Chaque semaine ou presque, la suspension pour dopage d’un athlète du Kenya est annoncée. Dans cette litanie, un nom a particulièrement attiré l’attention : celui de Rodgers Kwemoi. Car suspendu avec annulation rétroactive de ses performances sur 6 ans ! Et parce qu’il est le 3eme partenaire d’entraînement de Eliud Kipchoge à être sanctionné pour des faits de dopage…
L’anti dopage au Kenya, une réussite ?
Les chiffres bruts donnent le tournis : près de 100 athlètes du Kenya actuellement suspendus pour dopage. Et chaque semaine ou presque, la liste s’allonge. La lutte féroce entamée par l’AIU semble porter ses fruits. Avec depuis le début 2024, encore une vingtaine de suspensions.
Mais plusieurs éléments envoient des signaux un peu plus pessimistes. Le rythme de sanctions ne semble pas diminuer et l’idée d’un avertissement lancé aux tricheurs apparaît clairement comme une idiotie. Les Kenyans et Kényanes n’hésitent pas non plus à se présenter sur des compétitions internationales après une petite cure bien placée comme Josphat Kemei deuxième au semi de Guanzhou au printemps 2023 et contrôlée positif ce jour là à la testostérone.
Autre élément inquiétant, à noter plusieurs cas de récidive avec des athlètes à nouveau positifs lors de leurs retours après une suspension. Comme Josephine Chepkoech contrôlée positive à la testostérone après sa victoire au marathon de Séville en février 2024 alors qu’elle avait déjà été suspendue deux ans entre 2015 et 2017 !
Pourtant l’Agence Antidopage du Kenya pratique une politique très active d’information aux athlètes, avec des réunions fréquentes des les catégories juniors. Et Brett Clothier, le patron de l’AIU, se déplace souvent au Kenya pour confirmer l’engagement contre le dopage.
Autant d’éléments qui confirment que le dopage au Kenya sert tellement d’intérêts qu’il ne peut plus se régler par de simples suspensions sportives !
Rodgers Kemboi, 6 ans de dopage à son actif !
Certes dans cette liste, le nom de Rodgers Kemboi ne peut rivaliser avec celui de Rita Jeptoo, championne olympique du marathon et positive à l’EPO ou de Asbel Kiprop, champion olympique du 1500 m
Mais son cas dévoile une utilisation longue sur plusieurs années d’EPO ou autre manipulation sanguine. Pourtant le spécialiste du 5000 m n’a que 26 ans ! Sa suspension balaie ainsi 6 ans de performances, incluant sa 7eme place aux JO de Tokyo 2021, sa 4eme place au Mondial 2019, et il perd même son titre de champion du monde junior conquis en 2016 ! L’annulation de ses résultats débute la veille de cette finale mondiale juniors.
Son passeport biologique l’a trahi et démontre aussi le déploiement de protocoles exigeant de vraies compétences dans le dopage puisqu’il a échappé à tellement de contrôles tout au long de sa carrière.
Eliud Kipchoge, protecteur de Kwemoi
Dans un tel contexte, sa proximité avec Eliud Kipchoge est apparue comme un élément phare de sa suspension.
Rodgers Kwemoi s’entraîne depuis plusieurs années aux côtés du maître du Marathon, sous la houlette de Patrick Sang, le coach de Kipchoge et de tout son groupe d’entraînement.
Et Rodgers Kwemoi s’affirme comme le 3eme coureur de ce groupe à être mis en cause pour dopage. Le premier, en 2019, Cyrus Rutto, avait déjà été sanctionné pour un problème de passeport biologique. Le second, en 2022, Philemon Kacher Lokedi, avait été, lui, positif à la testostérone.
Trois cas pour un coach, cela pose question ! Mais Patrick Sang se refuse à de telles interrogations pour affirmer à tout va n’être aucunement responsable des faits et gestes de ses protégés. Pour lui, sa responsabilité est nulle. Tout comme celle d’Eliud Kipchoge.
Et il est vrai que l’annonce de ce nouveau cas à proximité du double champion olympique n’a guère suscité de réactions au moment même où une très jolie histoire s’écrivait pour ce marathon olympique de Paris : la présence dans le peloton de Kenenisa Berkele aux côtés d’Eliud Kipchoge.
Deux « monstres » sacrés qui étaient déjà ensemble pour les Jeux de 2004, dans la finale du 5000 mètres. L’Ethiopien avait été médaillé d’or et le Kenyan médaillé de bronze. Alors revoir les deux hommes s’affronter 21 ans plus tard pèse bien plus lourd que trois cas de dopage dans l’entourage de l’ancien recordman du monde !
Analyse : Odile Baudrier