Un documentaire diffusé par la BBC et consacré aux dérives du dopage pointe du doigt Alberto Salazar, mis en cause par d’anciens athlètes coachés par ses soins, sur son incitation à l’utilisation de certains produits interdits.
La BBC a lancé ce mercredi une véritable bombe sur le sujet du dopage, avec son documentaire divisé en trois parties. La première évoque le sprinter britannique Allan Wells, champion olympique du 100 m à Moscou en 1980, mis en cause par un médecin pour son utilisation de dopants. La deuxième partie est orientée sur l’efficacité du passeport biologique, dans la veine de l’étude réalisée en France sous les caméras de France 2 par Pierre Sallet. La dernière est évidemment la plus sulfureuse, elle s’intéresse à Alberto Salazar, le coach américain le plus réputé au monde, l’homme derrière la réussite de Mo Farah, et de Galen Rupp.
Ce serait justement leur double médaille des JO de Londres sur 10.000 mètres où ses protégés finissent 1 et 2, qui serait à l’origine des accusations portées par Steve Magness, un ancien assistant coach d’Alberto Salazar, dans le projet NOP, Nike Oregon Project.
Le sujet réalisé par la BBC et relayé également en presse écrite par David Epstein pour « Pro Publica » comporte en effet la grande originalité de présenter les témoignages de personnalités marquantes de l’athlétisme aux Etats Unis, Steve Magness, un jeune entraîneur et chercheur réputé, et le couple Goucher, Kara et Adam, qui ont accepté de témoigner à visage découvert sur divers faits constatés alors qu’ils étaient partie prenante du projet NOP. D’autres athlètes et anciens employés du NOP ont préféré rendre compte, mais en demeurant anonymes.
Le fils d’Alberto Salazar, testeur d’un gel de testostérone ???
Parmi les éléments révélés par Steve Magness, plusieurs apparaissent particulièrement forts. Comme l’utilisation du propre fils d’Alberto Salazar, comme « testeur » d’un gel à base de testostérone, ou encore le document affichant l’usage de prednisone (corticoïde) et testostérone par Galen Rupp dès ses années de lycée. Steve Magness a constaté d’autres faits troublants, comme des tests effectués avant compétition pour vérifier l’urine de Galen Rupp, le recours par celui-ci à des « pilules » non identifiées quelques heures avant une compétition, et qu’il aurait reçu d’Alberto Salazar par la poste, placées dans les pages d’un livre découpé..
Kara Goucher, incitée à utiliser une hormone thyroïdienne ??
Pour Kara Goucher, les accusations tournent autour de l’incitation à recourir au « Cytomel », une hormone thyroïdienne efficace pour perdre du poids. Elle distille également les informations selon lesquelles Alberto Salazar aurait cherché à faire administrer à Galen Rupp des perfusions d’eau salée avant le Mondial 2007 et 2011, avec l’objectif que l’on connaît de masquer l’utilisation de produits dopants (selon la méthode utilisée par Lance Amstrong).
Kara Goucher, qui a quitté le groupe Salazar en 2013, a volontairement témoigné auprès de l’USADA, l’agence anti-dopage US, ainsi qu’Adam, son mari, pour révéler leurs doutes sur les pratiques de leur ex-coach. Steve Magness a fait de même juste après les JO de Londres où les deux médailles remportées par Mo Farah et Galen Rupp l’ont ulcéré.
Alberto Salazar conteste inciter ses athlètes au dopage
Pour sa part, Alberto Salazar a contesté avoir incité ses athlètes à manipuler les procédures de test, et a confirmé respecter très strictement les règles de l’Agence Mondiale Anti Dopage, et chercher conseils régulièrement auprès de l’USADA en cas de questions sur certains points. Mo Farah, comme Galen Rupp, ont contesté avoir utilisé de produits améliorant la performance ou qu’Alberto Salazar leur ait suggéré de prendre un produit interdit. Les divers témoignages dévoilés dans le sujet BBC ne mettent d’ailleurs pas en cause Mo Farah, mais tournent autour de Galen Rupp.
Des investigations seraient en cours à l’USADA. Quelle sera leur suite ? A ce stade, le secret est évidemment de mise. Mais il est certain que toutes les garanties doivent être prises pour mener une quelconque action à l’encontre d’Alberto Salazar, le coach le plus puissant des Etats-Unis, qui a attiré les meilleurs athlètes US grâce à son programme généreusement financé par Nike et son PDG Phil Knight, avec lequel il était étudiant à l’Université d’Oregon.
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : Gilles Bertrand