant le médecin personnel de Bolt n’aurait pas plus d’intérêt à faire gagner une fois de plus son poulain plutôt qu’un illustre inconnu à ses yeux, qui mérite peut-être un autre éclairage, mais qui, pour le moment, n’a pas la même notoriété. En termes de retombées financières, ce n’est pas la même chose ! Car là, on parle d’argent. C’est ce qui est dramatique. Si on parle d’un praticien dont le seul intérêt est d’essayer de guérir un patient sans toucher aucun revenu, on peut discuter de savoir s’il fait bien pour tout le monde, s’il aime plus ou moins untel ou untel, mais en réalité, on ne peut pas le taxer de voir ses revenus augmenter.
Vicaut consulte le médecin personnel de son concurrent, Bolt…
– J’ai pu aussi lire qu’on suspectait le Docteur Muller d’avoir deux niveaux de soins. Un niveau « normal » peut-on dire, et on va penser que c’est celui qu’ont reçu Bosse et Vicaut, et un niveau plus secret, qui serait réservé à une petite élite. Qu’en pensez-vous ?
– Je ne sais pas, je ne peux pas le dire. Je n’ai pas constaté ça en allant là-bas, mais comme je n’étais pas non plus sur les traitements des élites en question, je ne peux pas vous le dire. Après, je pense que s’il avait vraiment de très grosses casseroles, ça aurait fini, à un moment ou à un autre, par tomber. Moi, je préfère penser qu’il essaie depuis des années de faire correctement son métier, et je ne doute pas que sur ce plan-là, il soit un bon praticien, car sinon, il n’aurait pas pu rester aussi longtemps auprès de sportifs de haut niveau, et en particulier dans le monde du foot, où c’est encore plus cher que nos petits sportifs d’athlétisme. Sur le plan clinique, c’est un bon clinicien, qui fait correctement son diagnostic. Après, il a des méthodes qui sont, à mon sens, correctes, sans plus par ailleurs, mais qui ne font partie que d’un arsenal de remettre dans des niveaux où les sportifs, s’ils faisaient juste le minimum syndical pour avoir une alimentation correcte, et une hydratation plus que satisfaisante, n’auraient pas un corps qui se désagrège à vitesse grand V. Le palliatif qu’il fait à côté va redonner un boost au niveau du corps. C’est un peu comme une plante. Si vous avez une plante desséchée, vous allez l’arroser un peu, elle va sortir des bourgeons et des belles fleurs, et si vous arrêtez de l’arroser, ça reviendra au même niveau. C’est ce que je disais tout à l’heure, il a très bien compris ce qu’on dit depuis des années, c’est que l’hydratation n’est pas suffisante quand on fait du sport de haut niveau, et que déjà, en améliorant ça, on améliore grandement l’état de nos sportifs. Après, sur le reste, je n’ai pas trop d’inquiétudes particulières. Moi, ce qui m’a toujours interpellé, c’est qu’il n’ait pas plus de grande presse dans le sport allemand. Ce ne sont que des étrangers qui viennent le voir. La plupart des sportifs allemands ne vont pas le voir. ! Je peux dire qu’il y a un système à 2 vitesses, avec la vitrine des sportifs de haut niveau qui fait l’image de marque, et ensuite, vous côtoyez des petits vieux et petites vieilles qui viennent consulter pour de la médecine anti-âge qu’il pratique aussi sur lui, il est un bon représentant de l’efficacité de cette médecine. Et là aussi, les tarifs sont très prohibitifs.
– Selon ce que vous savez, beaucoup d’athlètes français sont-ils allés le voir ?
– Une bonne partie de ceux qui sont sur la région parisienne ont dû y aller à un moment ou à un autre. Ce qui fait la différence est qu’on parle de sportifs qui ont une notoriété élevée, avec des moyens financiers conséquents. Car le vrai problème est là. Ce qui me désole est de voir des sportifs de 2ème niveau par rapport aux primes et rendements financiers des élites, et qui y vont aussi, et claquent 3000 euros dans quelque chose qui au final ne les remet pas sur le terrain. Sur ce plan-là, c’est toujours décevant de voir qu’ils ont gaspillé le peu d’économies qu’ils avaient pour pas grand-chose… La médecine du sport, c’est un tout. On ne peut pas faire que de la thérapie à visée mécanique. Les sportifs, c’est déjà au niveau psychologique, il faut savoir les écouter, les entendre. Quand vous avez quelqu’un qui parle allemand, face à des sportifs qui parlent rarement bien l’anglais, c’est compliqué. Déjà de comprendre d’où vient exactement le problème. Après, il faut investiguer les arcanes de l’entraînement, et les risques inhérents à telle ou telle séance d’entraînement, car sinon, vous n’avancez pas beaucoup sur la problématique. Et si derrière, vous ne vous intéressez pas plus à l’alimentation, l’hydratation, et tout ce qui autour du sportif pour permettre une bonne récupération, vous faites du palliatif ! Vous arrangez un peu le problème, l’athlète retourne en compétition. Si ça se passe bien, il est content, il a l’impression que c’est ce qui l’a guéri, et au final, ils rechuteront un peu plus tard, et la tirelire va continuer à se remplir…
Munich, le Lourdes des athlètes !
– Avez-vous essayé d’argumenter avec Pierre Amboise Bosse et Jimmy Vicaut avant qu’ils se rendent chez le Docteur Muller ?
– Ca ne se passe pas forcément pas comme ça. Déjà, ils connaissent mon opinion sur le sujet depuis un petit moment. Ensuite, mon objectif primordial est que le sportif se sente bien, et qu’il ait le sentiment qu’il avance. Ce n’est pas lui mettre des bâtons dans les roues, et le gronder comme un petit enfant ! Ne pas lui dire Non, ce que tu fais n’est pas bien, tu aurais peut-être plus intérêt à faire comme ci ou comme ça. Eventuellement, quand ça se présente, de débriefer avec eux pour faire la part des choses, pour voir le pour et le contre des choses, et qu’eux se fassent leur propre jugement. Mais ce n’est pas à moi de les influencer d’aucune manière. Après, d’expérience, on voit que certains finissent par comprendre qu’ils n’ont pas beaucoup plus d’intérêt. Car on voit aussi les limites de notre système français où on ne peut pas mettre autant de clinquant. Le sportif a besoin de sentir qu’il est choyé, cocooné, qu’on le prend en considération. Qu’il arrive au cabinet et qu’il est le centre du monde, que tout le monde soit à son écoute de la grosse problématique qu’il a à ce moment-là. Quand vous allez consulter sur les meilleurs services français, hospitaliers ou autres, avec les meilleurs spécialistes, (qui sont d’ailleurs ensuite recrutés au Quatar), ce n’est pas du tout la même réflexion que vous pouvez avoir à Munich ! C’est comme si j’ouvrais sur les Champs Elysées un cabinet de consultation de 1600 mètres carrés, avec un desk de jolies jeunes femmes, courtes vêtues, avec des fauteuils en cuir où on vous sert à boire en attendant que le spécialiste vous reçoive. Ce sont des choses qu’on ne verra jamais en France. Ca ne peut pas exister dans un système où il n’y a pas les moyens de faire de la médecine comme ça. Et ce n’est peut-être pas plus mal. Car déjà, qu’on parle de médecine à 2 ou 3 vitesses en France, là, tout le monde crierait au scandale.
– Dans le cas de Pierre Amboise Bosse, pensez-vous qu’avec un traitement plus classique en France, il aurait obtenu le même résultat qu’avec le Docteur Muller ?
– Si vous l’écoutez, il dit plutôt que c’est le praticien qu’il avait auprès de lui depuis pas mal de temps qui l’a bien aidé. Car toujours pareil, c’est quelqu’un qu’il a en proximité, qui le voit régulièrement, et qui au final, peut apporter quelque chose de mieux à sa problématique. Comme toujours en médecine, on ne pourra pas faire mieux que les gens aient des praticiens qui les connaissent, qui puissent faire une investigation la plus mesurée possible. S’imaginer qu’en quelques minutes, on va réussir à comprendre la problématique d’un sportif qui dure peut-être depuis des années, c’est croire aux miracles et à Lourdes. Et comme il n’y a pas de cabinet à Lourdes en médecine du sport, le Lourdes des athlètes est Munich !
– Entretien réalisé par Odile Baudrier
– Photos: Gilles Bertrand et D.R.