Deux procès concernant des affaires de dopage ont récemment eu lieu : la cycliste Marion Sicot a reçu une peine de 10 mois de prison avec sursis, et le demi-fondeur Hamza Belmer une peine de 1 an avec sursis. Un rappel que le dopage relève aussi de la justice même si peu d’affaires aboutissent en réalité devant les Tribunaux. Après le non lieu prononcé suite à l’enquête sur Clémence Calvin et Samir Dahmani, il reste probablement quelques surprises à attendre autour du cas d’Ophélie Serra-Boxberger.
Peu d’athlètes suspendus pour des faits de dopage se sont retrouvés mis en cause par la justice et contraints à se présenter devant un Tribunal. L’utilisation de produits dopants pour améliorer la performance ne relève en aucun cas d’une infraction pénale. C’est à travers la qualification d’acquisition et détention, voire de trafic de produits interdits, que dans le passé quelques athlètes ont fait l’objet de décisions judiciaires, comme le marcheur Bertrand Moulinet (6 mois avec sursis en 2017), les demi-fondeuses Julie Coulaud (4 mois avec sursis et 800 euros d’amende en 2009) et Laila Traby (un an avec sursis et 3000 euros d’amende en 2022), le coureur Mounir Acherki (4 mois avec sursis en 2015).
Deux affaires récentes rappellent à tous, et surtout aux sportifs coupables de dérives dopantes, que ce n’est pas seulement à la justice sportive qu’ils doivent rendre des comptes, mais également à la justice tout court. Certes, compte tenu de l’encombrement de la justice, les délais d’instruction sont tellement longs que le passage devant les tribunaux s’est fait alors même que les suspensions étaient déjà achevées, pour Marion Sicot, (en 2023), ou sur le point de l’être, comme pour Hamza Belmer (fin en juillet 2026).
Mais ces deux procès ont permis de découvrir l’ampleur des mensonges proférés par la cycliste, comme par le demi-fondeur, lorsque leur contrôle positif avait été révélé.
Marion Sicot, un seul contrôle, plusieurs cures de produits
Pour Marion Sicot, l’affaire a eu une portée médiatique très forte, lorsqu’en mars 2020, elle accepte de révéler son usage de l’EPO sur France TV alors qu’elle a clamé son innocence pendant plusieurs mois. Elle y explique longuement avoir eu recours une seule fois à l’EPO en juin 2019, car acculée sur le plan physique, mental et financier par sa difficulté à se maintenir au sein de son équipe professionnelle, avec en corollaire l’accusation d’abus sexuels de la part de son directeur sportif, Marc Bracke. Celui-ci, suspendu par l’UCI en 2021, et finalement disculpé par le Procureur de la République de Montargis, avec classement sans suite de la plainte à l’été 2022, s’est suicidé quelques mois plus tard à l’automne 2022.
Un contexte pour le moins complexe, à considérer que Marion Sicot a finalement été contrainte d’admettre devant le tribunal de Montargis en novembre dernier qu’elle avait en réalité utilisé à plusieurs reprises de l’EPO et du Clenbutérol, entre 2016 et 2019. En effet, les éléments révélés par l’enquête ne lui fournissaient pas d’échappatoire, mettant également en cause son fournisseur, un ami, qu’elle payait en cash ou en faveurs sexuelles, ainsi qu’un médecin, accusé d’avoir délivré de fausses ordonnances, et qui a constamment clamé son innocence.
Le Tribunal tranchait finalement pour une peine de 10 mois avec sursis, et 5000 euros d’amende, également 10 mois avec sursis et 10.000 euros d’amende pour son pourvoyeur, et 10 mois avec sursis, une amende de 20.000 euros, et 6 mois d’interdiction d’exercer sa profession de médecin.
Hamza Belmer, un contrôle positif, mais plusieurs cures
Pour le demi-fondeur Hamza Belmer, le mensonge avait été également au rendez-vous en 2023 lorsque SPE15 annonce son contrôle positif à l’EPO . Il se justifie alors, soutenu par son club, le Nantes MA, évoquant lui aussi un errement isolé, suite à un gros coup de fatigue qui l’aurait incité à accepté d’un autre athlète, en Espagne, un médicament pour récupérer.
Mais là encore, l’enquête va écrire un tout autre scénario, qui révèle plutôt une méthode bien peaufinée. Car c’est grâce à un ami qu’il obtient auprès d’un médecin de Créteil, connu pour être laxiste sur ses délivrances d’ordonnances, une prescription d’EPO, soi-disant destinée à une tante malade au Maroc.
Hamza Belmer utilise alors cette ordonnance dans une pharmacie de Nantes, à deux reprises pour se procurer le produit, qui va immédiatement booster ses performances pour le propulser vers un record à 1’44’’80 à la mi-juin 2022, synonyme de qualification pour le Mondial pour le Maroc.
Et c’est ainsi que dans la foulée du jeune Marocain de Nantes, se voient mis en cause par la justice, le médecin prescripteur et les deux pharmaciens de Nantes. Avec un vrai choc pour ces professions, comme en témoigne l’article paru dans la revue, le Quotidien du Pharmacien. Les deux pharmaciens, évoluant dans un quartier difficile de Nantes, ont écopé d’une amende de 3000 euros pour délivrance irrégulière de médicament, le médecin de 3000 euros, mais surtout de 18 mois d’interdiction d’exercer.
Une affaire encore en cours pour Ophélie Serra-Boxberger
Le message ainsi diffusé par les deux tribunaux, de Montargis et Nantes, aura-t-il une quelconque portée auprès des intermédiaires susceptibles d’épauler des sportifs dans leur démarche dopante ? Rien n’est moins sûr. Mais ces deux procès démontrent que le mensonge demeure l’arme suprême d’un dopé, capable de modifier la réalité à son avantage pour apitoyer sur son sort.
Deux affaires importantes de l’athlétisme ont fait l’objet d’enquêtes, à l’initiative du pôle de santé publique de Marseille ou de Paris. Pour Clémence Calvin et Samir Dahmani, mis en cause pour acquisition, détention de substances dopantes, dès 2019, placés en garde à vue en août 2023, selon les informations de l’Equipe, la conclusion serait finalement tombée, celle d’un non lieu, faute d’éléments suffisants à charge, pour qualifier les accusations.
Les donnes pourraient être différentes pour Ophélie Serra Boxberger. L’enquête menée par l’OCLAEPS a également débuté dès la découverte de son contrôle positif en novembre 2019, et il semblerait qu’elle soit maintenant sur le point d’aboutir avec une mise en cause sur un motif à clarifier, probablement l’acquisition de produits dopants.
Là encore, beaucoup de mensonges ont entouré cette affaire, et certains pourraient exploser au grand jour, en particulier celui de l’implication d’Alain Flaccus, son ex beau-père, qu’elle avait accusé de lui avoir injecté de l’EPO à la faveur d’un massage, afin de lui nuire.
Analyse : Odile Baudrier
Photos : D.R.