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Abdelkader Mahmoudi, suspendu pour des faits de harcèlement

Abdelkader Mahmoudi, athlète et entraîneur, fait l’objet de plusieurs suspensions suite à des faits de harcèlement sur des athlètes féminines qu’il entraînait. La Jeunesse et Sports du Bas Rhin lui a interdit en novembre d’entraîner même bénévolement. La FFA l’a récemment sanctionné d’une suspension de 5 ans. Une deuxième suspension devrait suivre. Une enquête judiciaire est en cours. Abdelkader Mahmoudi a décidé de faire appel de sa suspension fédérale auprès du Comité National Olympique.

Ce sont des faits graves de harcèlement menés par Abdelkader Mahmoudi à l’encontre de plusieurs femmes, qu’il entraînait, qui ont été pointés du doigt par la Commission Disciplinaire de la FFA. Avec à la clef, une interdiction d’exercer la fonction d’entraîneur, même bénévole, de participer à des compétitions, et d’être licencié à la FFA.

Une décision prise en réalité depuis la fin octobre 2024, mais l’appel sollicité par Abdelkader Mahmoudi était examiné mi janvier 2025, et la sanction seulement publiée sur le site de la FFA début avril 25, et c’est très rare, pas de manière anonyme… Et selon nos informations, une nouvelle décision d’interdiction et de suspension devrait être publiée dans les jours à venir.

La mise en cause de l’entraîneur ne se limite pas à la FFA, la Jeunesse et Sports du Bas Rhin s’était également emparée du dossier, et prononçait dès novembre 2024 une mesure d’interdiction sur la base de plusieurs articles du Code du Sport, faisant référence au fait que son « maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité des pratiquants ».

A noter également que le Parquet de Strasbourg instruit encore un dossier sur cette affaire, pour son volet pénal.

Des sanctions sur la base de quels faits ?

Les situations de harcèlement se multiplient à la faveur des Réseaux Sociaux et de comportements individuels d’hommes peu scrupuleux. Leur réalité peut apparaître complexe à appréhender mais les témoignages recueillis tant par la Commission Disciplinaire de la FFA que par la Direction de la Jeunesse et Sports de Strasbourg sur l’affaire Mahmoudi ont clairement convaincu les deux instances.

Les faits décrits par la FFA sont explicites : un comportement agressif et antisportif, avec violences physiques et verbales, y compris sur ses propres athlètes – le dépassement de la relation entraîneur-entraîné pour plusieurs de ses athlètes féminines notamment par des relations sexuelles avec des doutes sur le consentement – un dénigrement/discrédit, des insultes, des injures, des menaces et pressions (notamment via l’envoi de messages et d’appels – la manipulation de certaines de ses athlètes, afin de les isoler dans leur vie personnelle comme athlétique pour conserver une emprise sur elles.

Des termes forts pour qualifier des agissements qui ont provoqué de graves dégâts chez les athlètes concernées, la FFA cite de manière anonyme trois personnes.

Une relation toxique, et le harcèlement à la rupture

L’une d’entre elles, qui témoigne auprès de moi de manière anonyme, sous le prénom de « Mathilde », est à l’origine des instructions menées par la FFA, la Jeunesse et Sports et le Parquet de Strasbourg. Elle dévoile les relations complexes qui l’ont liée avec Abdelkader Mahmoudi, devenu d’abord son entraîneur, en 2019, avant que des relations intimes se nouent. Dans un contexte difficile, elle évoque des humiliations alternant avec du soutien, et parle d’emprise.

Abdelkader Mahmoudi, lui, oppose une toute autre version, celle de l’instabilité psychologique de la jeune femme, de ses difficultés relationnelles, soutient avoir réuni des témoignages confortant ce tableau psychologique, tout en contestant toute pression ou emprise : « elle était libre de partir à tout moment ».

Justement c’est au printemps 2023 que « Mathilde » souhaite stopper à la fois cette relation toxique et cette collaboration, mais Abdelkader Mahmoudi débute alors un harcèlement alimenté par des appels téléphoniques, des injures dans la rue ou pendant des compétitions. Ainsi lors du quart de finale du France de cross à Sarrebourg du 24 janvier 2024, l’organisateur avait été informé par la Ligue et les forces de l’ordre de ses agissements graves envers son ex-compagne.

La FFA instruit deux commissions disciplinaires

Des éléments factuels pris en compte par les deux instances qui ont déjà statué : la FFA, et la Jeunesse et Sports. Pour la FFA, c’est au mois d’août 2023 que Jean Pierre Deloy, le Président de la Ligue Grand Est, informé par « Mathilde », transmet le signalement à la FFA. Toutefois ce n’est qu’au printemps 2024 et après avoir reçu des éléments de preuves du harcèlement et des témoignages que le Service juridique de la FFA se décide à ouvrir une procédure disciplinaire contre Abdelkader Mahmoudi pour une audience en juillet 2024.

Avec début septembre, l’ouverture d’une deuxième procédure et une mesure de suspension provisoire. Car Abdelkader Mahmoudi n’a pas hésité à joindre plusieurs témoins qui ont soutenu « Mathilde ». En particulier Nicolas Kuhn, président du comité Running du Bas Rhin, de JP. Deloy, président de la Ligue Grand Est, envers lesquels il tient des propos menaçants.

Là encore, la version de Abdelkader Mahmoudi diffère largement. Comme il me l’avait expliqué en octobre et qu’il le répète dans un long mail transmis le 13 avril, pour lui, il s’agit de conversations strictement privées et d’un complot mené à son encontre : « La FFA s’est servie de cette histoire pour tenter de me mettre hors-jeu, pensant que cela me ferait taire sur certaines affaires les concernant. » Et il soutient ainsi avoir porté plainte pour atteinte à la vie privée contre les deux cadres fédéraux, accusés d’avoir enregistré une conversation et des images de lui durant des compétitions.

Sur cette deuxième procédure, la décision de la Chambre d’Appel de la FFA, saisie par Mahmoudi, devrait être disponible sous quelques jours.

La Jeunesse et Sports statue contre Abdelkader Mahmoudi

Il reste que la décision de la Jeunesse et Sports du Bas Rhin confirme une vision commune avec la Commission Disciplinaire de la FFA de cette affaire : les éléments permettent de valider une interdiction d’entraîner pour Abdelkader Mahmoudi, que ce soit rémunéré ou bénévole. C’est à la suite d’un signalement effectué en décembre 2023 par l’avocate de « Mathilde » auprès du Ministère des Sports que la Direction de la Jeunesse et des Sports de Strasbourg décide le 22 janvier 2024 d’ouvrir une procédure officielle avec enquête administrative qui s’achève fin septembre 2024. Et se conclut par cette décision prise par une commission statuant sous l’autorité de la Préfète et notifiée au mois de novembre au Président du Comité d’Athlétisme du Bas Rhin.

L’anonymat est levé, compte tenu de la gravité des faits

Autre fait notable dans ce genre d’affaire : l’anonymat d’Abdelkader Mahmoudi n’a pas été préservé, au contraire des usances de la Commission Disciplinaire de la FFA. C’est une décision bien explicitée dans le message adressé dès le 26 mars 2025 par le Juriste de la FFA à destination de Hervé Desmoulins pour le CD Athlé 57, Jean Pierre Deloy, pour la Ligue de l’Est, Jacky Boireau pour la Ligue Large, et également le Club Athle 2 Metz, avec cette mention : « L’anonymat est levé compte tenu de la gravité des faits et de leurs ampleurs, prévenir tout autre dérive de la part de l’intéressé et afin de garantir l’effectivité de la sanction ».

Face à cette situation, Abdelkader Mahmoudi n’hésite pas à évoquer une décision non fondée et m’indique :« Honnêtement, je n’accorde aucune importance à cette décision, qui n’a aucune valeur juridique ni même logique. À ce jour, aucune infraction ne m’a été reprochée, ni sur le terrain ni d’un point de vue juridique — contrairement à la FFA et à certains de ses cadres. Tout repose sur des allégations mensongères et des faits non vérifiés. »  Et de soutenir que cette affaire ne résulte que d’une vengeance des représentants Fédéraux de l’athlétisme dans l’Est, suite à son départ avec plusieurs athlètes vers le club de Metz, et après qu’il ait refusé de partager un podium avec Latifa Mokhtari, celle-ci revenant d’une suspension pour dopage.

C’est maintenant vers le Comité National Olympique que Mahmoudi a décidé de se tourner pour un ultime recours sur la décision fédérale. En parallèle, il n’a nullement cure de tenir compte de l’interdiction d’entraîner, et n’hésite pas à me souligner que son groupe a triplé de taille et que ses résultats sont excellents…

Abdelkader Mahmoudi, athlète mué en entraîneur

A 42 ans, Abdelkader Mahmoudi compte 20 ans d’athlétisme, avec de belles performances dans ses années junior où il intègre à plusieurs reprises l’Equipe de France. Puis ce sont des années moins performantes, avec des victoires régionales, avant un vrai regain à la transition Master, il établit un record à 29’22 à 39 ans, il devient champion de France Master du 10 km, Il évolue en parallèle vers des fonctions de coaching, rassemblant un groupe de plus en plus étoffé de divers niveaux.

Parmi eux, Julian Ranc, le créateur du site Run’Ix, qui se qualifie sur 1500 mètres pour le Championnat du Monde en 2023. Toutefois, Julian Ranc, interrogé après la publication de la suspension de son coach, souligne ne s’être entraîné avec lui qu’entre 2018 et 2021-2022, (même si sa fiche fédérale conserve encore le nom de Mahmoudi).

Face à cette situation, Julian Ranc ne dissimule pas un certain embarras, compte tenu de ses liens d’amitié avec son ex-coach. Mais il admet tout de même avoir souhaité prendre de la distance avec celui-ci vu son comportement : « Je n’ai pas grand-chose à lui reprocher. J’ai arrêté car nous n’étions pas d’accord sur l’entraînement, sur la compétition. Il voulait prendre les décisions, parfois contre mon avis. Ainsi, un jour, j’avais accepté d’être lièvre dans un meeting, et il a fait annuler à l’organisateur. Cela part d’un bon sentiment, mais il finit par décider pour son athlète. Il s’imposait, il s’immisçait dans la vie. Et quand on est n’est pas d’accord avec lui, il pique des colères. »

Autant d’ingrédients réunis pour produire un cocktail explosif !

Analyse : Odile BAUDRIER

photo : D.R.