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Analyse : Kenenisa Bekele, à 2 secondes du record du monde du marathon

C’est pour seulement deux secondes que Kenenisa Bekele échoue à Berlin sur le record du monde du marathon, établi l’année dernière par Eliud Kipchoge sur ce même parcours. Le come back de l’Ethiopien, capable de courir en 2h01’41’’ à 37 ans, a sidéré les observateurs. Une performance de plus à l’actif de la chaussure Nike ??

« Une nouvelle ère pour le marathon ». C’est l’opinion bien tranchée du physiologiste sud africain, Ross Tucker, expert pour disséquer les performances, et particulièrement sur marathon.

La démonstration de Kenenisa Bekele à Berlin en a laissé plus d’un pantois. Même le site officiel du marathon de Londres s’interroge de savoir s’il s’agit du plus grand come-back sur marathon. Et le Britannique Tom Hutchings n’hésite pas à lâcher : « Soyons tous honnêtes. 99% d’entre nous pensaient qu’il était fini ! »

Car Kenenisa Bekele arrivait à Berlin, après avoir accumulé les abandons ou forfaits sur la distance, 4 sur ses 6 derniers marathons. A son passif aussi, un seul marathon terminé dans les derniers 29 mois (2h08’53’’ à Londres 2018), et une dernière victoire remontant à septembre 2016, déjà à Berlin, en 2h03’03’’, son record personnel.

C’est très tardivement qu’il était apparu sur la liste des partants du marathon de Berlin, et en aucun cas, en affichant l’objectif d’un record du monde. Selon le communiqué officiel du marathon d’avant course, c’était le deuxième chrono tous temps qui était ciblé, à savoir les 2h02’37’’ d’Eliud Kipchoge, réalisés à Londres quelques mois après son énorme 2h01’39’’.

Mais l’Ethiopien est apparu d’entrée très vindicatif, et le décorticage de Ross Tucker le démontre parfaitement. Un premier semi-marathon en 61’05’’, contre 61’06’’ pour Eliud Kipchoge. Trois chronos impressionnants entre le 25ème et le 40ème, en 14’25’’-14’20’’-14’15’’. Au 40ème kilomètre, encore deux secondes d’avance sur Kipchoge. Et ce n’est que dans les deux derniers kilomètres que Kenenisa Bekele a laissé échapper le record du monde. Tombant tout de même près de deux minutes sur son précédent record…

Suivi de ROSS TUCKER

Et il ne fallait pas longtemps pour que les premiers commentaires pointent du doigt la VaporFly, la chaussure Nike créée en 2017. Jonathan Gault, journaliste pour Let’s Run, n’hésitait pas à parler de « l’éléphant dans la pièce », une formule anglaise utilisée pour désigner un énorme problème qu’on essaie d’éviter. En l’occurrence, l’avantage apporté par la fameuse chaussure, que Nike a évalué à 4%, et une autre étude menée par le New York Times, à 1%. Or le record du monde de Kipchoge représentait justement 1.2% de mieux que le précédent. Et la progression de Kenenisa Bekele est exactement identique, 82 secondes en moins sur son record antérieur, soit encore 1.1%.

N’en déplaise aux sceptiques, les faits démontrent que la VaporFly est chaussée par les marathoniens les plus rapides. Le récapitulatif établi par Jonathan Gault le démontre : les cinq meilleures performances mondiales tous temps ont été maintenant établies avec des Vapor Fly :

RANG NOM CHRONO COURSE VAPORFLY ?
1 Eliud
KIPCHOGE
2.01.39 BERLIN 2018 OUI
2 Kenenisa
BEKELE
2.01.41 BERLIN 2019 OUI
3 Eliud
KIPCHOGE
2.02.37 LONDRES 2019 OUI
4 Berhanu
LEGESE
2.02.48 BERLIN 2019 OUI
5 Mosinet
GEREMEW
2.02.55 LONDRES 2019 OUI

Et à noter aussi un autre élément important : ces cinq meilleurs chronos tous temps ont été établis dans les 13 derniers mois…

Mais pour Kenenisa Bekele, c’est à son nouvel entraîneur, Hadji Adilo, qu’il faut imputer cette énorme réussite, conquise après cinq mois de collaboration, avec ce coach éthiopien qu’on retrouve derrière tant d’énormes performances des marathoniens et surtout marathoniennes éthiopiennes depuis quelques années.

  • Texte : Odile Baudrier
  • Photos: D.R.