L’affaire du dopage d’Ophélie Claude-Boxberger rebondit à nouveau après qu’Alain Flaccus conteste maintenant avoir effectué l’injection d’EPO sur l’athlète, comme il l’avait affirmé durant sa garde à vue de fin novembre. Ophélie Claude-Boxberger espère encore le voir condamné pour empoisonnement.
En cet après-midi du vendredi 26 juin, Ophélie Claude-Boxberger apparaît terrassée. D’une voix sans timbre, elle m’explique que c’est le journaliste de l’AFP qui lui a appris ce même jour qu’Alain Flaccus contestait maintenant ses aveux. Elle se justifie par une explication étonnante : « C’est du harcèlement contre moi. Ce matin, le tribunal a rendu sa décision pour la plainte de ma belle-mère sur mon nom. J’ai gagné (*). Et maintenant, Alain Flaccus fait cette déclaration. Or à chaque fois, c’est le même avocat. »
Maître Jean-Baptiste Euvrard était en charge de la requête de Flora Boxberger, déposée en 2016 et exigeant qu’Ophélie ne soit plus autorisée à porter le nom de son père biologique, Jacky, et qu’elle revienne au patronyme de Claude, nom de sa mère, qui a été le seul utilisé jusqu’à ses 13 ans. L’avocat de Montbéliard apparaît effectivement maintenant en représentant d’Alain Flaccus, compagnon de sa mère depuis 2001, entraîneur d’Ophélie entre 2001 et 2006.
Au tribunal le 2 juillet pour empoisonnement
C’est ce jeudi 2 juillet que le Tribunal de Montbéliard a inscrit à son agenda, en urgence, pour citation directe, cette plainte pour empoisonnement que Maître Laurent Clauzon, l’avocat marseillais d’Ophélie a déposé, pour cette fameuse injection d’EPO qu’Alain Flaccus s’est accusé d’avoir effectué en septembre dernier à Font Romeu. A l’insu de la jeune femme, et pour nuire au Docteur Jean-Michel Serra, son néo-compagnon, selon ce qu’il avait alors expliqué.
Un geste effarant, d’autant qu’il amenait Ophélie à lever le voile sur une affaire sordide, l’accusation d’abus sexuels durant son adolescence qu’elle profère contre son beau-père, et sur sa motivation à son acceptation de le réintégrer malgré tout à ses côtés, depuis deux ans, comme assistant d’entraînement.
Depuis la fin novembre, et la garde à vue où Alain Flaccus a fait ses aveux auprès des gendarmes de l’OCLAEPS, Ophélie a multiplié les prises de parole pour décrire avec force détails ce contexte effarant que beaucoup, spécialistes et grand public, peinent à comprendre, mais elle m’explique que son psychiatre détecte une relation d’emprise psychologique sur elle.
Alain Flaccus a répété ses aveux aux journalistes
A l’opposé, Alain Flaccus n’a pris la parole qu’avec parcimonie, d’abord dans une interview en janvier avec Baptiste Gormond pour l’Est Républicain, puis courant décembre auprès de Thierry Vildary, pour Stade 2, et tout récemment auprès de Stefan L’Hermitte de l’Equipe. A chacun de ses interlocuteurs, il avait répété la même version, d’une injection d’EPO effectuée à l’insu d’Ophélie.
Dès le début, ce scénario rocambolesque avait suscité beaucoup d’incrédulité. Jusque dans les rangs des gendarmes de l’OCLAESP chargés de mener l’enquête à la demande du Parquet de Paris. Tout récemment, selon nos informations, les éléments factuels recueillis par les enquêteurs avaient mis à mal la théorie d’Alain Flaccus, et ces faits remettaient en cause son rôle réel. A l’AFLD, c’est la coordination trop parfaite des auditions des quatre protagonistes de l’affaire, Flaccus, Ophélie, sa mère, le Docteur Serra, qui avait suscité questionnements.
50000 euros de dommages et intérêts
Il ne pouvait alors que resurgir avec plus d’acuité la théorie d’un sacrifice de cet homme de 72 ans s’accusant à tort pour « couvrir » Ophélie, et lui permettre d’espérer une réduction de sanction sportive, voire même une annulation. La prise de risque n’était sans doute pas vraiment apparue à Alain Flaccus, mais la décision d’Ophélie de porter plainte contre lui a modifié la donne.
Certes l’amende encourue était seulement de l’ordre de quelques milliers d’euros, l’empoisonnement n’étant pas effectué par des substances visant à entraîner la mort. Mais la plainte d’Ophélie Claude-Boxberger intégrait une demande de 50.000 euros de dommages et intérêts. Lorsque je la questionne sur ce montant, qui apparaît élevé, sa voix s’affermit pour justifier : « Moi, ma carrière est détruite. C’est ma vie. C’est normal. »
Est-ce cette somme importante ainsi exigée, qui a fait basculer Alain Flaccus, simple retraité de chez Peugeot, pour qu’il revienne sur ses aveux ? Une nouvelle fois, l’homme n’a pas accepté de répondre à mes questions. Selon des informations reçues à titre très confidentiel, il semble que le confinement l’ait incité à réfléchir à sa vie future et qu’il n’ait plus accepté de jouer le rôle de fusible.
Ophélie, elle, lâche tout de go : « Quand on fait une connerie, on l’assume ! Si sa stratégie de défense est qu’il a peur de payer, elle ne sera pas la bonne. On ira jusqu’au bout. »
Jusqu’au bout, mais avec quelles preuves ? Sur le plan pénal, elle devra maintenant démontrer par elle-même qu’Alain Flaccus est coupable. Comment, puisqu’elle a constamment soutenu la version qu’elle était inconsciente durant l’injection, assommée par des somnifères, et que cette situation avait été cautionnée par Alain Flaccus jusque dans son audition à l’AFLD.
Sans aveux, les preuves manquent maintenant
Mais Ophélie ne peut plus maintenant s’appuyer sur des aveux, qui l’exonèrent de toute responsabilité dans son dopage à l’EPO. La possibilité d’une suspension réduite ou nulle vient très probablement de se fermer. Les règles de l’anti-dopage sont très explicites : tout athlète est responsable des substances détectées dans son organisme. Et les quelques allègements de sanctions prononcés dans quelques cas ont résulté de contextes très sulfureux, comme celui de la kayakiste canadienne Laurence Vincent Lapointe, contaminée par son ex-compagnon, qui était toxicomane.
Les donnes de l’affaire ont brutalement changé. Ce revirement de l’ancien coach n’a pas surpris certains membres ou anciens membres du Club de Montbéliard, qui m’avaient expliqué qu’Alain Flaccus y était connu pour afficher ses positions anti-dopage qu’il distillait aux jeunes qu’il entraînait, et que ce geste dopant « collait » mal avec le personnage. Un témoin souhaitant conserver l’anonymat m’explique ainsi qu’Alain avait pour habitude de répéter à ses athlètes de veiller soigneusement à leur bouteille à l’entraînement.
A l’opposé, sur l’autre accusation formulée par Ophélie Claude-Boxberger contre son beau-père, concernant les abus sexuels qu’elle affirme avoir subis en de multiples occasions à l’adolescence, les témoignages s’avèrent plus contrastés.
Des gestes déplacés d’Alain Flaccus ?
Michel Delaby, qui a été compagnon de club d’Alain Flaccus, comme de Jacky Boxberger dans les années 70-80, admet du bout des lèvres que des rumeurs circulaient déjà à l’époque sur des attitudes déplacés. Même s’il souligne aussi que sa propre épouse, qui a été entraînée dans sa jeunesse par Alain Flaccus, n’a jamais été témoin de ces gestes.
Les actes menés contre Ophélie Claude-Boxberger ont été sanctionnés en 2009 par une exclusion d’Alain Flaccus du club de Montbéliard et de la FFA. A l’époque le président du Club avait fait un signalement au Procureur de la République, qui avait été classé sans suite.
Début juillet, le tribunal de Nîmes devrait être saisi par Maître Béatrice Lobier-Tubin, l’avocate d’Ophélie, qui a pris le temps de préparer son dossier, en s’appuyant sur une psychiatre spécialiste des abus sexuels. Ophélie l’a longuement rencontrée, et affirme vouloir maintenant concrétiser son action contre Alain Flaccus.
L’ancien entraîneur n’en a pas fini avec les procédures. Il va se voir contraint à justifier ses déclarations devant les enquêteurs de l’OCLAEPS. D’autres révélations restent probablement à venir dans cette tortueuse affaire mêlant dopage et vie privée. Mais le volet sportif apparaît maintenant limpide…
- Texte : Odile Baudrier
- Photos : D.R.
(*) Flora Boxberger n’a pas confirmé cette information. En ce samedi 27 juin, elle ne connaît pas la décision du Tribunal. Elle m’explique : « Vous m’apprenez le résultat. Mais ça me semble bizarre que Flaccus ait le même avocat que moi. Et le même jour, on annonce le matin que j’ai perdu mon procès, et l’après-midi qu’il se désengage de l’avoir dopé. Franchement, j’ai du mal à comprendre. »