Une nouvelle étoile est apparue sur le 800 mètres. Amel Tuka fait irruption sous les 1’43’’, et se hisse au 13ème rang mondial de tous les temps. Quelle performance pour ce Bosniaque quasi-inconnu…
Avec le maître Rudisha encore en stand by cette saison, un véritable tourbillon s’est abattu sur le 800 mètres, de nouveaux talents à la conquête des secondes pour se hisser en haut de l’échelle. Après la surprise créée par Boris Berian lors de sa victoire au meeting de New York début juin, la planète 800 mètres a vécu à Monaco un véritable tremblement de terre.
Un Bosniaque quasi-inconnu s’y impose, supplante les meilleurs mondiaux et descend sous les 1’43’’. La performance se révèle énorme : ses 1’42’’54 correspondent au 13ème temps mondial de tous les temps, et ils marquent une progression incroyable, avec un gain de plus de trois secondes en une saison…
Une véritable bombe atomique que ce Amel Tuka, qu’on ne connaissait jusqu’alors que pour sa médaille de bronze aux Championnats d’Europe espoirs de Tampere en 2013, qu’on avait vu depuis scotché autour de 1’46’’, et terminant en 6ème position du championnat d’Europe de Zürich l’été dernier. Et cet hiver n’avait rien révélé de plus notable pour ce jeune athlète de 24 ans, modestement pointé en 1’48’’86 fin février.
Mais une frénésie paraît s’être emparée de lui depuis le début juillet, et il tombe les secondes à tour de bras. 1’44’’19 le 1er juillet. 1’43’’84 le 11 juillet. 1’42’’54 le 17 juillet. Lui-même n’y comprend rien, et l’avoue sans détours à l’arrivée à Monaco : « Je ne sais pas ce qui m’arrive ! Vous devez demander à mon entraîneur pourquoi je connais une si grosse progression. »
Gianni Ghidini, coach de Wilfred Bungei, champion olympique
Un coach qu’il a rejoint à Vérone en Italie il y a près de deux ans, juste après son bronze du championnat d’Europe espoirs. Quelques clics sur internet suffisent à découvrir que Gianni Ghidini n’est pour le moins pas un néophyte du 800 mètres, avec à son actif le titre de Champion Olympique du Kenyan Wilfred Bungei, en 2008 à Pékin, également auréolé d’un record à 1’42’’34. Aurait aussi évolué sous sa houlette un autre Kenyan, Gregory Konchellah, plus connu comme Yusuf Saad Kamel, nom adopté à sa naturalisation pour le Bahrein, pays sous les couleurs duquel, après bien des démêlés, il décrochera au Mondial 2009 l’or sur 1500 m et le bronze sur 800 mètres, et un record à 1’42’’79.
En son temps,Wilfred Bungei, lui aussi, avait connu un vigoureux bond en avant en un an, passant de 1’44’’23 en 2000 à 1’42’’96 en 2001. La nouvelle pépite de Gianni Ghidini a fait encore mieux…Mais l’effarement autour de cette progression provient bien sûr de la nationalité d’Amel Tuka.
La Bosnie Herzegovie est un pays quasiment inconnu dans le monde de l’athlétisme. Amel Tuka y a débuté dans la ville de Zenica à l’âge de 18 ans, comme coureur de 400 mètres, avant de basculer sur le 800 mètres, et de faire le choix de l’exil pour l’Italie, pour y profiter d’un véritable groupe d’entraînement.
Son pays natal demeure toujours dans son cœur, et au meeting de Madrid, le 11 juillet, on l’a vu ainsi courir avec « NEVER FORGET » écrit à l’arrière de son dossard. Pour un rappel du 20ème anniversaire du Massacre de Srebrenica où 8000 musulmans bosniaques avaient été tués par l’Armée de la République serbe de Bosnie.
Quelques jours plus tard, sa course de Monaco amenait le sigle « BIH » Bosnie-Herzégovine sur le devant de la scène…
Texte : Odile Baudrier
Photo : IAAF