Mo Farah a établi ce samedi 21 février le record du monde du 2 miles indoor à Birmingham, avec 8’03’’40, gommant la référence de Kenenisa Bekele. Il s’agit de son premier record du monde, une réponse à la polémique créée par son compatriote Andy Vernon sur fond de racisme.
La performance appelle la performance. Et les athlètes prolixes font souvent les frais de leurs exceptionnels résultats. En son temps, Sergeï Bubka se plaignait d’être constamment sollicité pour battre ses records du monde de manière plus franche que le petit centimètre qu’il y ajoutait à chaque fois. De nos jours, Renaud Lavillenie fait, lui aussi, face à une pression forte à chaque compétition pour que le record du monde y soit gommé.
Mo Farah, lui, s’est habitué à des questions incessantes sur un futur record du monde. Comme si un double titre olympique, un triple titre mondial, cinq titres européens, plusieurs doublés 5000-10000 m dans le même championnat ne suffisaient pas à établir la suprématie totale du Britannique.
Mo Farah s’était ému à plusieurs reprises de ces interrogations récurrentes et la dernière fois encore à Moscou après son nouveau doublé, il avait livré ses sentiments : « Oui, je voudrais essayer de battre des records. Mais le plus important est de gagner des médailles pour mon pays. Et il est difficile de préparer les records et les courses de championnats. »
Et les championnats demeuraient jusqu’alors la priorité absolue pour lui, comme s’il était en quête de l’adulation de ses compatriotes britanniques. La récente polémique qu’il a connu avec Andy Vernon, médaillé d’argent aux Europe 2014 sur 5000 mètres, a révélé combien ce point était sensible pour Mo, natif de Somalie et exilé en Angleterre à l’âge de 8 ans.
Ce qui avait commencé entre les deux hommes par des échanges de tweets de plus en plus vindicatifs et qui ressemblait surtout à une lutte entre deux egos trop dimensionnés est finalement apparu comme créé par une blessure intime assénée à Mo Farah par Andy Vernon.
Andy Vernon met en cause la qualité de Britannique de Mo Farah
Cette triste affaire avait débuté par un tweet narquois d’Andy Vernon, se moquant de la faible opposition qu’allait rencontrer Mo Farah sur son 2 miles à Birmingham. La réaction très offensive de Mo avait surpris, en tel décalage avec l’habituelle gentillesse qu’il dégage.
Mais les choses sont devenues plus claires dans l’interview donnée par Mo Farah à la BBC après son record, où il expliquait avoir été choqué par des propos d’Andy Vernon au Championnat d’Europe de Zürich. Celui-ci avait souligné qu’il devrait être le champion d’Europe, sous-entendu pour être le seul « vrai » Européen…Andy Vernon n’a pas nié ces propos, mais les a présentés comme une simple plaisanterie. C’est l’éternelle excuse de ces blagues d’inspiration raciste !
Mo Farah a avoué également à « Telegraph Sport » ne pas être satisfait de s’être ainsi emporté dans ces tweets. Mais au-delà des interviews à répétition, c’est bien sûr sur la piste que ce compétiteur acharné a surtout choisi de se venger de ces accusations de refuser la confrontation au plus haut niveau
Et il n’aura fallu que 400 mètres à Andy Vernon pour comprendre qu’il allait recevoir une très belle correction de la part de Mo Farah. 49 secondes pour ce premier 400 mètres, l’alerte est donnée, le record du monde est en ligne de mire. 4’03’’9 pour le premier mile, le record est en danger. 3’59’’5 pour le 2ème mile, avec 57’’6 pour le dernier 400 mètres, le record est battu.
Mo Farah éclipse ainsi Kenenisa Bekele, et tord le cou à toutes les polémiques. Son geste à quelques minutes du départ, il embrasse le maillot de l’Union Jack qu’il avait enfilé, a également été très commenté en Grande Bretagne. Comme une jolie marque d’affection à l’égard de son pays…
> Texte : Odile Baudrier
> Photo : Gilles Bertrand