Almaz Ayana a conservé son titre mondial sur 10.000 mètres. Le record du monde établi par l’Ethiopienne l’année dernière à Rio avait déjà créé une polémique. Cette fois, c’est son rythme effréné dans le dernier 5000 mètres qui pose questions, surtout que l’athlète n’avait disputé aucune compétition de toute l’année 2017.
9 septembre 2016 sur 5000 mètres à Bruxelles. C’est la toute dernière compétition d’Almaz Ayana, qu’elle avait à nouveau conclue par une victoire. Comme lors de ses six compétitions de l’année, où elle avait tout remporté excepté sur le 5000 mètres olympique, où elle avait terminé 3ème. Pratiquement à l’identique de l’année 2015, où elle avait également disputé 6 courses, toutes victorieuses sauf le 5000 mètres du Meeting Areva de Paris, où Genzebe Dibaba avait joué les trouble-fêtes de sa tentative de record du monde.
La consultation de ses performances 2017 demande beaucoup moins de temps. La page est blanche. Almaz Ayana n’a été présente à aucun rendez-vous, pour n’apparaître pour la toute première fois qu’à Londres, pour conserver son titre mondial sur 10.000 mètres, après une absence de près de 11 mois.
L’Ethiopienne avait annulé successivement son programme en Diamond League, arguant tour à tour d’une blessure et d’une maladie. Elle se présentait ainsi sans repères pour ce Mondial.
Et aussi sans aucun test anti-dopage ? Le Sud Africain Ross Tucker n’hésitait pas à se poser en provocateur pour lâcher cette question dérangeante. Comment imaginer qu’elle ne soit pas formulée alors que les instances de l’anti-dopage ne révèle jamais le nombre de tests subis par les athlètes ? Et alors qu’éclatent au grand jour les révélations très offensives de l’enquête menée en Ethiopie par les journalistes Hajo Seppelt et Martha Kellner, qui démontre une très grande facilité d’achat de l’EPO en pharmacie, couplée à un certain laxisme dans les contrôles dans ce pays.
La polémique allait s’amplifier après la victoire écrasante d’Almaz Ayana, qui bouclait son 10.000 mètres en 30’16’’32. C’est bien loin de ses 29’17’’45, record du Monde de 2016. Mais sa course va susciter des questionnements, de part son grand écart sur ses rivales, en particulier sur Tirunesh Dibaba, qu’elle laisse à plus de 46 secondes derrière elle.
Après sa course de Rio, les opinions avaient largement divergé sur l’interprétation de ce record qui lui avait permis de gommer la marque de la Chinoise Wang Junxia, qu’on sait conquise après une préparation artificiellement assistée.
Un dernier 5000 mètres dans un chrono d’envergure
Le physiologiste Ross Tucker avait ainsi mené une analyse détaillée de l’évolution des records du monde pour conclure que la performance d’Ayana était stratosphérique, car leader de tous les records du monde selon la table des conversions, sans oublier de mentionner tout de même que Paula Radcliffe avait amélioré le record du marathon de manière plus forte, et avec un écart beaucoup plus important sur la deuxième performeuse (2.3% de mieux).
En France, Jean-Claude Vollmer, spécialiste des analyses de performances, avait plutôt penché , lui, en faveur d’un résultat cohérent, en particulier compte tenu du niveau de densité atteint par les compétitrices de ce 10.000 mètres olympique, avec 4 athlètes sous les 30 minutes.
Cette année, encore, Jean-Claude Vollmer ne juge rien d’anormal autour de ce chrono de Londres, soulignant plutôt que ce sont les rivales de l’Ethiopienne qui ne sont pas au niveau, et qu’Ayana est avantagée par son poids plume et sa qualité de pied, exceptionnelle.
Mais les allures abattues par Almaz Ayana sur la piste du stade olympique de Londres constituent un incontestable point d’achoppement, avec un premier 3000 mètres en 10 minutes, suivi par un 2ème 3000 mètres couru en 8’42’’, et son dernier 5000 mètres courus en 14’24’’96. C’est un gros progrès par rapport à Wang Junxia, pointée en 14’26’’1 en 1993, et encore plus par rapport à elle-même, en 14’30’’64 l’année dernière à Rio. Et c’est aussi un chrono d’envergure sur 5000 mètres, puisqu’elles ne sont que sept athlètes au bilan tous temps à avoir couru plus vite…
Autant d’éléments qui ont fait sortir de leurs gonds certains observateurs, et Liz McColgan, championne du monde du 10.000 m en 1991, et revenue de manière plus présente dans l’athlétisme avec la réussite de sa fille Eilish, qualifiée pour ce Mondial sur 5000 m, s’est ainsi vivement insurgée, soulignant que tant que les Ethiopiennes n’étaient pas soumises à de vraies procédures d’anti-dopage, elle n’acceptait pas de telles performances…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : Gilles Bertrand