Le pari de la fédération d’athlétisme chinoise a porté ses fruits pour ce Mondial de cross, l’équipe féminine prend la 4ème place avec deux athlètes dans le top 20.
A l’heure d’analyser les résultats d’un Championnat du monde de cross, les informations à décrypter fourmillent. Une sorte d’atavisme de la profession de journaliste veut qu’on s’intéresse au pays d’accueil d’un tel évènement, pour disséquer les résultats des nationaux sur leur sol.
Mais pour ce Mondial de Giuyang, ce n’est pas une simple tradition qu’on perpétue en se tournant vers les performances des Chinois, ou plus exactement des Chinoises. Car paradoxalement, dans ce pays où la naissance d’une fille a longtemps été accueillie avec déception par des parents restreints à un seul enfant, c’est du côté des athlètes femmes que la Fédération d’athlétisme chinoise s’est tournée pour tenter d’émerger au grand jour, dans un tout autre contexte que celui de la si particulière année 1993.
Un choix au féminin dicté par le nouveau boss de l’athlétisme chinois, l’Italien Renato Canova, convaincu de l’impossibilité pour les nations non-africaines d’exister chez les hommes dans cet évènement.
Les Chinoises en stage au Kenya et en Ethiopie
Même s’il s’est engagé avec la Chine dans un travail de long terme, axé sur les JO de Rio, et qu’il n’a débuté cette collaboration qu’à la fin 2013, Renato Canova s’était fixé la réussite dans ce Mondial de Giuyang comme priorité, considérant qu’il s’agissait là d’une affaire nationale, avec cette occasion de démontrer sur le sol chinois les premiers effets du travail effectué entre l’Italien et les jeunes Chinoises.
Celles-ci n’ont probablement pas eu vraiment le choix, mais elles n’ont rechigné à aucune des conditions posées par le coach Canova : un premier stage début 2014 à Iten au Kenya, un deuxième séjour de deux mois début 2015 à Addis Abeba. Pour leur apprendre à s’immerger dans des environnements où l’excellence règne. Pour leur offrir aussi des parcours en altitude très inédits en Chine, où les coureurs ne disposent que de peu de possibilités, cantonnés sur des routes goudronnées, et parfois même, compte tenu du trafic très dense dans les alentours des villes mégapoles, sur les pistes des stades.
Les premiers effets de cette collaboration inédite avaient émergé dès les Jeux d’Asie, sur le 800 m, le steeple et surtout avec Ding Changqin, médaillée sur le 5000 m et 10000 mètres.
Pour ce nouveau rendez-vous international, Ding Changqin a poursuivi sur cette lancée. Sa 16ème place la propulse dans le statut de première non Africaine, avec sur ses talons, sa compatriote Xinyan Zhang, une jeune athlète de 21 ans, qui s’était mise en évidence fin février au Championnat de cross national avec le doublé cross court-cross long.
Ding Changqin, 2h26′ une semaine avant le Mondial de cross
Dès l’automne dernier, Renato Canova, expert en préparation marathon, avait détecté chez Ding Changqui un gros potentiel pour cette distance, que cette Chinoise avait débuté dès 2011, à l’âge de 20 ans. Au marathon de Chongqing, le 5ème de sa courte carrière, elle a validé les prédictions de son entraîneur, avec un nouveau record personnel de 2h26’54.
Mais le plus surprenant est que ce marathon s’est déroulé une semaine seulement avant le Mondial de cross. Cet enchaînement ne peut que surprendre par les capacités de récupération exceptionnelles qu’il requière…
Un bémol qui ne concerne évidemment que les initiés. Pour le grand public, et surtout pour ce public chinois si nationaliste et non-connaisseur de l’athlétisme, Ding Changqui s’affirme juste comme une héroïne capable de combattre avec les Africaines et de supplanter le reste de la planète…
Texte : Odile Baudrier
Photo : Getty