Dès le début de l’affaire, Laila Traby a dénoncé un complot la visant, et alors que les procédures sont encore en cours en ce début février 2015, cette rumeur a encore enflé, largement soutenue sur son compte Facebook que Laila alimente de manière permanente, et activée aussi par des sites marocains liés au Sahara Occidental, qui soutiennent Laila pour son origine sahraouie
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En ce début février 2015, l’affaire Traby n’a pas abouti de manière officielle. L’AFLD instruit le dossier du contrôle positif enregistré après le prélèvement effectué le 7 novembre. Selon nos sources, la procédure pénale suit son cours, pour la possession de produits et peut-être une possibilité de trafic.
Mais les investigations prennent du temps. Depuis quand ont-elles débuté ? Le secret règne. Tout juste peut-on mentionner que Laurent Heitz avait été interrogé à deux reprises en l’espace de trois mois par la Gendarmerie de Marseille qui lui avait présenté deux listes d’une dizaine de personnes afin de connaître les infos qu’il pouvait détenir sur ces personnes. D’autres présidents de clubs de la région auraient été questionnés de la même manière.
Les noms figurant sur ces listes demeurent confidentiels. Tout au plus peut-on ajouter que Laila Traby n’y figurait pas. Pourtant le 7 novembre, la gendarmerie de Prades effectue une perquisition dans le chalet occupé à Formiguière durant son stage programmé du 20 octobre au 20 novembre. Un stage qu’elle effectue sans aucun entraîneur, et seulement en compagnie de 3 sparring partners, spécialement venus du Maroc pour l’accompagner. La descente des gendarmes aurait provoqué la fuite de l’un d’eux, qui s’échappe par la fenêtre.
Positive à l’EPO
On comprend sa panique à considérer que le frigo du chalet contient de l’EPO… Laila Traby se voit mise en garde à vue et contrainte par les gendarmes à accepter un contrôle anti-dopage qu’elle a d’abord refusé à la contrôleuse de l’AFLD. Le 21 novembre, le résultat tombe, l’échantillon révèle la présence d’EPO.
Les soupçons se sont transformés en réalité. Mais dès l’annonce de la perquisition, via son compte Facebook, Laila avait dénoncé un complot, mettant en cause les athlètes partageant ce stage, s’estimant victime d’un coup monté. C’est aussi la version qu’elle tenait à Jean Philippe Manzelle, son manager, le lundi 10 novembre, où elle lui expliquait au téléphone que sur les trois athlètes partageant son stage, deux étaient partis avant la perquisition, et le 3ème avait sauté par la fenêtre. Et qu’ils seraient donc les possesseurs des produits retrouvés dans le frigo. Une version étrange, à considérer que ces athlètes avaient été invités à ses frais par Laila Traby pour lui servir de sparring partners, alors qu’elle déclarait ensuite ne pas vraiment les connaître…
L’idée d’un complot à son encontre enflait d’autant plus que ce contrôle s’inscrivait dans la continuité de plusieurs affaires de dopage ayant touché des athlètes issus du Maroc et naturalisés ensuite… Il n’en fallait pas plus à certains pour argumenter sur une affaire orchestrée depuis le Maroc.
Un chrono transformé ?
Car Laila a quitté son pays natal en mauvais termes. Son talent avait été repéré très précocement par son père, un ancien coureur de 800 m, dirigeant d’athlétisme de la ligue régionale de sa zone, et cette jeune cadette douée avait intégré l’Institut des Sports de Rabat, elle dispute le Mondial de cross à deux reprises, en 1997 (84ème chez les juniors), puis celui de 2009 (abandon). En 2004, naît une vive polémique autour de sa performance sur 800 mètres. Elle aurait couru en 2’02’’, mais la Fédération aurait gommé ce résultat pour le transformer en 2’03’’27, lui fermant ainsi la porte des Jeux Pan Arab qu’elle pensait disputer.
Pourquoi une telle tricherie de la Fédération ? En raison de ses origines sahraouies. De ce fait, elle aurait été brimée par la Fédération. C’est ce qui, un an plus tard, l’aurait poussée à quitter le Maroc pour la France, convaincue que sa carrière serait toujours brisée à cause de cette qualité.
Laila, une icône pour les Sahraouis
C’est ainsi qu’en 2005, Laila Hmatou rejoint à Avignon son frère Salah Amaidan Hmatou, qui aurait été contraint, lui, à la fuite en raison de ses activités politiques au sein du Front Polisario. Salah Hmatou, lui aussi athlète, aurait obtenu le statut de réfugié politique en France tout en s’illustrant sous les couleurs du club de Montfavet, dans la banlieue d’Avignon, dirigé par Mounir Yemmouni.
Deux sites internet se font le relais des problématiques du peuple sahraoui, laminé par le Maroc. L’histoire de la famille Hmatou y est souvent présentée. Sur « Solidarité Maroc », il est ainsi évoqué le décès d’Abachikh Hmatou, l’un des frères de Laila, victime d’un accident de moto à Avignon en septembre 2012, et dont le rapatriement du corps vers Ellaiun au Sahara Occidental avait provoqué un vrai drame suite au refus des autorités marocaines d’autoriser ce transport.
Mi août 2013, Salah Hmatou a vécu, lui, l’humiliation d’être à nouveau interdit d’entrée à Laayoune, la capitale du Sahara, comme il l’avait déjà été en juin 2012, incapable de rendre visite à sa famille, pour lui faire « payer » le statut de réfugié politique demandé en France.
Laila, victime d’une tentative de meurtre ?
Bien avant, en 2009, c’est un autre épisode étonnant qui est rapporté, celui d’une tentative de meurtre à l’encontre de Laila Hamtou. En stage à Ifrane, elle aurait été victime d’un sabotage du tuyau de gaz de son appartement, sectionné au couteau, lui provoquant un malaise fort, et pour lequel elle aurait porté plainte contre X.
Tout au long de l’année dernière, la réussite de Laila Hmatou Traby avait été parfaitement relayée sur ce même site, avec toujours cette référence à sa qualité de sahraouie. En fin d’année, après l’annonce de son contrôle positif, le site APSO, « Amis du Peuple du Saraha Occidental », va se déchaîner contre la presse française ayant rapporté ces informations, contre les conditions de la perquisition. Et pointer du doigt avec vigueur l’idée d’un complot orchestré par « le réseau d’influence du roi du Maroc, le pays colonisateur du Sahara Occidental. »
Dans son empressement à soutenir l’athlète, le site va jusqu’à prétendre qu’il est inhabituel que des gendarmes soient accompagnés par des contrôleurs anti-dopage, qu’il est anormal que seule Laile soit visée, que les produits n’ont pas été retrouvés dans sa chambre mais dans le frigo commun à 4 personnes. Et d’allègrement mentionner que les autres athlètes étaient d’origine marocaine… CQFD : le Maroc, chef d’orchestre contre Laila et contre les Sahraouis.
Laila, très active sur Facebook
La théorie n’est pas très différente de celle véhiculée par Laila Traby sur son compte Facebook. Elle diffuse dès le 10 novembre un texte la disculpant et criant au piège. Puis après l’annonce de son contrôle positif, elle souligne tout simplement « La vie continue. Quand on aime fort quelque chose rien ne peut nous arrêter même pas la nuit. Ils y a beaucoup d’obstacles pour arriver à nos objectifs (blessures, jalousie. . . ) mais quand on est fort dans la tête on arrive à tout surmonter ! »
Sa page Facebook s’interrompt puis elle reprend, et Laila y dévoile sa vie au quotidien, livrant un flot de photos, de liens vers des vidéos, sites… On est surpris de la voir y annoncer comme qualité : « Travaille chez la Fédération Française d’Athlétisme », qu’elle transforme ensuite en « Sportif à la Fédération Française d’Athlétisme », probablement après une réaction de la FFA…
Elle y apparaît pleine d’enthousiasme, heureuse. Régulièrement, elle y réinstalle des photos de son Championnat d’Europe de Zurich, et ainsi on la retrouve aux côtés du Président François Hollande, de Mehdi Baala, de Salim Sdiri, de Ghani Yalouz… ou encore à la Mairie d’Avignon pour l’accueil officiel de septembre dernier. Fin janvier, elle réactive le lien vers le sujet de Stade 2 d’octobre 2014. Elle y multiplie les photos où elle arbore sa tenue Equipe de France, elle pose ainsi avec ses deux filles, radieuse et vêtue de son survêtement officiel.
Elle démontre une belle dextérité à manier ce média où les réactions sont le plus souvent très chaleureuses à son encontre. Son seul lien virtuel avec le monde de l’athlétisme. En-dehors de cela, elle choisit le silence et refuse toutes nos demandes de rendez-vous et d’entretiens…
Texte : Odile Baudrier
Photo : Gilles Bertrand