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Les retours de Soudril et Calvin en Equipe de France, une polémique inévitable ?

Les sélections de Jimy Soudril et Clémence Calvin en Equipe de France à leur retour d’une suspension pour dopage n’ont pas manqué de susciter polémique. Les réactions ont été d’autant plus fortes face au parcours de Jimy Soudril, qui, à 26 ans, devient médaillé de bronze au Championnat d’Europe, alors qu’il n’avait jamais intégré l’Equipe de France dans ses années de pratique précédentes. Mais aucun élément réglementaire n’interdit ces sélections, faute de disposition tangible de la FFA, comme de la majorité des fédérations sportives.

Un retour très libre après une suspension

Après une suspension pour des faits de dopage, aucune règle particulière n’encadre le retour du sportif. Dans le passé, obligation était faite de rencontrer un médecin du sport, chargé de faire le point sur cette dérive et de prodiguer des conseils pour une reprise « clean ». Il s’imposait également l’obligation d’avoir subi 3 contrôles anti-dopage dans les 3 mois précédant la fin de la suspension.

Mais l’évolution des règles s’est faite dans le sens d’une plus grande liberté, et désormais, ces contraintes n’existent plus. Le sportif reçoit même l’autorisation de pouvoir s’entraîner à nouveau dans un stade ou club dans les deux mois qui précèdent la fin de sa suspension. Et ensuite, il redevient un athlète « normal ». Parfois intégré par l’AFLD au sein du groupe cible, qui l’oblige à se localiser chaque jour, et à accepter les contrôles inopinés. Mais parfois, un décalage apparaît entre le moment où il peut reprendre la compétition, et celui où il se retrouve dans le groupe cible.

Exemples avec Clémence Calvin, qui après avoir été longtemps conservée au sein du groupe cible durant sa suspension, y compris même durant sa grossesse, avait finalement été réintégrée seulement au printemps 2024 par l’AFLD, alors qu’elle avait achevé sa suspension en décembre 2023.

Idem pour Jimy Soudril, qui après son retour à la mi-mai 2024, suite à sa suspension pour contrôle positif à la clomiphène, ne sera pris en compte dans le groupe cible qu’à la mi-janvier 2025. A la décharge de l’AFLD, le niveau de Soudril, avant sa suspension, ne laissait présager un come-back aussi brutal…

Une sélection en Equipe Nationale, c’est normal

Après une suspension pour dopage, l’athlète retrouve tous ses droits, et ce n’est finalement que lorsque des organisateurs d’évènements décident d’adopter une politique stricte sur leur plateau d’élite qu’il peut se voir interdit de compétition. Exemple avec les World Marathon Majors, qui excluent toute participation d’une personne sanctionnée pour dopage.

Mais cette règle n’est nullement appliquée par les Fédérations Sportives. Et en particulier par la FFA, qui n’a pas introduit de bémol de ce type à une sélection nationale. D’où cette double sélection de début 2025, qui a irrité les puristes, celle de Jimy Soudril pour le Championnat d’Europe en Salle, puis pour le Mondial en Salle, et celle de Clémence Calvin, pour le Championnat d’Europe de running sur marathon.

Une Fédération a adopté une autre ligne de conduite : celle du Kenya. Face à l’explosion des cas de dopage, la Fédé Kenyane a annoncé refuser de retenir en Equipe Nationale un athlète précédemment suspendu, même s’il avait atteint les minimas qualificatifs. Dans la réalité, très difficile de savoir si cette règle a vraiment été appliquée, compte tenu du nombre importants d’athlètes sanctionnés, et des complications liées au double patronyme.

Une sélection avec quels garde fous ?

Comment intégrer un athlète, ex-dopé, dans son équipe nationale sans imposer un minimum de cadre réglementaire ? Dans ses règles de sélection, la FFA affiche trois repères à respecter : l’athlète doit obtenir son passeport « I Run Clean » – il doit être à jour de son Suivi Médical Réglementaire – il doit s’être soumis au programme de contrôles anti-dopage fixé par World Athletics.

A l’analyse, une politique plutôt soft et particulièrement peu adaptée à des athlètes précédemment actifs dans le dopage. En particulier car le terme de Suivi Médical Réglementaire dissimule un concept assez flou : en théorie, les athlètes doivent être à jour du suivi à la date du comité de sélection. Mais dans le cas où ils n’étaient pas ciblés pour le SMR, ils doivent simplement effectuer une visite médicale avec ECG de repos avant la compétition, et la suite du SMR avant la fin de la saison.

Là aussi, se voit soulevé le point du nombre de contrôles effectué sur un athlète membre de l’Equipe de France. Aucune règle n’est imposée, comme dans la plupart des pays. Avec une exception notable, à nouveau celle du Kenya, qui exige 3 tests anti-dopage pour pouvoir porter le maillot national. Conséquence de cette intransigeance : de jeunes athlètes en progression rapide passent parfois à la trappe, faute d’avoir pu obtenir ces 3 tests.

Pourquoi le cas de Jimy Soudril a agité les amoureux d’athlétisme ?

C’est une très belle histoire, qui peut combler les fans d’athlétisme. Mais les puristes, eux, renâclent : l’histoire Soudril est beaucoup trop belle. Les chiffres plaident pour ces esprits chagrins. Quel athlète effectue à 26 ans, une progression de près de 2 secondes sur son chrono sur 400 mètres indoor (nouveau RP de 45’’69)  en seulement deux mois de pratique, et après deux ans de suspension pour dopage ? Sans oublier que son précédent record de 46’’94 avait été effectué en janvier 22, soit seulement un mois avant son contrôle positif, et qu’il passait alors pour la première fois sous les 47 secondes, plein air et indoor confondus.

C’est inédit ! Certes de nombreux athlètes retrouvent un niveau comparable à leurs performances d’avant dopage. Mais il y a un tout petit nombre qu’on a pu voir faire mieux que précédemment. Jimy Soudril est de ceux-là, capable d’obtenir son premier titre national, sa première sélection en Equipe de France, sa première médaille internationale, après deux ans d’arrêt.

Ses explications sur cette situation n’ont convaincu que les adeptes de la « positive attitude », qui vous pousse à soulever les montagnes, à devenir le meilleur Français sans faire partie d’un groupe d’entraînement, et même sans entraîneur…. C’est là aussi très rare. A ce parcours, s’ajoute aussi le refus d’admettre son dopage, car dès le mois de décembre, il expliquait sur les réseaux sociaux, avoir fait une erreur en utilisant un produit ramené des Etats-Unis par son frère, mais en avançant un décalage de dates peu crédible (il aurait avalé le clomiphène plusieurs mois avant le contrôle).

A noter qu’au Mondial indoor de Nankin, Jimy Soudril se présente comme le 7ème performer mondial de cette saison. Exactement le même rang que l’Américaine Shelby Houliban, qui après 4 ans d’arrêt pour un contrôle positif à la nandrolone, a immédiatement retrouvé le très haut niveau, là encore en divisant les fans d’athlétisme…  

  • Analyse : Odile Baudrier
  • Photo : FFA