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Une politique de santé contre le dopage sur le Festival des Templiers

Le Festival des Templiers collaborera à nouveau cette année avec Athletes for Transparency, avec la volonté de soutenir cette politique de santé qui vise avant tout à protéger la santé des trailers. En effet, le sport en général, et le trail en particulier, sont confrontés à deux problèmes majeurs, le doping et le « legal doping ». Le dopage correspond évidemment à l’utilisation de substances ou méthodes interdites par les règles anti-dopage. Mais il est notable que certaines substances qui améliorent la performance ne sont pas interdites. Elles modifient pourtant les résultats, et elles font aussi peser un risque lourd sur la santé des sportifs. Pour l’édition 2024 du Grand Trail des Templiers, il sera donc mis en place des contrôles santé sur les élites, avec à la clef, la possibilité d’appliquer des pénalités ou disqualifications en cas d’irrégularités. Pierre Sallet, référent anti-dopage, à l’initiative de ce projet, explicite la démarche.

Le Grand Trail des Templiers a souhaité à nouveau s’associer avec la politique de santé d’Athletes for Transparency qui vise à inciter les gens à ne pas utiliser des substances dopantes ou qui ne seraient toujours pas classées comme dopantes mais qui seraient, quoi qu’il en soit, néfastes pour leur santé. Peux-tu clarifier l’objectif de ce travail ?

L’objectif de la politique de santé est assez simple : il est de protéger réellement les athlètes propres et bien sûr la santé des coureurs. Parce que les athlètes propres sont confrontés à deux problèmes. Le premier problème, c’est un problème que tout le monde connaît, c’est le doping, la prise de médicaments qui sont sur une liste des interdictions qui est éditée annuellement par l’AMA. Mais le problème le plus massif n’est pas le dopage mais ce qu’on nomme le legal doping, donc le dopage légal. La liste de l’AMA est incomplète, il y a beaucoup de substances ou de méthodes qui devraient être sur cette liste mais qui n’y sont pas.

Peux-tu citer un exemple ?

Le tramadol est rentré sur la liste cette année, en 2024, alors que ça fait plus de 20 ans que les spécialistes antidopage demandent qu’il soit ajouté. Il y a plus de 40 substances ou méthodes de ce type, qui devraient être sur la liste de l’AMA et n’y sont pas. Ça pose un vrai problème parce que c’est un moyen d’améliorer sa performance de manière complètement légale.

Quelle est la vraie utilisation du doping légal dans le sport ?

Quand on parle de dopage, il y a plusieurs types de chiffres. Les contrôles positifs des agences antidopage représentent entre 0,5 et 3% selon les années. Dans la littérature scientifique, il y a des publications sur des sondages faits auprès de sportifs élite ou professionnels, et de manière déclarative, jusqu’à 40% d’athlètes déclarent utiliser des substances ou des méthodes dopantes. Dans d’autres articles publiés, les conclusions des études donnent 20% de profils anormaux. En synthèse de tous ces chiffres, il peut être estimé que le dopage représente jusqu’à 10% des athlètes de haut niveau. Donc sur une population de 100 athlètes de haut niveau,10 vont être dopés. Par contre, le légal doping représente 80% des athlètes.

D’d’où vient ce chiffre ?

De plusieurs études. Plusieurs, extrêmement intéressantes, ont été réalisées en football durant les Coupes du Monde sur la prise de médicaments. Elles se sont arrêtées en 2014 mais sur plusieurs éditions, il ressort le chiffre de 8 footballeurs sur 11 qui rentrent sur un terrain et qui ont pris des médicaments, incluant 3 qui ont pris des médicaments sous forme injectée. Ce sont des antidouleurs, des stimulants. C’est un premier élément qui permet de parler de 80% de légal doping.

As-tu également constaté par toi-même des éléments intéressants ?

Il y a toutes les analyses faites par nous depuis 15 ans, certaines n’ont pas été publiées, d’autres l’ont été sur le Trail running, basées sur les échantillons d’arrivée des plus grosses courses mondiales dans le cadre du programme Quartz. Il apparaît entre 50 et 80% des échantillons qui contiennent notamment des AINS (Anti Inflammatoires Non Stéroidiens) qui sont des antidouleurs. Donc en fait sur une population de 100, on a 10% d’athlètes dopés, 80% d’athlètes qui sont dans le légal doping et 10% qui sont réellement propres. Et nous ce sont ces 10% que nous voulons protéger. Parce qu’ils sont noyés dans le flot des gens qui ne veulent pas voir la politique de santé se développer puisqu’ils sont complices de ce qui se passe.

Quand on parle de 80% est-ce qu’on peut considérer que ce pourcentage s’applique également dans le trail ?

Oui bien évidemment. Il est vrai que c’est un phénomène qui est vraiment massif dans le sport professionnel, football, tennis, cyclisme, mais effectivement dans le trail running, nous le constatons dans tous les échantillons prélevés depuis 15 ans. C’est également vrai chez des coureurs amateurs. Avec par exemple, un médicament type ibuprofène, qui paraît inoffensif car délivré sans ordonnance. Mais il n’est pas si inoffensif pour la santé. Et puis il est aussi efficace pour aider à finir la course. Pour les athlètes élites, on le prend parce que ça aide à performer.

As-tu déjà observé les conséquences des prises d’anti-inflammatoires sur les sportifs et trailers ?

J’ai participé à une émission TV en Suisse sur la prise des anti-inflammatoires et les risques liés à la prise des AINS, avec des témoignages de gens qui ont fini en dialyse, avec des pertes de reins notamment un footballeur très connu en Allemagne. Malheureusement il n’y a pas d’études précises, mais si on faisait le lien entre les gens qui finissent hospitalisés à la suite d’un trail running voire dialysés, on aurait de très grandes surprises. Bien évidemment, ces médicaments sont nocifs, surtout si on multiplie les dosages ou les cocktails. Par exemple, nous avons pu analyser chez de nombreux top coureurs et de multiples fois des cocktails jusqu’à 3 AINS, et différents mélanges à d’autres substances. Nous avons pu aussi constater plusieurs fois aussi des cas d’élite, qui ne nous déclarent aucun médicament à l’arrivée, qui font des malaises pendant plus de trois heures, et finissent hospitalisés. Et aux analyses toxicologiques, il apparaît encore une multiple prise AINS.

Pourquoi les AINS ne sont-ils pas sur la liste des produits interdits ?

La liste évolue en permanence. Ce n’est pas parce que c’est un médicament acheté librement, qu’il n’a pas d’effet sur la performance, et ce n’est pas parce qu’il n’est pas sur la liste des interdictions qu’il n’a pas d’effet. Le tramadol est un très bon exemple, c’est un non-sens complet depuis 20 ans. Pourquoi le tramadol n’était-il pas sur la liste ? Parce qu’il y a des problématiques qui sont d’ordre politique. Mais un sportif qui est malade, il doit prendre des médicaments pour soigner, et donc ne pas participer à une compétition. S’il arrive avec une pathologie, une tendinite, n’importe quel médecin raisonnable va lui prescrit des médicaments, et aussi du repos. Il ne peut évidemment par accepter que le patient aille courir un trail de 80 km le lendemain ! Cette logique est complètement perdue, car on est dans une médecine de performance chez certains médecins ou certains athlètes de manière autonome avec l’automédication.

Comment se déploie la politique de santé sur une épreuve comme le Festival des Templiers ?

La politique de santé concerne tous les niveaux sportifs mais elle va être plus spécifiquement déployée sur les trailers d’élite. Avec justement l’objectif de détecter d’éventuelles utilisations de produits soit interdits, soit relevant du legal doping. Et à ce moment-là, donner conseil aux personnes concernées de ne pas prendre le départ parce qu’il y a un risque pour leur santé. Sur le plan juridique, les règles sont simples : la politique de santé est intégrée dans le règlement de la course. Exactement comme le fait de ne pas couper un parcours ou la contrainte du matériel obligatoire. On part du principe que le règlement vise à assurer une équité entre les coureurs et à protéger leur santé. La logique est la même pour interdire la prise de certains médicaments. Avec en corollaire, la mise en place de contrôles santé, avec des prélèvements effectués avant et après la course. Ils seront bien entendu ciblés sur les élites, puisqu’en-dehors de la notion de santé, l’utilisation de ces médicaments fausse complètement le classement. L’idée est d’avoir une course clean sur les élites et de pouvoir dire que le vainqueur l’a fait sans médicaments et sans triche. C’est une question d’éthique !