La Sarthe est un département phare de l’athlétisme français, un coin de France où ce sport est vécu de façon passionnelle avec de fortes rivalités entre clubs. Laurent Boquillet, le boss du meeting Areva, se lance dans un nouveau défi, créer un grand club d’ »entente ».
Les licences se déchirent comme des tickets de métro, les maillots se jettent comme des torchons de vaisselle, des articles de presse rédigés au sécateur pour tailler dans le vif, au Mans, l’athlé, c’est passionnel !
2010 – 2014, le feuilleton Endurance 72 – Free Run 72, chronique d’une scission mal digérée, aura duré quatre longues années, Quatre saisons d’empoignades, d’engueulades, de rivalités pas toujours saines, avant que le club conduit par Sylvain Durand prenne la tangente et rejoigne l’A3 Tours.
2015, alors que l’Endurance 72 se retrouve à nouveau aux quatre vents d’une tourmente interne, fragilisé par trois dissidents en quête de pouvoir, qu’un gros pavé dans la marre vient d’arroser l’athlé sarthois et ses 29 clubs. L’homme responsable de ce grand courant d’air, c’est Laurent Boquillet, le directeur du meeting Areva, ex. Nike, ex. Adidas, ex. Juventus de Turin, ex. manager d’Hicham El Guerrouj, ex. ASO, un carnet d’adresses épais comme un parpaing. Depuis ses premières foulées avec le DUC de Rémy Geoffroy et de l’ami Dudu, le grand Boq a traversé 35 ans d’athlé, des bancs de l’école aux grands galas de l’IAAF dans un costume anthracite. Un bon coureur aussi, ex triathlète qui la cinquantaine fraîche du jeune papa qu’il est, s’arrache encore sur des 10 x 400 pour disputer les Templiers chaussé de sandales en cuir, façon Tarahumaras. Born to Run, c’est lui.
« L’athlé est à un tournant entre compétition et loisir »
Il a tout vu, il a tout fait ? Oui, ce n’est pas une erreur de l’écrire, toujours prêt à sauter sur le marchepied, dans un autre train, dans un autre avion, dans une quête infinie de projets. Laurent Boquillet navigue ainsi dans l’athlé des clubs et Interclubs et l’athlé paillettes et starlettes depuis des lustres. Toujours là où personne ne l’attend comme de s’assoir autour d’une table pour construire un grand club. On se dit : « Là, ce n’est plus le Boquillet que l’on connaît ». Explications de l’intéressé : « Soit tu restes en dehors du système et tu ne fais que critiquer, soit tu rentres dedans et tu t’impliques si tu veux changer des choses ».
Sa vision de l’athlé, c’est finalement celle de Bernard Amsalem, un mixage entre athlé pro, athlé club et athlé santé. Il poursuit son explication : « L’athlé est à un tournant entre compétition et loisir. Comment l’athlé devient un lieu ouvert à tous ? J’avais l’envie d’engager ce tournant pour que ce sport soit plus rassembleur. On est toujours plus fort ensemble que seul ».
Au Mans, en principe, on sait prendre des virages, parfois ça dérape, l’histoire Endurance 72 – Free Run nous le rappelle. Il faut donc fixer des caps. Laurent Boquillet en néo-sarthois, il retape une maison à un jet de pierre de Dominique Chauvelier, s’est mis dans le baquet pour tenter de recomposer une entente autour du LMA. Neuf clubs et sous sections se sont assis autour de la table. Quant à Endurance 72, Régis Pernet son président a décliné une offre qu’il juge utopique. Il s’en explique : « Faire du haut niveau, nous aussi nous faisons déjà du haut-niveau. Nous sommes un club à part. Nous avons un groupe qui est soudé, il y a de la cohésion, très centré sur le demi-fond, le running et le trail, nous aurions dilué notre image. Mais si ce projet apporte à l’athlé, c’est tant mieux ».
« Un grand club, c’est plein d’alchimies, le haut niveau ça doit inspirer les jeunes »
Avec Jean Michel Maillard et Jean François Chrétien qui fut le premier entraîneur de Christelle Daunay, les commissions se sont formées et Laurent Boquillet d’expliquer, de coordonner, de bâtir. Objectif, 3000 licenciés : « Un grand club, c’est plein d’alchimies, le haut niveau ça doit inspirer les jeunes. L’athlé, c’est un beau sport à pratiquer sous toutes ses formes. Si tu prends les Demoiselles de Bugatti, elles sont 12 000 femmes à courir. Elles sont loin d’être licenciées. Il faut leur permettre de poursuivre l’aventure et peut-être qu’elles prendront une licence».
Des grandes idées, elles ont été jetées, listées, la feuille de route a été tracée pour faire naître ce grand club le 1er janvier 2016. Garder les jeunes espoirs sarthois au pays, recruter du haut niveau mais pas de mains basses sur des mercenaires, déjà René Auguin qui fut le bras droit de Laurent Boquillet comme manager a reçu des consignes, travailler la qualité de l’accueil pour « être heureux d’être dans un stade ». Laurent Boquillet ajoute : « Ici, on a des compétences, on peut travailler sur la qualité de vie, on peut travailler sur le bien-être des Sarthois et des Manceaux. Je sais que je m’attaque à un système qui n’est pas simple. Le dialogue sera primordial, je trace ma route, j’aime cette complexité. Ce sera un vrai exercice de me poser». Pour naviguer dans ce rififi local où les jalousies ne manqueront pas de naître, elles existent déjà, c’est inévitable, dans cette guéguerre des clubs et de l’associatif à la française.
Le soir du meeting de Carquefou, les potes du DUC ont fait le crochet par la Sarthe pour saluer le Boq en pleine organisation du meeting Areva. Rémi Geoffroy et Fabrice Dubuisson étaient accompagnés des Palcau, Miellet. Ensemble, ils ont remué la boîte à souvenirs, les départementaux de cross, les Interclubs…quand l’athlé devient un sport d’équipe ! Laurent Boquillet d’ajouter : »Ce sont des jeunes comme cela à qui je veux transmettre cette énergie, qu’ils soient fiers de leur club comme j’étais fier d’être au DUC ». L’athlé, c’est qu’en même un beau sport ! ».
> Texte Gilles Bertrand