La déception de Mehdi Frère a été grande face au refus du Tribunal Arbitral du Sport de lever sa suspension de deux ans décidée par le Tribunal de l’Athletics Integrity Unit. Pouvait-il en être autrement ? En aucun cas tant les éléments présentés à charge étaient importants. Et aussi parce que le TAS a toujours donné raison à l’AIU dans tous les appels, excepté dans le cas de Tobi Amusan.
C’est une procédure lourde qui a été menée au pas de charge compte tenu de l’urgence olympique. Mais toutes les instances chargées de statuer sur le cas de Mehdi Frère sont arrivées à la même conclusion : une suspension de deux ans s’impose, en accord avec les règles du code mondial anti-dopage.
L’AIU propose deux ans, Mehdi Frère refuse
Ce fut d’abord le cas pour l’AIU qui proposait le 13 juin au marathonien, suspendu provisoirement depuis le 4 juin, d’accepter cette sanction. Ceci après un examen minutieux des éléments matériels qui démontraient les trois manquements aux règles de localisation commises par Mehdi Frère entre le 23 février 2023 et le 22 février 2024. Et d’une audience préliminaire pour prendre en compte les arguments de défense présentés par l’athlète et son avocat.
Le tribunal disciplinaire confirme 2 ans, Mehdi Frère fait appel au TAS
Ce fut ensuite la même conclusion pour le Tribunal Disciplinaire de l’AIU après le refus de Mehdi Frère le 14 juin d’accepter la sanction proposée, avec l’espoir de réussir à convaincre ce Tribunal de sa bonne foi. Mais sans succès et avec une décision prise à l’unanimité des trois membres au terme d’une audience tenue le 4 juillet. Et après un vrai travail d’analyse du dossier, ainsi que l’audition des témoins présentés par la défense de Mehdi Frère : son ami, Faustin Guigon, et son manager, Julien Di Maria. Le jugement de 49 pages en témoigne.
Et ce fut finalement le TAS qui reprit à son compte ces conclusions pour confirmer le 2 août la suspension de deux ans.
Le tribunal estime que Mehdi Frère tentait de se rendre indisponible
Pouvait-il en être autrement ? En aucun cas, tant la décision de l’AIU (*) se révèle à charge contre Mehdi Frère. Avec en repère 196 à la page 47, cette phrase sans ambiguïté : « Le Tribunal est d’avis que son comportement laisse sérieusement soupçonner qu’il tentait de se rendre indisponible pour des contrôles. » Autre point également souligné : « les informations erronées et les mises à jour de dernière minute ont rendu des contrôles inopinés de l’athlète impossibles ou extrêmement difficiles à céduler et dans les jours qui précédaient une compétition à laquelle il participait ».
Déjà deux manquements en 2021 et 2022
Ceci évidemment en totale opposition à la défense de Mehdi Frère qui plaidait de simples négligences administratives et la difficulté à utiliser l’application Adams. Un argument balayé par le tribunal avec cette réponse « Pourquoi ne pas avoir suivi l’un des 20 webinaires organisés par l’AFLD depuis deux ans pour apprendre à mieux s’en servir ?? » D’autant plus que le document révèle que deux manquements avaient déjà été notifiés à Mehdi Frère en 2021 et 2022 !
Strava, ce n’est pas égal à Adams !
Quant à la bonne foi de Mehdi Frère qui avançait que tous ses déplacements et entraînements étaient inscrits dans l’application Strava, et qu’on aurait pu facilement le retrouver en s’y référant, ce fut un refus très ferme du Tribunal avec cette réponse lapidaire « Un athlète ciblé comme M. Frère ne peut remplacer ses obligations de localisation dans Adams par les informations qu’il consigne dans un réseau social. »
Les soi-disant vices de procédure sont tous réfutés
Au-delà des éléments factuels de défense, pour justifier les retards dans les changements de localisation, les deux avocats, Maître Fellous et Maître Chiron, présentèrent des points juridiques très offensifs, visant à remettre en cause la légalité même de la procédure, en invoquant par exemple l’incompétence juridique du directeur du département des affaires juridiques, une violation de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, allant jusqu’à estimer que la période de 12 mois n’est pas définie de manière suffisamment précise…
Mais même si Thierry Chiron peut se targuer de deux récentes victoires pour ses clients, le cycliste Gauthier Navarro et l’escrimeuse Ysora Thibus, (**) relaxés d’accusation de dopage, cette affaire se soldait par un échec complet du duo d’avocats face à un cas particulièrement limpide pour les instances antidopage.
Les dossiers de l’AIU sont parfaitement étayés
Et ceci jusqu’au TAS qui a respecté cette ligne de conduite. Sans surprise en réalité car les décisions prises par l’AIU sont tellement bien étayées qu’il n’est guère possible de les annuler. Les services juridiques de l’AIU peaufinent leurs dossiers, et n’attaquent une procédure que s’ils sont convaincus qu’une suspension sera au bout. Pas de temps et pas d’argent à perdre !!
Le TAS rejette les appels contre l’AIU
La liste des appels déposés par des athlètes auprès du TAS le confirme : contrairement à d’autres décisions prises dans d’autres sports (par exemple au tennis pour Simone Halep), l’AIU est toujours suivie. Y compris pour les affaires de manquements aux règles de localisation comme pour Christian Coleman ou Salwa Aid Nasser.
Une seule dérogation : l’affaire de Tobi Amusan. La Nigérienne avait été mise en cause pour des manquements mais le Tribunal Disciplinaire lui avait donné raison. L’AIU a tout de même porté l’appel au TAS mais était déboutée. La décision était connue fin juin et la hurdleuse recordwoman du monde se voyait autorisée à disputer les JO de Paris 2024.
Une exception qui confirme la règle à laquelle Mehdi Frère n’a pas échappée.
Analyse : Odile Baudrier
(*) la décision détaillée du TAS n‘est pas encore publiée. L’athlète peut aussi s’opposer à sa publication
(**) Ysora Thibus avait été relaxée par le tribunal anti-dopage de la Fédération Internationale d’Escrime après un contrôle positif à l’ostarine. Mais fin juillet, l’agence Mondiale anti-dopage a annoncé qu’elle portait appel de cette relaxe devant le TAS.