Trente ans après l’exclusion de Ben Johnson des Jeux Olympiques de Séoul, une enquête de la presse canadienne dévoile le rapport officiel de l’époque, et ses nombreuses irrégularités. Le Canadien a-t-il perdu son titre olympique à tort ???
C’est un drôle d’anniversaire qu’a fêté Ben Johnson le 28 septembre. Celui des trente ans de son exclusion des Jeux Olympiques de Séoul, pour son contrôle positif au stanozol au soir même de sa victoire olympique et de son record du monde (9’’79).
Et cette date repère est devenue très particulière cette année, avec la publication par le quotidien canadien « The Star », d’une enquête passionnante de Mary Ormsby dévoilant certains étonnants aspects de ce contrôle.
En effet, c’est la première fois que le rapport officiel rédigé par le laboratoire anti-dopage à l’époque apparaît au grand jour, ce document était demeuré jusqu’alors plus que confidentiel. Ainsi Ben Johnson lui-même, ou son avocat de l’époque, Dick Pound (devenu ensuite un actif anti-dopage) n’avait jamais pris connaissance des 30 pages rédigées après le contrôle, et pas plus les officiels canadiens.
Or les surprises n’y manquent pas. Avec surtout, un certain nombre d’irrégularités, en particulier des codes d’identification modifiés, des annotations manuelles. Autant d’éléments qui auraient probablement pu être de nature à remettre en cause l’exclusion, puis la suspension de Ben Johnson, et l’affaire se serait probablement conclue par un vice de forme.
Et pourtant Ben Johnson était bel et bien coupable de dopage, comme il l’avait avoué par la suite à la commission d’enquête « Dubin Inquiry » conduite au Canada. Le sprinter canadien avait admis son utilisation de stéroïdes anabolisants depuis plusieurs mois, sous la houlette de Charlie Francis, son entraîneur, adepte des méthodes artificielles.
L’oxandrolone se transforme en stanozolol
Mais de quel stéroïde ? A Séoul, son échantillon avait détecté du stanozolol, comme les experts canadiens l’avaient vérifié par la suite. Toutefois, dans un premier temps, le rapport fait apparaître qu’il a été détecté de l’oxandrolone. Mais le nom est ensuite modifié manuellement sur le rapport pour se transformer en stanozolol.
Sont également rectifiés à la main sur le rapport d’autres éléments, comme le numéro des échantillons…
Autant d’éléments qui auraient pu être exploités par Ben Johnson et son avocat, Dick Pound, qui avait, à l’époque, orchestré la défense du sprinter autour de la présence dans la salle du contrôle anti-dopage d’une personne étrangère, André Jackson, qui était en réalité un ami proche de Carl Lewis…
Que faisait André Jackson aux côtés de Ben Johnson durant ce contrôle ? Le mystère n’a pas été levé, puisque comme le rappelle Dick Pound, son argumentaire avait été alors été torpillé par les révélations du Docteur Donike, membre de la commission médicale du CIO, qui révélait qu’un test endocrinien non autorisé conduit sur l’échantillon de Ben Johnson révélait une utilisation ancienne des stéroïdes anabolisants.
La morale était sauve. Ben Johnson, utilisateur reconnu de produits dopants, se voyait suspendu quatre ans, et il allait être par la suite contrôle positif à nouveau, en 1993, et interdit à vie.
Trente ans plus tard, les donnes ont changé. Les athlètes ont acquis des droits de défense, avec la possibilité d’appel des sanctions. En 1988, les recours n’existaient pas. Ben Johnson sortait par la toute petite porte, convaincu qu’il était un bouc émissaire. Le Canadien l’a toujours clamé, les autres sprinters de cette finale utilisaient les mêmes produits que lui. Six athlètes furent d’ailleurs impliqués par la suite dans des problèmes de dopage.
Et ce n’est pas ce rapport multipliant les bizarreries qui le fera changer d’idée : en 1988, il a été désigné comme le vilain petit canard, et la note a été salée…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : D.R.