Le monde du trail tremble à nouveau avec l’annonce du contrôle positif de Stian Angermund, qui compte parmi les leaders mondiaux de la discipline, avec deux titres de champion du monde de trail court. C’est de la chlorthalidone, un diurétique reconnu comme produit masquant qui a été découvert dans l’échantillon prélevé à son arrivée victorieuse à l’OCC en août dernier. Le Norvégien clame son innocence.
C’est le 20 octobre juste au retour de la maternité où venait de naître son troisième enfant que Stian Angermund a appris la nouvelle de son contrôle positif. Par un mail adressé par l’Agence Française de Lutte Anti-Dopage, puisque l’échantillon a été prélevé fin août à l’arrivée de l’OCC, l’une des épreuves de l’UTMB Mont Blanc.
Le retour des contrôles anti-dopage sur les épreuves majeures de trail que sont l’UTMB et le Festival des Templiers avait été salué par la Communauté du trail, après une période où l’AFLD n’avait plus diligenté de contrôles, et alors même que plusieurs cas de dopage étaient apparus dans cette discipline, en particulier lors de Sierre Zinal 2022, aboutissant à la disqualification des deux vainqueurs, le Kenyan Mark Kangogo et de la Kenyane Esther Chesang.
Mais l’annonce du contrôle du Norvégien est d’une toute autre teneur, au vu de son palmarès bien fourni. Deux titres de champion du monde de trail court, à l’automne 2022, et à nouveau en juin 2023. Un titre de champion du monde de Sky Marathon et un autre de kilomètre Vertical en 2016. Plus des victoires dans des épreuves majeures de trail, Zegama Aiskorri, la Golden Trail World Series en 2018 et 2021, ou encore en août dernier, où il atomise la concurrence pour remporter l’OCC (55 km).
Après plusieurs mois de silence, où étonnamment, la nouvelle n’avait nullement filtré, Stian Angermund a pris la décision d’organiser en son domicile à Bergen, une rencontre avec le média norvégien NRK, pour dévoiler cette information, et fournir sa version face à cette accusation de dopage.
Car Stian Angermund n’a qu’un seul credo : il est innocent et complètement opposé au dopage. Et il soutient qu’il n’a absorbé aucun produit interdit, aucun médicament, aucun complément alimentaire.
L’avocat américain Paul Greene assure sa défense
Dès le lendemain de la réception de ce mail de l’AFLD, Stian Angermund n’a pas perdu de temps pour contacter l’avocat américain Paul Greene, spécialiste du dopage, et réputé pour sa capacité à faire innocenter ses clients. Comme il l’a fait il y a quelques mois avec l’Australien Peter Bol, mis en cause pour un contrôle positif à l’EPO, avant que les analyses soient contestées et que l’affaire soit classée sans suite. Ce sera la première fois que Paul Greene intervient sur une procédure lancée par l’Agence Française Anti Dopage.
La première stratégie a été de demander l’analyse de l’échantillon B prélevé à Chamonix. Toutefois la réponse a été sans ambiguïté, comme l’admet Stian Angermund : un échantillon A avec 41 nanogrammes et un échantillon B avec 31 nanogrammes.
Le produit découvert n’est pas directement un dopant. La Chlorthalidone est un diurétique que les sportifs dopés utilisent pour augmenter la dilution de leur urine, et diminuer ainsi le risque d’y découvrir les substances illicites utilisées. Comme le confirme Pierre Sallet, spécialiste anti-dopage : « Elle masque toutes les substances en facilitant leur élimination, et pas seulement les stéroïdes. » Et il complète aussi : « la Chlorthalidone est présente de façon « cachée volontaire » dans de nombreux compléments alimentaires absorbés pour perdre du poids.
Même si Stian Angermund soutient justement qu’il n’absorbait aucun complément, son avocat Paul Greene l’a incité à expédier pour analyse des échantillons de la nutrition sportive qu’il utilise, et des échantillons de médicaments et compléments alimentaires utilisés par sa partenaire, qui n’affichent nullement, il l’admet, la présence de ce produit.
Le Norvégien et son avocat ont aussi déjà bâti deux autres scénarios. Le premier, celui d’une contamination à son insu par quelqu’un de son entourage, même si Stian Angermund reconnaît avoir totale confiance dans ses partenaires d’entraînement. Le deuxième, celui d’une erreur dans l’échantillon, et leur prochaine demande devrait être celle de la recherche d’ADN, pour s’assurer que l’urine est bien la sienne. Une piste étonnante qui ne semble pas avoir déjà utilisée dans d’autres affaires de dopage.
Il y a quelques mois, la chrotalidone avait été également découverte dans un échantillon de Mariane Beltrando, championne de BMX de 20 ans. La commission des sanctions de l’AFLD avait finalement exonéré la jeune sportive de toute sanction, au vu de son dossier, et en particulier d’une analyse capillaire, qui n’avait pas dévoilé la présence de produits interdits. L’AFLD a ensuite fait appel de cette décision, et la décision reviendra maintenant au Conseil d’Etat. A noter que la suspension provisoire n’est pas obligatoire pour ce produit : Mariane Beltrando n’avait ainsi pas fait l’objet d’une suspension provisoire, au contraire de Stian Angermund.
> Analyse : Odile Baudrier
- Photo : D.R.