Thomas Jordier offre à la France sa première médaille d’or dans ce Championnat d’Europe Espoirs, sur le 400 mètres, suivi quelques minutes plus tard par Renelle Lamote sur le 800 mètres. Il confirme ainsi son énorme potentiel apparu dès cadets.
Le sourire est radieux. Thomas est heureux. La médaille d’or tombe dans son escarcelle. La première pour ce gros talent capable d’abattre dès sa première année d’athlétisme en 2011 le record de France cadets (47’’27) et d’accéder en demi-finale du Mondial cadets.
Une pépite arrivée sur la piste par un curieux coup du sort. Thomas pratique le vélo à bon niveau dans les jeunes catégories pendant 8 ans, et stoppe après qu’un copain décède sous ses yeux, fauché par une voiture. L’envie n’est plus là : « Je n’avais plus la tête à ça. C’était aussi plus dur, il fallait faire plus de kilomètres. » Son entraîneur de vélo l’invite alors à se tourner vers l’athlétisme : « Le sport se rapprochant le plus de vélo. »
Ce sera alors une révélation, surtout lorsqu’après quelques tentatives sur 100-200 m, il se tourne vers le 400 mètres. Ce sera sa distance de prédilection. Il y brille de suite. En cadets. Puis en juniors, où il améliore un record de France (47’’53), mais avec la déception de ne pas se qualifier pour le Mondial 2012 de Barcelone. Puis à nouveau la lumière avec la médaille de bronze au Championnat d’Europe juniors en 2013, et le record de France juniors (46’’21). Et la satisfaction d’intégrer le relais français pour l’Europe de Zurich en 2014, ou encore pour les Coupe d’Europe 2014 et encore tout récemment en juin 2015.
Record personnel battu deux fois à Tallinn
Il accueille ce premier titre individuel avec un enthousiasme mêlé d’un petit soupçon de déception, soulignant d’entrée qu’il aurait espéré réaliser ici le minima pour le Mondial de Pékin. Et il n’hésite pas à souligner : « Ma course n’a pas été terrible aujourd’hui. Les 100 derniers mètres ne sont pas bons. » Un jeune homme exigeant avec lui-même, au point de souligner aussi qu’il manque à Tallinn les deux meilleurs espoirs européens, ce qu’il regrette : « J’aurais voulu qu’ils soient là ! »
Et pourtant quel beau parcours sur cette piste de Kadriorg Stadium, avec deux fois son record personnel battu, en série (45’’59), et en finale, (45’’50) où il choisit d’apporter une modification radicale à sa tactique habituelle : « D’habitude, je pars lentement. Puis je suis très fort sur la fin. Cette fois, j’ai essayé d’être plus régulier, pour enchaîner les deux 200 mètres dans les mêmes chronos. Mais finalement, ce départ trop rapide m’a coûté mon placement sur la fin. »
Randy Fondelot, entraîneur providence
Une fois évacués ces quelques regrets, marque de fabrique d’un perfectionniste, Thomas Jordier savoure à sa juste valeur sa performance et se réjouit par avance de pouvoir écouter la Marseillaise en soulignant : « Je la dédie à mon groupe. A mon entraîneur. A ma famille. A ma copine. A ma mère de cœur. » Il désigne ainsi Laurence Haller, aujourd’hui décédée, qui l’avait intégré dans sa famille comme son 6ème enfant : « Elle m’a toujours encouragé. Elle m’a donné des baffes quand il le fallait. Elle m’a poussé quand il le fallait. »
Une femme généreuse, à laquelle il doit beaucoup, comme à son coach, Randy Fondelot, homme clef de sa réussite : « Il sait me remotiver avec une compétition. » Le duo s’est noué tout naturellement, Randy Fondelot est l’entraîneur du club de Tremblay en France auquel Thomas Jordier a signé dès ses débuts : « Je vis là-bas, à 300 mètres du stade chez mes grands-parents. » Et il a découvert sur ce stade une deuxième famille, tous ses copains d’un groupe atypique drivé par Randy Fondelot, conseillant aussi bien les triple sauteurs, les sauteurs en longueur, que les hurdlers ou les sprinters.
Le coach, ancien sauteur en longueur, à la carrière interrompue prématurément par une grave blessure au dos, est l’homme orchestre de ce club, tout en assumant en parallèle le job de préparateur physique pour un club de foot de Ligue 2.
Et c’est sous sa houlette que Thomas Jordier a enchaîné ses progrès, pour arriver à ce Championnat d’Europe « plein d’envie ». L’or était enfin au bout, et Thomas ne dissimule pas non plus une autre satisfaction : « Je suis content de montrer que les critiques ont eu tort. Je prouve que même si on ne mesure que 1.70 mètres, on peut courir vite ! »
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : Gilles Bertrand