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Fall et Golitin s’attaquent à l’AFLD

Leurs suspensions pour des problèmes sur leurs localisation ont ulcéré Amaury Golitin et Mouhamadou Fall, qui s’estiment injustement sanctionnés. Les deux sprinters se sont lancés, via leurs réseaux sociaux, dans une campagne de harcèlement contre Damien Ressiot, de l’AFLD, en véhiculant l’idée d’un complot orchestré pour leur nuire. Mais les faits donnent une toute autre vision de cette histoire.

« Ah les poooorcs. July 2026 Bon bah… Full retour au business.» C’est par cette formulation peu élégante que Mouhamadou Fall a annoncé sa suspension de 18 mois suite aux manquements de localisation constatés en 2022. Le sprinter, multi- champion de France du 100 mètres, a pris de plein fouet cette sanction prononcée après plusieurs rebondissements juridiques. Il avait été relaxé dans un premier temps par la Commission des Sanctions de l’AFLD, mais le Conseil d’Etat a annulé cette mesure de clémence, pour contraindre à une vraie sanction.

Un imbroglio juridique qui ne peut que rendre encore plus complexe cette procédure lancée pour des défauts de localisation, qui est en elle-même propice à des polémiques sans fin autour de l’interprétation de ces défauts. Volontaires ou liés à des négligences ?? Le débat n’en finit jamais dans toutes les affaires de ce type. L’exemple de Mehdi Frère l’a encore confirmé cet été, avec un nombre important de fans qui s’insurgent sur la prétendue sévérité des instances anti-dopage, peu enclines à adhérer aux explications fantaisistes fournies pour leur défense par les athlètes.

Compte tenu des règles compliquées imposées par le système, il n’est pas très difficile de trouver matière à interprétation favorable à l’athlète. Même s’il est aussi évident que trop d’inexactitudes dans les localisations ne permettent pas aux agences anti-dopage d’organiser dans de bonnes conditions des contrôles. Par exemple, pour Mouhamadou Fall, en juin 2022, le changement à 1h30 du matin de son adresse pour le même jour interdit évidemment l’organisation d’un contrôle anti-dopage quelques heures plus tard, faute de pouvoir diligenter un préleveur. C’est ainsi en réalité une manière d’empêcher un contrôle.

Un témoignage finalement pas utilisé dans la procédure

Mais Mouhamadou Fall, comme Amaury Golitin, se placent dans une optique de complot à leur égard, qui aurait conduit l’AFLD à des suspensions abusives. D’où cette vendetta menée à l’égard de Damien Ressiot, alors directeur du département des enquêtes à l’AFLD, avec la publication au grand jour via leurs comptes Instagram d’enregistrement d’une conversation entre Damien Ressiot et une « ex-proche » d’Amaury Golitin. Et pour le duo, les phrases dévoilées ainsi démontrent une collusion entre Damien Ressiot et cette personne. Les plus initiés ont compris qu’il s’agit de l’amante de l’époque d’Amaury Golitin.

Selon nos informations, celle-ci avait effectivement témoigné auprès de l’AFLD de mensonges dans les justifications d’Amaury Golitin pour son absence lors du contrôle effectué en juin 2022. C’est cette conversation que les deux athlètes diffusent de manière tronquée sur leur IG. Avec également la voix de Damien Ressiot qui confirme à la jeune femme que son témoignage n’apparaîtra pas dans la procédure. Pourquoi une telle attitude de la part du représentant de l’Afld qui peut surprendre car validant l’idée d’un complot mené contre Golitin ? Tout simplement pour la protéger, en raison de sa crainte de représailles de son ex-compagnon.

Des sanctions prononcées sur la base de preuves tangibles

Toutefois l’essentiel n’est pas là. Certes la conversation a eu lieu, des échanges de mail ont eu lieu. Mais la réalité est que ce témoignage n’est jamais apparu dans la procédure anti-dopage menée par l’AFLD à l’encontre d’Amaury Golitin.

Car comme le rappelle Jérémy Roubin, le directeur général de l’AFLD, le sprinter a en fait été suspendu sur la base de preuves matérielles, avec des pièces documentées dans un dossier constitué par le Département des Enquêtes, essentiellement un reçu Uber, dont les dates avaient été falsifiées par Golitin, pour soutenir ses fausses déclarations.

Le patron de l’AFLD admet sans détour que les publications de Mouhamadou Fall et d’Amaury Golitin sur leurs Réseaux Sociaux ont bien été observées par le personnel de l’Agence. Et sa réaction est parfaitement claire : « Il faut souligner que ces deux athlètes sont tous les deux suspendus non pas pour une violation des règles anti-dopage, mais pour DEUX violations. Mais ils préfèrent ne mettre en avant que leurs manquements aux règles de localisation. En invoquant qu’il s’agit en fait de simples problèmes administratifs, peu importants. Mais ce n’est pas la réalité. »

Effectivement ! Mouhamadou Fall est doublement sanctionné, pour ses manquements, avec 18 mois de suspension, mais également pour un contrôle positif à l’heptaminol en juin 2023, puni par 9 mois de suspension, et cela amène à une sanction jusqu’en septembre 2026. Amaury Golitin a été mis en cause pour ses manquements aux règles de localisation mais aussi pour la falsification de documents, d’où sa sanction de 4 ans. Et Jérémy Roubin de rappeler aussi qu’Amaury Golitin a d’ailleurs accepté officiellement sa sanction, avec en contrepartie une remise d’un an de suspension (4 ans au lieu des 5 ans encourus).

Les personnes collaborant avec la lutte antidopage ne doivent pas être menacées

Autre élément très important dans cette affaire qui retient l’attention à l’Afld : la possibilité d’un dérapage à l’encontre de la jeune femme qui a ainsi témoigné en décembre 2022. Or une nouvelle violation des règles antidopage existe depuis le printemps 2023 : celle qui sanctionne un sportif mis en cause pour des faits d’intimidation, de menaces, de représailles sur une personne qui a informé les autorités antidopage, ou témoigné. Elle vise à protéger les personnes qui acceptent de collaborer avec la lutte anti-dopage. Une violation qui peut être instruite par les agences anti-dopage et conduire à une suspension….

En résumé, une situation explosive qui pourrait être encore plus néfaste à Fall, comme à Golitin. Pourquoi prendre autant de risques ? Evidemment par méconnaissance des conséquences possibles. Mais surtout par esprit de revanche face à des sanctions aux impacts énormes sur les ressources financières des deux sprinters. Le contrat Nike à 180.000 euros de Fall s’évanouit, celui à 100.000 euros pour Golitin. Ce sont des jolis chiffres qui se voient torpillés après ces décisions de suspension…

Texte : Odile BAUDRIER