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Analyse : pourquoi Hassan Hirt s’affiche avec Dieudonné ?

Hassan Hirt a disparu de l’athlétisme depuis le printemps 2018, sa deuxième place au France de cross, puis son record sur semi-marathon. Le coureur a amorcé une étonnante reconversion, dans le domaine de la finance, en participant au lancement du Zynecoin, un projet de cryptomonnaie. Pour booster ce projet, Hassan Hirt n’a pas hésité à s’associer avec Dieudonné, connu pour ses dérives antisémites…

L’athlétisme a disparu de la vie d’Hassan Hirt. Pas complètement, affirme-t-il, en cette mi-juillet, sur son compte Facebook, avec cette phrase facétieuse : « Ne vous inquiétez pas. Je suis toujours là ».

Et pourtant, son nom n’apparaît plus dans aucun résultat depuis le mois de mai 2018. Il disparaît ainsi dans la foulée de deux grosses performances, une deuxième place au France de cross de Plouay début mars, et deux semaines plus tard, un record sur semi-marathon, (63’45’’) obtenu sur l’épreuve Open du Championnat du monde de la distance. Dans la course ouverte à tous, Hassan Hirt s’offre le luxe de devancer trois des cinq membres de l’équipe de France officielle, à l’exception de Benjamin Choquert et Florian Carvalho.

Sur la lancée, Hassan Hirt pensait disputer le semi-marathon des Jeux Méditerranéens organisés à Taragonne en Espagne en juin 2018. Selon les informations communiquées par Hassan Hirt, une prise de contact avait été initiée début février par Romain Barras. Il se projette alors sur ce rendez-vous, qu’il part préparer en stage au Maroc, mais deux semaines avant l’épreuve, sa participation est revue, la FFA appliquant strictement les règles prévues, à savoir la priorité aux participants des Championnats d’Europe et aux moins de 25 ans, d’où la sélection de Benjamin Malaty (en préparation pour le marathon des Europe 2018), et de Mehdi Frère (22 ans et qui vient de réaliser 1h04’).

Ce retour manqué en Equipe de France, qu’il avait quittée par la petite porte aux Jeux Olympiques de Londres, exclu en raison de son contrôle positif à l’EPO, marquera finalement une cassure, et depuis ce mois de mars incroyable, Hassan Hirt, ensuite longtemps blessé, s’est limité à de l’entraînement, avec seulement quelques « Run marathon » menées à l’automne 2018 pour son partenaire Skechers, et son club Benoît Z Team, pour la préparation de coureurs pour le marathon Nice-Cannes.

Hassan Hirt devient courtier pour Zynecoin

Et c’est dans un domaine étonnant qu’on l’a vu s’impliquer, celui de la finance et de la cryptomonnaie.  Hassan Hirt s’est investi dans le projet de création du « Zeencoin », devenu « Zynecoin », une monnaie virtuelle présentée comme une petite sœur du « Bitcoin ».

Depuis plus d’une année, Hassan Hirt ne lésine pas sur les efforts pour convaincre ses followers de l’intérêt de placer de l’argent dans cette nouvelle aventure, présentée comme très attrayante sur le plan financier, et aussi comme un moyen de financement dédié à l’Afrique, avec l’ambition d’une levée de fonds de 15 millions d’euros. Au fil des mois, il multiplie les messages d’incitation à l’achat, il est même présent début avril à Marrakech pour le Salon de l’Islamic Development Bank Group.

Mais en cette fin juin, c’est Dieudonné qui va apporter un sérieux coup de boost à cette initiative. L’humoriste à la sinistre réputation va utiliser son Live diffusé sur sa chaîne youtube, et forte de ses 350.000 abonnés pour promotionner « Zynecoin », en les incitant à investir dans cette cryptomonnaie, et en deux semaines, ce sont plus de 300 investisseurs supplémentaires qui sont enregistrés, pour atteindre le nombre de 1000.

Pour parachever son soutien, Dieudonné accueille avec enthousiasme dans ses locaux à Paris, en cette fin juillet, Karim Benabdelkader, le créateur de cette monnaie, et Hassan Hirt, chargés d’expliciter tous les détails de leur initiative, avec en ligne de mire pour « Zynecoin » la recherche de plus d’investisseurs et pour Dieudonné, une rémunération sur chaque placement.

Dieudonné ? Un humoriste autorisé à toutes les dérives

Hassan Hirt se réjouit avec délectation de cette alliance avec Dieudonné, qu’il vénère depuis si longtemps. L’affligeant geste de la « quenelle » illustrait déjà le site « Et moi Lulu » qu’il avait créé en 2015 après l’attentat de Charlie Hebdo. Les convictions antisémites de cet « humoriste », pour lesquelles il a été condamné à plusieurs reprises pour incitation à la haine raciale, ne perturbent nullement l’athlète. Comme il me l’explique dans un échange mené par messagerie Facebook : «Concernant Dieudo, il est humoriste. Il est dans son registre. Un Michel Leeb qui imitait les hommes noirs en mimant un singe et dont tu devais peut-être apprécier les sketchs en sirotant une limonade (pure fabulation de la part d’Hassan Hirt !!), aujourd’hui, il serait taxé de raciste anti-noir. Tout comme il serait impossible pour Desproges d’évoluer en 2019, quand on voit comment il prenait en dérision la déportation des juifs. Je fais juste partie des gens qui pensent que l’on peut rire de tout. A un moment, faut savoir. Soit t’es Charlie, soit tu ne l’es pas. L’humour n’est pas à la carte et on ne devrait pas placer le curseur du rire suivant le bon vouloir du public. Il est juste impossible de satisfaire tout le monde, en sacralisant les sujets à tout va. De plus, je n’aime pas crier avec les loups. Je n’ai pas été éduqué dans les jugements de valeur. Sinon, je t’aurais moi-même diabolisée également, en refusant d’échanger avec celle qui a été la plus prompte à rédiger des articles me diabolisant. Je te respecte, tout comme je respecte Dieudo. Je ne vais pas, d’un côté, m’éloigner de cet humoriste, et de l’autre côté, discuter tranquillement avec toi. Ca n’aurait aucun sens. Lui, il est drôle  »


Hassan Hirt, entouré de Karim Benabdelkader, le créateur du Zynecoin et de Dieudonné

Mais cette union sacrée de « Zynecoin » avec Dieudonné a l’inconvénient de provoquer aussi un intérêt plus large sur cette initiative de monnaie virtuelle. Jusqu’alors, il n’y a bien qu’au Maroc, qu’une certaine méfiance était apparue, surtout en raison de l’image sulfureuse de Karim Benabdelkader, le créateur de ce nouveau « coin ». Comme l’avait révélé le site « Yabiladi » en mars 2019, le Franco-Marocain est interdit de gérance en France, après avoir laissé derrière lui 1 million d’euros de dettes, la société gestionnaire de cette monnaie virtuelle n’affiche que 1000 euros de capital, et la transparence n’est pas de mise pour cette levée de fonds.

Avec la mise en lumière apportée par Dieudonné, d’autres curieux se sont intéressés à ce placement, et en particulier les fouineurs de « Conspiracy Watch », habitués à décortiquer les fake news et théories du complot, et qui incitent à une grande méfiance envers cette monnaie, également de part certaines manœuvres frauduleuses antérieures de Dieudonné, condamné début juillet à deux ans de prison pour fraude fiscale et blanchiment d’argent, et impliqué dans le passé dans des arnaques, comme pour l’ananssurance.

Hassan Hirt, lui, ne veut pas s’attarder sur ces réserves, et préfère privilégier les aspects positifs de Karim Benabdelkader, le créateur du « Zynecoin », en insistant : « Karim a appris de ses erreurs de gestion, et il est en train de le prouver chaque jour qui passe, en attirant des investisseurs des 4 coins du monde. » Avec en filigrane, un projet orchestré « autour de l’Afrique, à travers le développement d’une « blockchain » basée sur un diagnostic des problèmes de développement (la santé par exemple…), et qui serait très solide financièrement selon l’athlète malgré les réserves émises par certains.

En une année, Hassan Hirt a appris à maîtriser avec maestria les rouages de ce projet complexe, si hermétique au commun des mortels qu’il n’est pas aisé de prédire son avenir. Il affirme exercer ce travail de courtier bénévolement, et se trouver en réalité en pleine reconversion professionnelle, après sa retraite de l’armée débutée en novembre 2018. Malgré tout, en dépit de ses 38 ans, et de son long arrêt suite à son contrôle positif et aux blessures, il soutient avec vigueur : « J’ai toujours l’ambition de revenir. Mais en parallèle, j’assure mon avenir, c’est normal ».

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photos : Facebook d’Hassan Hirt
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