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José Marajo, compétiteur dans l’âme

José Marajo a été le grand demi-fondeur français de la fin des années 70 et début des années 80 avant de connaître une carrière originale, entraîneur puis homme de dossiers au Ministère des Sports et de la Défense, avant de devenir DTN Adjoint à la Fédération de Voile. A 60 ans, José Marajo se lance dans un nouveau projet, celui de « Mon Stade », une structure mêlant sport et santé.

 

La fine silhouette de José Marajo ne passe pas inaperçue sur le grand stand de « Mon Stade », en plein cœur du Salon du Marathon de Paris. Trois jours durant, infatigable, l’ancien athlète et conseiller ministériel répète à tout va le concept de ce nouveau projet, destiné à épauler les sportifs et non sportifs sur leur pratique.

José Marajo leader français sur 800 m dans les années 80
José Marajo leader français sur 800 m dans les années 80

José Marajo ne dissimule pas son enthousiasme à développer cette idée qui lui trottait en tête depuis des années, et qu’il a bâtie avec son ancien médecin. Le concept paraît très simple : « Proposer un programme personnalisé d’entraînement », mais il insiste sur l’évaluation physique complète effectuée au préalable pour définir un tel programme, et il ajoute : « Pour moi, c’est comme entraîner Bob Tahri, Medhi Baala ou Nathalie Toumas. »

A 60 ans passés, le haut niveau habite toujours José Marajo, comme depuis plus de 40 ans. Il a compté parmi les plus brillants demi-fondeurs français, avec trois records de France, deux participations aux Jeux Olympiques, en 1976 et 1980. Un gros talent, doué dès son enfance, et il s’amuse en se rappelant : « A l’école primaire d’Auron, à Bourges, à la récréation, on jouait à Mara. Ma classe jouait à attraper Marajo ! J’étais tout petit et fluet, mais je courais déjà très vite. »

José Marajo débute l’entraînement à 20 ans

Malgré tout, les choses sérieuses ne débuteront vraiment pour lui que bien plus tard. Le petit Berruyer est d’abord un touche à tout, foot, judo, course à pied. Dès cadet, il accède au France d’athlétisme, puis au Europe junior, mais sans entraînement particulier. Et il raconte : « C’est le soir de la finale du 800 m aux Europe junior que j’ai décidé que j’allais m’entraîner et qu’un jour, je serai bon en athlétisme. » Et il veut bien l’avouer maintenant, pour lui, cela signifiait devenir champion olympique ou recordman du monde !

Ce n’est qu’à plus de 20 ans que José débutera une préparation sérieuse, à son arrivée à l’INS, l’ancêtre de l’INSEP. Deux ans plus tard, il dispute les JO de Montréal sur 800 m, et en 1980, il termine 7ème sur 800 m et 1500 m aux JO de Moscou. Mais il se situe là bien en deçà de ses espoirs, et l’épisode demeure encore vivace dans sa mémoire : « J’ai couru le 1500 m avec 39°8 de fièvre ! »

Son propre entraîneur

Plus de trois décades plus tard, José a eu tout le temps pour disséquer tous les détails de sa carrière, et il ne concède aucun regret, assénant avec vigueur : « J’ai toujours fait ce que j’ai voulu comme j’ai voulu. » Mais ce grand exigeant ne s’épargne pas lui-même et révèle : « Je n’ai pas été assez intelligent à deux moments dans ma vie. » Sa première erreur fut sa volonté de s’entraîner seul, et là, il évoque une certitude : « J’aurais dû avoir un entraîneur. » L’homme providentiel aurait pu exister, il se nommait Roger Thomas, mais à leur rencontre à son arrivée l’INS, José ne perçoit pas toute la dimension du personnage : « C’était un humaniste, un philosophe. A l’époque, j’étais très rationnel, le personnage et son discours ne me convenaient pas. C’était quelqu’un d’exceptionnel, je l’ai su après ! S’il m’avait entraîné, je n’aurais pas fait tous les essais et erreurs que j’ai faits seul. Il m’aurait amené plus vite et plus loin. »

Et sous sa houlette, José aurait peut-être évité ce qui demeure comme son deuxième égarement, son échec aux JO de Moscou, alors que 4 semaines plus tôt, il affichait une période exceptionnelle : « Aux JO, j’étais de l’autre côté de la colline. Un mois avant, vu ma forme, au lieu de penser que j’allais tout casser aux JO, j’aurais dû aller dormir et me reposer. Je suis arrivé aux JO épuisé ! » C’est ainsi dans la douleur que s’achevait son rêve olympique, l’Olympiade de Los Angeles interdite ensuite pour cause de blessure.

Conseiller aux Sports, à la Défense

José Marajo débutait alors une reconversion originale. Ce professeur de sports, enseignant un moment en collège, allait être propulsé dans des univers divers. Entraîneur national à la Fédération Française d’Athlétisme, jusqu’en 2001, conseiller au Ministère des Sports, spécialiste du statut des athlètes de haut niveau, jusqu’en 2005, en mission au Ministère de la Défense, chargé de bâtir un nouveau programme de préparation sportive pour les soldats. Et tout récemment, DTN Adjoint à la Fédération de la voile, avec l’objectif d’étoffer le développement du sport sur tout le territoire.

En parallèle, il a longtemps assumé des fonctions d’entraîneur, dans les clubs de Créteil et Noisy le Grand, à l’INSEP, et auprès de quelques talents, comme Cyril Laventure, Artemon Hatungimana, Lyes Ramoul, Mehdi Baala, Nathalie Toumas, Bouabdellah Tahri. Une mission qu’il a poursuivie jusqu’en août 2009, et pour laquelle il a utilisé toutes les connaissances accumulées pour s’entraîner lui-même.

Car à tout juste 20 ans, ce perfectionniste avait pris le temps de disséquer tous les ouvrages sur l’entraînement qu’il a pu trouver dans la bibliothèque de l’INSEP. En français, en anglais, en espagnol, tout y est passé, pour combler son avidité de comprendre. Et il en a déduit une vérité toute simple : « Les athlètes sont tous différents. Quand on a peu entraîné ou peu lu, on essaie de reproduire ce qui marche. Moi, j’avais lu beaucoup et beaucoup de choses différentes. J’ai de suite compris qu’il n’y a pas d’absolu. »

Aujourd'hui, José Marajo s'implique dans le projet "c'est mon stade"
Aujourd’hui, José Marajo s’implique dans le projet « c’est mon stade »

S’il connut quelques ratés personnels avec sa méthode, il n’en fut rien avec ses protégés. Au contraire : « J’ai fait progresser tous les athlètes que j’ai entraînés. Du plus petit niveau départemental à international. C’est grâce à mon expérience personnelle. Je n’ai pas reproduit les erreurs faites ! »

Retour sur le terrain avec « Mon Stade »

Avec la création de « Mon Stade », cet adepte de l’entraînement individualisé renoue avec ce terrain qu’il adore retrouver : « Dans un bureau au ministère, on écrit de belles choses, on rédige des directives, on définit des concepts. Mais il faut s’assurer que sur le terrain, au bout du bout, ça fonctionne. »

A maintenant 60 ans, ce projet le bascule à nouveau dans cette passion qui l’anime depuis ses 10 ans : « Pour moi, le verdict du sport est l’action motrice. La réponse, on l’a tout de suite. Le sport enrichit beaucoup car on peut faire beaucoup d’expériences. Vous faites, c’est juste ou ce n’est pas juste. Dans ce cas, vous refaites ! »

Et même si sa charge de travail l’a limité à une pratique sportive de week-end, il demeure toujours aussi pugnace. Comme ce samedi matin au Salon du Marathon de Running, où il s’évertue à répéter une série d’abdos pour illustrer son éternelle combativité.

 Texte : Odile Baudrier
 Photos : D.R.