Médaillée d’argent l’an passé à Zurich sur 10 000 mètres, Clémence Calvin veut confirmer cet été son potentiel « mondial » en pensant déjà à Rio. Tout comme son compagnon et entraîneur, Samir Dahmani, 3’36’’ 53 record personnel à Marseille enfin remis sur les rails après 2 ans et demi de galère. Rencontre sous le soleil de Marseille.
Deux 1500, l’un pour Clémence, le suivant pour Samir. En enchaîné, dans le bon tempo d’un meeting bien ficelé. L’un sur la piste, l’autre dans l’attente. Le suivant sur la piste et l’autre dans l’attente. Une course propre pour Clémence Calvin, sans prétention si ce n’était de courir pour son club. Une course à l’énergie, au courage, dans le bon tempo pour Samir Dahmani. Trois fois 1’12’’ à chaque tranche de 500 et 3’36’’ sur la ligne. Bien joué pour se fondre à nouveau dans le haut niveau.
Clémence Calvin et Samir Dahmani, sont repartis de Marseille, bras dessus, bras dessous, le sourire aux lèvres.
Depuis plusieurs saisons, Clémence et Samir partagent le meilleur et le pire du haut niveau. Dans le vertige des hautes sphères de la haute performance, dans les sous sols des turpitudes lorsque le corps s’insurge dans le non.
Le cœur chaviré, Samir s’est assis en bord de piste sur une chaise. Les deux coudes sur les genoux, à chercher son souffle, à reprendre son souffle. Long silence. Puis les mots sont revenus d’eux mêmes pour affirmer très clairement d’une voix perçant le tintamarre ambiant : « Oui, ce fut une galère. Oui, ca m’a renforcé psychologiquement. Oui ce fut dur ». Trois oui pour dire non à la galère. Car Samir a dérouillé. Le purgatoire, deux ans et demi de blessure, de remise à plat, de retour à la case départ (au final ce temps ne sera pas validé, la faute à un départ donné au mauvais endroit, soit un 1500 m une dizaine de mètres plus court, une erreur détectée par un internaute plus attentif que tout le monde – lire l’article cliquez sur ce lien)
Deux ans et demi d’un quasi silence, son club, la mairie, personne n’a lâché prise : «Je n’étais pas toujours en compétition mais je me devais d’être sérieux à l’entraînement». Il s’est reconstruit, loin des bruits, des jugements acidulés, épicés. La phrase est bien connue « encore un junior brûlé, encore un junior cramé». Il l’exprime ainsi : « Le potentiel est là et les qualités, elles sont là depuis que je suis jeune. Quand j’ai fait mes 3’38’’, j’étais encore en année scolaire, en BTS. J’étais doué en junior mais personne ne savait que j’avais encore ce potentiel chez les seniors. Moi, je savais et je n’ai pas lâché, j’ai encore tout cela dans les jambes ». En travaillant l’endurance fondamentale pour mieux enchaîner les séances, son point faible. Aujourd’hui, il boit du petit lait : « J’enchaîne mieux mes séances. Avant j’avais besoin de 4 à 5 jours, là ça se fait tout seul, j’arrive à courir sur la fatigue ».
Samir a dérouillé, les frustrations se sont accumulées. Sa première année à l’Insep délicate, son opération puis la rééducation « pour se refaire un corps musclé». La pénitence dans un groupe Gager porté vers l’excellence avec en leader Pierre Ambroise Bosse en dragster. Seul gros rayon de soleil, la médaille de Clémence à Zurich sur 10 000 : « Pendant cette période j’ai pu l’accompagner, je lui ai apporté ce que je pouvais lui apporter, elle a fait la médaille aux Europe (en 32’23’’58), on a savouré ce moment ».
« Lorsqu’elle va monter sur marathon, ça va faire mal. Sur cette distance, elle a un potentiel olympique»
Cette médaille a fait taire les railleries dont il a été victime. « Samir entraîneur de Clémence !!!». Autant dire que lorsque la nouvelle a fusé et s’est confirmée, personne n’y a cru. Mais l’espoir qu’il était, a tenu bon là aussi « Je ne me suis pas pris la tête avec ça. Les gens pensaient que Clémence ne passerait jamais sur la piste. C’était un défi, un défi que je me suis lancé et ça a payé pour elle. Je m’enrichis, j’apprends de jour en jour et on progresse avec cela ». Avec Bruno Gager sur les séances de renforcement et l’ensemble du travail spécifique, avec son entraîneur d’enfance pour le long, car Samir en est convaincu : «Clémence a une grosse endurance, un gros moteur et je ne cache pas que lorsqu’elle va monter sur marathon, ça va faire mal. Sur cette distance, elle a un potentiel olympique».
Avant de tirer le gros lot pour Rio, le couple Dahmani – Calvin a mis le cap sur Pékin. 5000 – 10 000, Clémence espère le meilleur sur les 25 tours, une qualif sans joker, ni passe droit avec des minima à 31’40’’ proche du record de France et à 15’15’’ sur 5000. L’erreur n’existe pas.
Après une varicelle puis un zona intercostal, Clémence a mis son hiver athlétique en couveuse pour revenir, libérée des stages et des cours, les polycops au placard. « Avril, j’ai eu mes partiels et les stages. J’avais peu de temps, tout se faisait au détriment de la récupération. Mais depuis, je goûte au sport de haut niveau même si j’ai toujours eu deux projets. Là, j’ai scindé ma 3ème année en 2. L’an prochain, je n’aurai plus que mon stage et mon mémoire ». Le thème abordé, le théâtre et la psychomotricité au profit des expressions émotionnelles chez les adolescents. Elle explique brièvement : « On va faire des séances de théâtre thérapie. Pour voir si cela aide à la prise de confiance en soi, au relâchement».
A l’arrivée de son 15, Clémence est relax. Le temps réalisé ? Une séance guère plus, à quelques jours d’un 5000 à Budapest et Areva pour passer dans les clous. Du rythme, sa qualité première, il lui en manque encore « mais ça va revenir tranquillement. Ce ne sont que des étapes à franchir » assure-t-elle. Retrouver du rythme musculaire, retrouver de la force musculaire, retrouver sa vitesse, la feuille de route est fixée.
Avec Marseille comme port d’attache, la cité de Marius et Jeannette. Clémence précise : « Au SCO, il y a un truc vraiment touchant. C’est trop bien lorsque l’on fait un championnat de région, il y a Loulou qui fait les pâtes, il ramène de grosses bacholes avec la sauce tomate faite maison, les vrais oignons ». Elle ajoute sans l’accent succulent d’une Ariane Ascaride : «C’est la vie de Marseille au club ».
> Texte et photos Gilles Bertrand