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Antoine Gakeme, Francine Niyonsaba, « ils ont trouvé la vitrine »

Le burundais Antoine Gakeme à Moscou en 2013
Le burundais Antoine Gakeme à Moscou en 2013

Le Burundi a de nouveau sombré dans le chaos, obligeant ses meilleurs athlètes à fuir pour s’entraîner en toute sécurité à l’étranger en vue des prochains J.O.. Francine Niyonsaba a choisi les Etats Unis, Antoine Gakeme, l’Espagne. Tous les deux viennent de s’illustrer lors du Mondial en salle sur 800 mètres.

 

« Finalement, la situation n’est guère différente. Car moi aussi, lorsque je gagne ma médaille olympique, le pays venait de connaître un coup d’Etat ».

Vénuste Niyongabo, champion olympique sacré sur 5000 en 1996, se frotte encore les yeux. Les résultats de la toute petite délégation burundaise présente à Portland lors des récents championnats du Monde en salle vont au-delà de toutes ses attentes. 3 athlètes sélectionnés, deux médailles, une en or avec Francine Niyonsaba sur 800 et une d’argent avec Antoine Gakeme sur la même distance, le médaillé d’Atlanta en serait presque à croire au miracle.

Car depuis plusieurs mois, le Burundi est à nouveau sous fortes tensions. Les observateurs internationaux dénombrent plus de 500 morts et près de 250 000 civils en fuite pour échapper aux exécutions, actes de torture et viols collectifs dont la responsabilité serait en partie attribuée aux milices imbonerakure proches du pouvoir. Une situation critique née au printemps 2015 lorsque le président Nkurunziza décide de briguer un troisième mandat, siège présidentiel qu’il obtient en juillet 2015.

Dans un tel contexte de violence, apparenté à des actes de guérilla urbaine touchant principalement la capitale Bujumbura, la gestion du sport, son organisation et son développement ne sont pas le  souci majeur du gouvernement en place. Vénuste Niyongabo le confirme : « Les politiciens ont actuellement d’autres problèmes à résoudre ».

C’est pourquoi de nombreux athlètes décident de quitter ce petit pays d’Afrique Centrale, écrasé contre le géant congolais à l’Ouest et le turbulent Rwanda au Nord. Certains pour vivre simplement de la course à pied, notamment en France, caracolant de course en course, dimanche après dimanche, certains s’enrôlant même dans la Légion Etrangère pour plus de stabilité et de sécurité. Quant aux plus doués, les pistards, l’exil est obligatoire pour espérer émerger au plus haut niveau mondial, comme ce fut le cas dans le passé pour Vénuste Niyongabo migrant à l’âge de 20 ans en Italie, comme Arthémon Hatungimana posant son petit sac de sport à Paris grâce à l’aide de la Confeges, comme Charles Nkazamyampi préférant, quant à lui, la ville de Bordeaux et son coach emblématique, Roger Grange.

Francine Niyonsaba championne du monde en salle sur 800 m
Francine Niyonsaba championne du monde en salle sur 800 m

Francine Niyonsaba et Antoine Gakeme n’ont pas eu d’autre choix que de suivre ce chemin tracé par les anciens qui, tous les trois, ont brillé au niveau mondial. Outre Vénuste Niyongabo champion olympique en 1996, Arthémon Hatungimana remporte l’argent en 1995 au Mondial de Göteborg sur 800 mètres alors que le bordelais d’adoption se classe second au Mondial en salle de Toronto en 1993, lui aussi sur 800, trois actes héroïques à forte valeur patriotique.

Aujourd’hui, ce n’est plus la France que l’on choisit, les crédits de la Confejes ont été coupés depuis longtemps. Francine, après des années en délicatesse, s’est de nouveau installée aux Etats Unis. Il s’agit d’une seconde tentative après celle avortée en janvier 2014 puis un détour au Kenya, au centre Kip Keino d’Eldoret pour se refaire une santé et un physique de coureuse de 8 sous la houlette de Jimmy Bautha, l’ancien préparateur physique de Moses Kiptanui. Bénéficiant d’une bourse universitaire offerte par Nike, la Burundaise qui avait émergé en 2012 en réalisant 1’56’’59 à la manière « Semenya », a remis les compteurs à l’heure en s’imposant à Portland. Vénuste Niyongabo, qui joue parfois les grands frères, en était convaincu : « J’avais vu son retour et sa fin de saison en 2015 (ndlr : 1’57’’62 à Rieti). Là, je suis vraiment confiant pour les J.O. Vingt ans après ma médaille d’Atlanta, ce pourrait être un instrument pour unifier le peuple burundais qui est si divisé ».

Quant à Antoine Gakeme, révélé en 2013, demi finaliste à Moscou et un significatif 1’44’’09 en 2015, deux destinations lui sont proposées, l’Espagne ou les Etats Unis. Ce sous-lieutenant de l’armée burundaise a préféré l’Europe, bénéficiant lui aussi d’une bourse d’étude. Il s’est donc installé à Valence, y trouvant les meilleures conditions possibles pour préparer les J.O. auprès du club de Castellon champion d’Europe des clubs en 2015 chez les juniors. Depuis il a été rejoint par l’espoir Thierry Ndikumwenayo médaillé d’argent aux JOC 2014 sur 3000 mètres.

Vénuste Niyongabo, très perspicace, avait donc vu juste : « Je l’ai appelé cet hiver. Il m’avait répondu « la salle, non je ne l’ai pas préparée ». Je lui ai répondu « tu dois y aller, il n’y aura pas beaucoup de monde de présent ». Et de lui signifier comme au jeu du juste prix : « Tu peux trouver ta vitrine».

> Texte et photos : Gilles Bertrand

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