L’année 2015 marque un vrai point d’arrêt dans la courbe de croissance des performances enregistrées sur marathon. Est-ce directement lié aux affaires de dopage qui ont mis à l’index le Kenya ?
Berlin 2014, la ligne bleue du marathon prend feu. 2h 02’57’’ pour Dennis Kimetto le vainqueur, nouveau record du monde, 2h 03’13’’ pour son dauphin Emmanuel Mutai, ces deux performances exceptionnelles déclenchent dans la communauté du marathon une vague de questionnements, d’extrapolations et de projections sur la fameuse barrière des moins de 2 heures que certains entrevoient déjà pour « demain ».
Un an plus tard, les performances 2015 enregistrés sur marathon sont venues plomber cet enthousiasme général. Chez les hommes, seuls 3 coureurs ont réussi à ce jour moins de 2h 05’ contre 8 en 2014 et 11 en 2012. Seuls 46 coureurs ont réalisé moins de 2h 08’ cette année contre 61 l’an passé et 79 en 2012. Quant au TOP 100, les variations sont les suivantes, 2h 09’32’’ pour le 100ème mondial en 2015, pour 2h 09’00’’ en 2014 et 2h 08’32’’ en 2012. 2012, année olympique, véritable point d‘inflexion marquant une franche rupture dans cette courbe de performances grimpant vers des cieux qu’aucune prédiction ne prévoyait. En 2005, alors Haile Gebrselassie était leader mondial avec 2h 06’20’’, seuls 12 coureurs pointaient sous les 2h 08’.
Ces chiffres sont également corroborés par les résultats de Berlin, Chicago et New York, les 3 majors de l’automne où des performances bien en de ça de celles observées habituellement sont venues confirmer une tendance notable à la baisse. Les résultats chronométriques enregistrés sur marathon sont nettement en recul et marquent un net point d’arrêt.
Faut-il mettre cette brève analyse chiffrée en corrélation avec les affaires de dopage qui, tout au long de l’année, ont mis à l’index le Kenya, un pays au laisser faire total qui malgré les beaux discours n’a toujours pas mis en place une vraie politique anti dopage digne de ce nom ? La porte est vite franchie. Et dans les coulisses du Marathon de New York avec un vainqueur pointé en 2h 10’34’’, tous les commentaires recueillis allaient en ce sens.
Les turbulences au pays de l’endurance, sont venues infléchir les performances à la baisse
Certes les coureurs kenyans poursuivent leur domination, ils sont 64 à figurer en 2015 dans le TOP 100 (contre 28 Ethiopiens) et Eliud Kipchoge avec 2h 04’00’’ à Berlin et 2h 04’42’’ à Londres s’impose avec ces deux victoires prestigieuses comme le leader mondial, mais les turbulences au pays de l’endurance sont venues infléchir les performances à la baisse.
Alors que l’Ethiopie ne semble pas concerné de premier abord par les mêmes affaires de dopage, ce pays connait également une sensible baisse de performances. Certes 28 coureurs rentrent dans le TOP 100 mondial, mais le jeune Berhanu Lemi 2h 05’26’’ à Dubai est bien isolé dans un tel contexte international alors qu’en 2012, ils étaient 7 coureurs enregistrés sous les 2h 05’.
Est-ce en effet un simple phénomène générationnel ? Une période transitoire dans l’attente qu’une nouvelle génération s’affirme sur marathon alors que les Geoffrey Mutai, les Abel Kirui, Patrick Kamau, Dennis Kimetto et surtout Wilson Kipsang semblent marquer le pas ?
Quant à l’Europe, elle a quitté ce gros navire tout comme les USA. Le premier Européen, l’allemand Arne Gabius se classe 67ème avec 2h 08’33 » suivi de l’Italien Javier Guerra 102ème avec 2h 09’44’’ alors que l’américain Like Puskedra pointe à la 141ème place avec 2h 10’24’’. Et la France dans tout cela ? Hassan Bel Lkhainouch a réalisé dans un parfait anonymat 2h 13’24’’ à Frankfort il y a deux semaines. Loin des 2h 11’11 » d’Abdellatif Meftah réalisé à Paris lui valant la 186ème place. Yohann Durand, 2h 14’00’’ cette année pour son premier marathon à Paris (mais abandon à Berlin), se classe pour sa part 374ème au niveau mondial.
> Texte et photo : Gilles Bertrand