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Jimmy Vicaut, la brillance d’un record d’Europe

Jimmy Vicaut réalise un superbe 100 mètres au Meeting Areva, avec 9’’86, il égale le record d’Europe, en prenant la 2ème place derrière Asafa Powell. Le jeune sprinter gomme ainsi son record de 9’’95, et confirme son énorme potentiel, si souvent tronqué par les blessures. Et dire que Jimmy n’a que 23 ans !

 

Jimmy Vicaut, 9''86, record d'Europe
Jimmy Vicaut, 9 »86, record d’Europe

 

Un chrono de 9’’86 qui l’étonne ?

« Je savais que j’allais vite, mais je ne pensais pas que j’étais en 86. Je me suis concentré sur mon départ, je me retrouve à côté de Powell, je l’accroche jusqu’au bout. Sur le coup, je me vois à côté de lui, je ne comprends pas ce qui s’est passé. Marc Maury vient me voir et me dit que j’ai fait 9’’86. Je lui réponds : « Tu es sûr ? » Là, il y a un vide. Tu ne sens plus rien. Oui, je suis étonné, je n’ai pas pris un si bon départ. Je ressens surtout que le travail a bien payé. »

Le record d’Europe en ligne de mire ?

«J’avais ce Record d’Europe dans un coin de ma tête. Mais je pensais surtout au Record de France. Depuis 2 ans, je le voulais. Là, le battre de 6 centièmes, c’est parfait. Le record d’Europe est une étape. Maintenant, il faut le refaire. Il faut passer à nouveau sous les 90. On va essayer d’être régulier entre 85 et 90. Après on verra. Il y a un truc qui s’est vraiment débloqué. Mais ça ne veut rien dire, c’est juste une course. Il faut que je le refasse au France ! Là, je pourrais dire. Avant, je pensais toujours à faire moins de 10 secondes. C’est une barrière psychologique. »

5ème sprinter cette saison sous les 9’’86

« Mais ça ne veut rien dire, on n’est pas encore à Pékin, et on n’en parle pas pour le moment. Là, je vais me reposer, penser au France, je vise le titre sur 100 et le minima sur 200 m. Ensuite à Monaco. Il faut prendre par étapes. Ca ne sert à rien de me voir déjà à Pékin. Il y a deux ans, j’avais fait 9’’95, je me suis un peu enflammé, et je me fais sortir. Il faut prendre par étapes. »

 

Jimmy, dans le doute ??

« J’ai connu des galères depuis 2-3 ans. En 2014, j’arrive aux Europe blessé. Là, je suis motivé. Le travail paie vraiment. Parfois, tu doutes. Tu t’entraînes et tu te blesses. C’est vrai que ça commençait à être « chiant » de rester à 95. Tu t’entraînes, tu sais que tu peux aller plus vite, mais les chronos ne viennent pas. C’est presque agaçant. Là, j’ai fait le travail, tout ce que j’ai fait à l’entraînement a payé. Ce n’est pas la course parfaite techniquement. Mon départ est faible, et sur la fin de course, j’ai vu à l’écran que j’étais placé un peu bas.

Quels changements d’entraînement ?

« J’ai fait des changements à l’entraînement. Au départ, des aspects techniques sur la montée. Je me suis un peu baissé, je n’aime pas quand je suis trop en hauteur dans les blocs. J’ai changé ça, et ça s’est très bien passé. Au début, je vois Powell devant moi, je sais que ça va vite, mais je suis en retard. Puis je reviens sur lui, je casse et je vois que je suis à côté de lui. Là, je comprends. Je suis vraiment content et impatient de recourir avec ces gars-là ! C’est grâce à eux que tu peux aller vite. »

Asafa Powell, un avantage ?

« Sur le coup, non, j’ai douté. Car j’ai couru avec lui à Lausanne, et je l’ai éclaté. J’ai du mal à courir avec lui. Là, j’ai pensé à ce que j’allais faire techniquement. Au début, je l’ai vu partir, puis j’ai vu que j’étais à côté de lui, j’étais très bien. Là, j’ai pensé qu’il y avait matière à faire 90, mais je ne pensais pas à 86. Je suis vraiment content d’avoir couru avec Powell, ça m’a motivé. »

L’analyse de Guy ONTANON, son entraîneur

Dans les coursives du Stade de France, l’étreinte entre Guy Ontanon et Jimmy Vicaut est remplie d’une émotion contenue. Jimmy sort de son habituelle réserve pour blaguer le coach : « Il est où ton champagne ?? » Le soulagement du duo est perceptible, cette performance torpille cette image de talent éternellement blessé qui lui collait à la peau depuis quelques années, et qui les affectait tous les deux. Enfin, la réussite explose, le travail a payé !

« Ce soir, il va dormir tranquille, il va refaire le plein de confiance. A l’échauffement, il m’avait dit qu’il se sentait bien, et le retour que je lui ai fait est « Oui, je te vois, et tu es très très bien ! Tu as juste à mettre en place les trois règles définies. »

« C’est quelqu’un d’assez remarquable. On travaille ensemble depuis 7 ans. On est passés par des hauts, des très hauts, des très très bas. C’est quelqu’un qui est réservé. Il a aussi beaucoup évolué dans sa vie d’homme avant de devenir le champion qui est devant vous. On lui avait prédit de mauvais jours quand il est sorti de son collège, et aujourd’hui, il donne une belle réponse. C’est un garçon fantastique, avec son groupe, et surtout avec moi. »

Jimmy Vicaut, heureux de sa perf
Jimmy Vicaut, heureux de sa perf

Quoi prévoir pour Pékin ?

« Le niveau mondial est si relevé qu’avec ce jeu des 3 demi-finales, on a payé très cher. Il a payé très cher à Moscou avec ce jeu des demi-finales, qui est une aberration. Je m’attends toujours à tout. Tomber dans une première demi avec moins 2 mètres, et les autres demi avec plus 2 mètres, ça change toute la donne. Il faut rester prudent. Mais c’est vrai que c’est un signal fort qu’il envoie aux autres sprinters. Il se classe parmi l’élite mondiale, il se resitue parmi l’élite mondiale. Ca se jouera à des petits détails. Un temps de réaction catastrophique, un enchaînement catastrophique, et la course est partie. Il se replace de manière très forte sur le ranking mondial. Maintenant à lui de continuer à bien travailler, mais ça, je n’en doute pas !

La course parfaite ?

« Déjà à chaud, en faisant l’observation des 15-20 premiers mètres, il peut faire beaucoup mieux. Ce n’est pas un bel enchaînement. L’avantage qu’il a eu est de se retrouver à côté d’Assafa Powell, pas à côté de Mike Rodgers, qui est un partant exceptionnel. Asafa est un bon partant, mais à comparer les trois types de départ, il valait mieux qu’il soit à côté d’Asafa pour faire ce type de course.

Les ex-dopés en tête bilan

« Je comprends qu’on puisse accorder des secondes chances, mais il reste aussi au niveau de la recherche à faire davantage d’études sur les effets a posteriori des produits au niveau musculaire. On a vu quelques travaux sur ce thème, et ça laisse des entraîneurs de mon type très interrogatifs….

Propos recueillis par Odile Baudrier
Photo : Gilles Bertrand