Les marathoniens américains sont de plus en plus lents, comme le dévoilent les analyses des résultats des épreuves sur 30 ans. Cette tendance, probablement mondiale, serait dûe à une approche moins compétitive, et plus tournée vers la convivialité. En cause aussi, le refus de suivre l’entraînement très structuré indispensable pour tomber les minutes. Dommage que pour la France, de tels chiffres ne soient pas disponibles….
3h32’17 dans les années 80. 4h 22’ 07 actuellement. C’est le verdict sans appel des statisticiens de « Running USA » sur le chrono moyen des marathoniens masculins US.
Autre repère : 4h15 en 1996 et 4h40 de nos jours. Les chiffres sont aussi ceux des performances moyennes enregistrées par les coureurs US, mais analysés cette fois par les Danois de « Runrepeat.com »
Car paradoxalement, comme l’explique le sujet publié dans « Washington Post », c’est un statisticien danois, Jens Jakob Andersen, qui s’est intéressé à cette question de la vitesse des marathoniens, après qu’il ait noté qu’au marathon de Copenhague, le nombre de coureurs en 5 heures ou 6 heures apparaissait très important.
Aux Etats-Unis, des chiffres disponibles depuis le début des années 80
Tout naturellement, il s’est tourné vers les résultats des épreuves des Etats-Unis, pays mastodonte en termes de participation, et également précurseur de la popularisation de cette distance. Avec en corollaire, la possibilité d’analyser les chiffres sur de longues périodes, plusieurs sites compilant les données depuis la création des premières épreuves, au début des années 80.
Le verdict de tous ces observateurs est donc identique : les chronos montent au fil des années, et à mesure que le nombre de coureurs augmente, et alors aussi que les références de l’élite américaine diminuent à vue d’œil, avec 2h10’04’’ et 2h21’21’’ pour les meilleurs en 1996, face à des marques actuelles de 2h05’38’’ et 2h19’36’’.
Les femmes plus nombreuses, mais ce n’est pas la cause
Les explications à cette tendance sont multiples, mais la principale est bien entendu le fait que la course à pied est maintenant pratiquée dans une optique santé-bien être, qui ne « colle » pas vraiment aux contraintes qu’impose la recherche de performances, avec une priorité donnée par les participants à l’envie de finir leur marathon plutôt que de tenter d’accrocher un chrono, à l’opposé de l’approche des débuts du marathon, où la performance apparaissait essentielle.
Souvent, les observateurs ont attribué cette tendance à la féminisation de plus en plus marquée des pelotons, avec 44% actuellement contre 10% au début des années 80, mais l’équipe danoise réfute cette idée, estimant que la hausse des chronos serait plutôt le fait (à 54%) du ralentissement des hommes.
Ken Young, un statisticien de l’ Association of Road Race Statisticians, fournit, lui, une justification assez étonnante : pour lui, ce serait la tendance très festive impulsée par les organisateurs d’épreuves qui inciterait aussi les coureurs à « oublier » le chrono pour penser à s’amuser pendant la course…
Est également évoqué le surpoids frappant les marathoniens, comme l’ensemble de la population, amenant à cette observation très juste : les physiques les plus disparates se côtoient maintenant dans les pelotons. Or le poids « pèse lourd » sur les minutes et secondes (8 kilos en trop correspondraient à 8 à 10 minutes de plus à l’arrivée).
Une remarque et des analyses s’appliquant indéniablement aussi à la France, avec tout de même, le regret que pour notre pays, aucun statisticien ne se soit attaqué au calcul des temps moyens à travers les années, pour nous fournir le débours de chronos observés.
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : Gilles Bertrand