Un documentaire sur le dopage réalisé par la chaîne de télévision Al Jazeera a provoqué beaucoup de remous aux Etats-Unis, en raison de sa mise en cause de Peyton Manning, un joueur de football américain très réputé. Ce reportage n’a pu être réalisé qu’avec l’implication de Liam Collins, un hurdler britannique, qui a joué les espions.
Au lendemain de Noël, la chaîne « Al Jazeera » a lancé une sale affaire à la face de plusieurs joueurs de football américain, et surtout de Peyton Manning. Cette star de la NFL aux Etats-Unis se retrouve torpillée dans le reportage diffusé par « Al Jazeera », accusé, ainsi que son épouse, d’achats d’hormone de croissance, effectués dans une clinique anti-âge de l’Indianapolis. Une affirmation à mettre à l’actif de confidences de Charlie Sly, un pharmacien en stage dans cette clinique, auprès de Liam Collins.
Liam Collins apparaît comme l’homme clef de ce reportage qui a suscité une levée de boucliers aux Etats-Unis, toutes les personnes mises en cause protestant de leur innocence, Charlie Sly allant même jusqu’à enregistrer un message niant les faits qu’il avait précédemment dévoilés. Liam Collins a réussi à faire parler tout ce petit monde, en se présentant auprès de médecins, naturopathe, pharmacien, comme un athlète à la recherche de produits dopants. Des conversations à bâtons rompus qu’il a soigneusement enregistrées et filmées, à l’insu de tous, jouant à la perfection son rôle d’espion…
Liam Collins, de retour chez les masters
Mais qui est ce Britannique de 37 ans qu’on voit sur les images de « Al Jazeera » s’entraîner aux côtés de Tim Montgomery, l’ancien recordman du monde suspendu pour dopage ? Liam Collins s’avère plus connu dans son pays pour son parcours très atypique plus que pour ses performances athlétiques. Ce hurdler ne compte à son actif qu’un titre scolaire sur les haies hautes, c’était en 1998, il se hisse ensuite en 2002 à 50’’30 sur 400 mètres haies, mais il a longtemps disparu des stades, opérant un petit détour vers le bobsleigh, jusqu’à son retour en 2014 pour les Championnats d’Europe Masters, puis cette année avec un chrono de 53’’65 sur 400 mètres haies correspondant à la 3ème performance mondiale de sa classe d’âge. Cela lui redonne le physique donnant une vraie authenticité à sa démarche de recherches de recettes miracle susceptibles de le booster encore plus…
Mais la réputation de Liam Collins s’est plutôt bâtie hors des stades, sur une piste de danse, avec sa participation en 2009 à la version anglaise de « Incroyable Talent », il y accède à la demi-finale avec son partenaire Richard Edmonds dans le duo « Faces of Disco », et ce sera le début d’une vraie carrière, la danse deviendra sa profession, le duo se produit dans de nombreux lieux, et tout dernièrement, dans les rues du Northumberland, comme le révèle le site www.chroniclelive.co.uk.
Le danseur est aussi un escroc
Cependant Liam Collins ne présente pas que cette face souriante, il compte aussi à son actif une controverse sur une arnaque financière, révélée par « This is Money », aboutissant à la spoliation d’une cinquantaine de consommateurs ayant placé leurs économies dans un projet immobilier fantôme qu’il porte avec un associé…
Alors comment ce hurdler, danseur, escroc s’est-il mué en agent secret pour « Al Jazeera » ??? L’histoire n’est pas entièrement dévoilée. Officiellement, le Britannique aurait été choisi pour sa proximité avec Tim Montgomery, qui intervient en introduction et conclusion dans le documentaire. Liam Collins travaillerait sur un livre sur l’ex-recordman du monde, incarcéré un moment pour des faits de fraude financière et de trafic d’héroïne, et se dédiant maintenant à l’entraînement de jeunes athlètes.
Voilà Liam Collins doté d’une facette d’écrivain qu’on ne lui connaissait pas jusqu’alors… Y sera-t-il aussi excellent que dans la fonction d’espion qu’il a enfilée, promenant sa grande carcasse aux Bahamas, à Vancouver, à Phoenix, pour convaincre des personnes véreuses de son besoin en produits dopants, tout en leur soutirant des informations sur leurs pratiques douteuses ???
Pourquoi cet engagement dans ce documentaire ? Liam Collins se justifie de manière très noble, en évoquant son envie de « provoquer un changement ». Et il peut se targuer d’avoir brillamment atteint son objectif : quelques jours après la diffusion du sujet par « Al Jazeera Amérique », le directeur de l’AMA, l’agence mondiale anti-dopage, annonçait que l’agence prenait ce rapport très au sérieux, et souhaitait une meilleure collaboration avec la NFL (football américain) et la NBL (basket). Le reportage d’Al Zazeera sera-t-il l’argument pour un recadrage de ces deux ligues professionnelles qui n’ont en réalité pas signé le Code Anti Dopage Mondial ???
- Texte : Odile Baudrier
Photo : D.R.