L’annonce d’un contrôle positif de Sara Benfares a fait l’effet d’une bombe dans le milieu de l’athlétisme, tant cette nouvelle choque en touchant une très jeune athlète, de 22 ans seulement. Mais Sara Benfares traverse en réalité une vraie tragédie puisqu’elle souffre d’un cancer de os récemment décelé et en cours de traitement. Son dossier médical plaide en sa faveur, mais les instances anti-dopage allemandes l’ont tout de même suspendue provisoirement. Sa carrière était en réalité en parenthèse en raison des multiples fractures de fatigue qu’elle a subi depuis un an.
C’est une histoire très violente que Sara Benfarès traverse depuis quelques mois. Elle a débuté depuis plus d’une année par une succession de fractures de fatigue, 10 au total, m’explique son père, Samir. Et d’examens en rechutes, le diagnostic est tombé en août avec l’annonce d’un cancer des os. Le traitement est décidé en urgence, et c’est là que les choses vont s’embrouiller de manière plus que sinistre.
La chimiothérapie provoque chez Sara une forte baisse de son taux d’hématocrite, elle descend à 27, d’où la prescription d’EPO par le spécialiste allemand qui la suit. Et de la testostérone lui est aussi injectée pour renforcer les os touchés par la maladie.
Interrogé sur ce traitement par ces deux produits interdits, Pierre Sallet, spécialiste anti-dopage, explique : « avec un hématocrite à 27%, la prescription de ru-EPO est une indication. Concernant les tumeurs osseuses, et l’indication d’une prise de testostérone chez la femme, c’est beaucoup plus à nuancer, même si les T Therapy sont bien réelles chez les femmes. Comme l’atteste un article paru dans National Library of Medecine en juillet 22.3
En parallèle, Sara, qui est étudiante en médecine en Allemagne, a mis sa carrière sur pause. Depuis un an, les fractures de fatigue se sont succédées à un rythme rapide, avec des douleurs toutes les 3 à 4 semaines. Sa dernière véritable compétition remonte à décembre 2022 à la Corrida de Houilles, avec un record personnel en 31’46’’. Puis en 2023, seulement deux compétitions : les Interclubs sur 3000 m pour le CA Montreuil, son club présidé par son père, Samir, et début décembre, la course de l’Escalade en Suisse, où elle a terminé 6ème.
Malgré tout, Sara demeure soumise aux règles du groupe cible de la NADA, l’agence anti-dopage pour l’Allemagne, le pays qu’elle a choisi de représenter depuis juillet 2021, tournant le dos à la France où elle s’estimait insuffisamment soutenue.
Le 30 septembre, elle reçoit la visite d’un préleveur et l’échantillon se révèlera doublement positif, à l’EPO et à la testostérone. Sara débute alors des démarches auprès de la NADO, pour obtenir que son dossier médical soit pris en compte. Elle se rend à 3 reprises au siège à Bonn, et son médecin traitant l’accompagne pour expliquer le contexte.
Mais un imbroglio a été créé, avec l’absence de dossier AUT. Samir Benfares explique : « Le médecin m’a parlé d’EPO et de testostérone. J’ai expliqué que ma fille est athlète de haut niveau, qu’il faut suivre un protocole pour l’AUT. Il s’est opposé, nous n’avons pas de temps à perdre, il faut la traiter au plus vite. »
Et il est vrai que les règles fixées par l’Agence Mondiale Anti Dopage sont très strictes, et qu’il est prévu une procédure d’urgence d’AUT. Mais Samir Benfares, terriblement affecté par le contexte brutal de cette maladie sur sa fille, a donné priorité absolue au traitement médical.
Malgré tout, la NADA aurait pris la décision de placer Sara en suspension provisoire, et la révélation de cette affaire dans le « Saarbrucker Zeitung » a été relayée dans la presse allemande, compte tenu que Sara Benfares, avec un record à 15’20’’ sur 5000 mètres, comptait parmi les athlètes retenus pour l’Equipe de la Sarre, région de son club LC Rehlingen, pour les Jeux Olympiques de Paris.
- Analyse : Odile Baudrier
- Photo : D.R.