Des menaces de boycott pesaient sur l’organisation du National de cross au Kenya. Mais l’épreuve a bien eu lieu. La jeune Faith Kipyegon, deux fois championne du monde chez les juniors, s’impose chez les seniors et démontre sa force de frappe à un mois du Mondial.
Le bras de fer opposant la Fédération Kenyane et l’association PAAK représentant les athlètes pro di Kenya a tourné à l’avantage de la fédération.
La PAAK avait pourtant appelé au boycott des championnats nationaux de cross mais les athlètes étaient bien là en ce samedi matin aux portes d’Uruhu Garden, un jardin public prisé des amoureux qui viennent se cacher à l’abri des curieux sous l’ombre des grands arbres parasols.
Ce groupement présidé par Benjamin Limo est monté au front suite aux affaires de dopage et au laxisme de la fédération jugée complice d’une situation désastreuse pour l’athlétisme kenyan.
l’apparatchik reste debout sur son trône dans ces beaux souliers vernis
L’affaire Rita Jeptoo a fini d’incendier ce terrain déjà miné, le PAAK réclamant à corps et à cri des explications aux dirigeants d’une fédération couvrant ceux qui ont agi dans l’ombre pour doper la marathonienne qui fut en passe de remporter le fameux jack pot en qualité de meilleure marathonienne mondiale de l’année.
Pour l’heure, aucune réponse n’a été apportée et la fédération s’est défendue en levant l’étendard du patriotisme, prétextant que les frondeurs militaient contre les intérêts de l’état kenyan.
Au final, le petit doigt sur la couture, toutes les équipes représentant la Police, l’Armée et autres corps d’Etat accusés d’antipatriotisme n’ont pas bravé les foudres de la fédération et ont garé leurs gros bus bourrés de coureurs pour disputer ce championnat national qualificatif pour le prochain Mondial de cross. Au final la tête d’Isaiah Kiplagat qui était mise à prix, n’a pas roulé sous le billot. Le patron de la fédération kenyane, en place depuis 22 ans, a gardé son autorité vacillante, son costume de parvenu, son compte en banque bien rempli. Pour l’heure, l’apparatchik reste debout sur son trône dans ces beaux souliers vernis.
Au Kenya, un National de cross ressort de l’intérêt national. C’est tout aussi important que les bons chiffres des exportations du thé de Kericho et du café de Kisii sur le marché mondial. Alors ce National, dans un climat tendu, c’est donc tenu devant une foule toujours aussi enthousiaste qui se moquait sans doute de ces tractations qui ne les concernent pas. Ils étaient là en bras de chemise, en costume gris, en habit de travail, pour le spectacle. Et spectacle, il y a eu.
Si Bedan Karoki l’emporte dans une course hommes où les cartes ont été totalement rebattues pour laisser émerger une nouvelle génération, pour la course féminine, Faith Kipyegon a réussi son passage chez les seniors.
Il ne lui reste plus qu’à vaincre sa timidité
Double championne du monde de cross chez les juniors, en 2011 à Punta Umbria puis en 2013 en Pologne, cette athlète pour l’heure orientée 1500 a connu un parcours athlétique proche de la perfection. De la fine dentelle sans aucun point de travers. Seul petit accro en 2012, elle n’accède pas à la finale Olympique. Mais peut-on lui en vouloir, elle n’a que 18 ans ! L’année suivante, elle s’impose à Bydgoszcz sur ce terrain de cross enneigé pour son troisième Mondial et l’été venu, elle prend la cinquième place du Mondial de Moscou sur 1500 mètres. Encore plus significatif, elle réussie 3’56 »98. Seules 4 chinoises ont fait mieux. Sinistre fait d’arme qu’un bon coup d’éponge aurait du effacer. Le 18 octobre 1997 à Shanghai, lors des National Games, une course folle fut remportée par Yinglai Lang en 3’51 »34. Ne chercher pas de qualificatif ! Car aucun mot ne peut qualifier cet outrage.
Ainsi Faith Kipyegon, gamine devenue femme, poursuit son ascension. Il ne lui reste plus qu’à vaincre sa timidité. Qu’à se raconter simplement comme a su si bien le faire un Haile Gebrselassie. Pour qu’une histoire se construire, se raconte, s’écrive, se transmette. Pour que ce nom ne soit pas associé qu’à une simple liste de chronos, de dates, de records et de médailles. Dure labeur ! Car il est presque certain qu’un troisième titre conquis dans les labours au fin fond de la Chine ne déchaîne les plumes dans l’encrier.
> Résultats seniors hommes (12 km) :
1. Bedan Karoki 35’08 »
2. Geoffrey Kamworor 35’19 »
3. Leonard Barsoton 35’28 »
4. Moses Mukono 35’51 »
5. Phillip Langat 35’55 »
> Résultats seniors femmes (8 km) :
1. Faith Kipyegon 26’24 »
2. Agnes Jebet Tirop 26’25 »
3. Janet Kisa 26’30 »
4. Irene Chebet 26’32 »
5. Alice Aprot 26’34 »
> Texte et photo Gilles Bertrand