Il faudra s’y faire, les VH ont encore leurs mots à dire même sur piste et même au plus haut niveau mondial. Tel Bernard Lagat réussissant 13’14’’97 sur 5000 m lors du meeting de Eugene.
Mohamed Ezzher n’est plus recordman du monde du 5000 mètres catégorie vétéran. Les 13’43’’15 du français ont été balayés et hachés menu par Bernard Lagat lors du meeting de Eugene, celui-ci réalisant 13’14’’97.
Sur ce Bowerman Curve, tel que l’on surnomme la piste de l’université de Eugene, le public n’avait d’yeux que pour Galen Rupp, à la dure, à la peine, dans son final, dérapant à la troisième place en 13’12’’36 alors qu’un gamin de 18 ans, l’éthiopien Yomif Kejelcha s’imposait en 13’10’’54. On murmure que Rupp pliait ses gaules le moral en grisaille alors qu’à l’opposé, le vieux Lagat rayonnait de bonheur devant une bordée de micros tendus en mixe zone.
Bernard Lagat n’a pas lâché le manche. Il est encore aux commandes de son propre destin de coureur à poursuivre une carrière au-delà de certaines frontières jugées jusqu’alors territoires interdits. Rejoint au-delà de ce corridor, dans cette lutte contre le temps par Meb Keflezighi, 40 ans lui aussi, 1h 02’29’’ à San Diego le même week end que Eugene.
C’était sa chance et Lagat d’ajuster une pointe de vitesse d’un junior débridé
12’58’’99 à 38 ans, 13’06’’68 l’an passé, certes l’aiguille vibre désormais dans le mauvais sens. Mais le fringant Lagat garde toujours les doigts dans la prise.
Sa course de Eugene fut un modèle du genre. Tacticien un jour, tacticien toujours, Lagat hautement préparé dans l’air raréfié de Flagstaff en Arizona, jaugeait et auditionnait ses adversaires, administrait le bon tempo, habile et malin dans l’attente que la course s’écroule comme un soufflé trop vite sorti du four. Il s’attendait à du 62’’ au tour, ce fut plus lent. C’était sa chance et Lagat d’ajuster une pointe de vitesse d’un junior débridé.
Bernard lagat a ainsi placé ses lignes de défense. Il ne rechigne pas à répondre lorsqu’on le taquine sur son âge et les records « masters » qu’il risque d’abattre les uns après les autres mais son objectif n’est qu’un : se qualifier pour le Mondial puis pour les J.O. Il a déjà franchi le premier seuil, réaliser les minima pour disputer les trials, respectivement 13’23’’ et 13’25’’. C’est chose faite.
Seconde passerelle à jeter, réussir la fameuse règle de trois propre aux trials américains, une équation qu’il connaît sur le bout des pointes pour l’avoir réussi huit fois lors de ces neuf dernières années, seule exception en 2009 puisqu’il fut automatiquement qualifié pour le Mondial de Berlin.
«Je me sens comme à mon meilleur niveau » déclarait celui qui a peut-être trouvé le miracle anti-âge pour s’affranchir ainsi des obstacles du temps qui altèrent inévitablement le potentiel physique de chacun. « J’ai réalisé aujourd’hui 13’14’’, c’est un chrono avec lequel on peut gagner un championnat ». Why not ??? Une seule certitude, Bernard Lagat avec six Mondiaux dont 6 podiums et 4 J.O., n’a plus l’âge des doutes.
> Texte et photos Gilles Bertrand