Abraham Kiprotich effectue un retour gagnant sur marathon après sa suspension pour dopage prononcée en France en 2014. Le Kenyan, devenu Français à la faveur de son intégration dans la Légion Etrangère, a remporté mi novembre le marathon d’Istanbul, et ce dimanche, celui de Taipei. Il renoue avec les victoires loin de la France, qui l’a sanctionné, même si son chrono d’Istanbul, 2h11’22, est inférieur au minima pour le Championnat d’Europe de Berlin, mais son absence de licence ne devrait pas lui permettre d’être sélectionné.
Ce n’est pas vers la France qu’Abraham Kiprotich s’est tourné pour retrouver la compétition après la fin de sa suspension de deux ans pour dopage. Le coureur a pourtant vécu de nombreuses années en France, écumant les courses sur tout le territoire, devenant Légionnaire dès 2005, il a porté le maillot de l’équipe nationale pour les Jeux Olympiques de Londres en 2012, où il avait abandonné. Et durant sa suspension, il n’avait pas hésité à affirmer combien il était fier d’être Français, et à clamer son envie de retrouver une place en Equipe de France.
Mais le retour d’Abraham Kiprotich après sa sanction pour dopage ne manque pas de paradoxes. C’est à Istanbul et à Taïpei qu’il vient de retrouver la compétition, avec à chaque fois la victoire. Or ces deux marathons avaient été les derniers qu’il ait disputés, fin 2013, avant sa suspension de deux ans prononcée par l’AFLD, et ses deux victoires avaient été annulées. Le contrôle subi à Istanbul avait révélé la présence d’EPO.
Mais les organisateurs d’Istanbul et Taïpei ne sont visiblement pas rancuniers, et ont accueilli sans ciller Abraham Kiprotich. Comme en 2013, il a brillé, avec une nouvelle victoire à Istanbul, en 2h11’22, et cinq semaines plus tard, à Taïpei, en 2h17’49.
Certes les performances sont très loin de son record de 2h08’33’’ établi à Daegu au printemps 2013. Mais elles pèsent tout de même lourd en dollars, plus de 20.000 dollars à Taïpei, et le chrono d’Istanbul est inférieur au minima exigé par la FFA pour le Championnat d’Europe de Berlin (2h13’30’’).
La dernière licence de Kiprotich remonte à 2013
Toutefois, une nouvelle fois, l’imbroglio est grand autour d’Abraham Kiprotich. La nationalité française, obtenue à la faveur de son intégration dans la Légion Etrangère, lui demeure bien sûr acquise mais une sélection en Equipe de France exigerait qu’il soit licencié en France.
Or sa dernière licence remonte à 2013, au club d’Alès, qu’il avait rejoint après plusieurs années au sein de l’Athleg, le club créé par la Légion Etrangère pour ses athlètes de haut niveau. C’est d’ailleurs parce qu’il n’avait plus de licence à l’automne 2013 que sa suspension pour dopage avait dû être prononcée par l’AFLD et non par la FFA.
La FFA qui n’avait pas hésité à l’époque à pointer du doigt les dérives d’Abraham Kiprotich, avant même que son échantillon prélevé à Istanbul en novembre 2013 ne révèle l’utilisation d’EPO. Dès le printemps 2013, Bernard Amsalem, alors président de la FFA, avait désigné le marathonien comme douteux durant son intervention devant la commission sénatoriale travaillant sur le dopage.
Abraham Kiprotich vient alors de réaliser 2h08’33’’ au marathon de Daegu. Certes, il s’agit d’un record personnel, mais il valait déjà 2h08’35’’ depuis le printemps 2012, et sa victoire à Düsseldorf qui lui avait permis d’obtenir sa sélection en Equipe de France pour les JO de Londres. Mais son abandon durant ces Jeux va sonner le glas pour le marathonien, la FFA le surveille particulièrement, et ira jusqu’à le suspendre au printemps 2013, pour des manquements administratifs relatifs à la surveillance médicale des athlètes de haut niveau. Comprenez que les bilans sanguins du suivi biologique ne peuvent être réalisés, faute de localiser Abraham Kiprotich.
Le marathonien n’a cure de ces avertissements, il court à Daegu alors qu’il est suspendu depuis 15 jours, et ce n’est que son contrôle positif de novembre 2013 qui le stoppera. La sanction tombe finalement, courant 2014, avec deux ans de suspension s’achevant en octobre 2016.
Agnès Barsosio, des gains dépassant les 195.000 dollars
Pourtant dès février 2015, le coureur évoque la reprise de la compétition, ce qui apparaît plausible à considérer qu’il n’aura que 31 ans quand elle s’achèvera. Il vit alors au Kenya, où ses gains et surtout ceux de son épouse, Agnès Barsosio, lui procurent un joli train de vie. Agnès Barsosio, qui comme son mari, avait débuté dès 2004 en France, en accumulant les podiums dans une multitude de petites et grandes courses en France, a connu ensuite une carrière cosmopolite, multipliant les marathons à travers le monde entier, et le site AARS révèle des gains atteignant 195.390 dollars.
Ce printemps, Agnès Barsosio avait retrouvé la France pour disputer le marathon de Paris, et elle allait y briller, s’adjugeant un chrono de 2h20’59’’, représentant près de 4 minutes d’amélioration de son record précédent. C’est d’ailleurs à Daegu en 2013, qu’elle l’avait établi, dans la même course que son mari. Mais leurs parcours allaient se séparer ensuite, le destin d’Abraham Kiprotich allait basculer, à la faveur de la réglementation anti-dopage française…
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : D.R.