Un vendredi incroyable pour la lutte anti-dopage avec dans la même journée, l’annonce de la suspension pour dopage de trois athlètes ! Le scandale est énorme autour de Issamade Asinga : le sprinter du Surinam avait établi il y a deux semaines le record du monde du 100 mètres junior (9’’89). Au Kenya, où la lutte s’amplifie avec l’objectif de réaliser 5000 contrôles par an, deux athlètes de renom ont été épinglés : le jeune Rodgers Kwemoi, champion du monde junior du 10000 mètres en 2016, et la marathonienne Agnès Barsosio, bien connue en France. Elle succède sur cette liste des dopés à sa sœur Stella Barsosio et à son ex-mari Abraham Kiprotich.
La cadence s’accélère à l’Athletics Integrity Unit et sa « production » est énorme. Au mois de juin, 20 noms se sont ajoutés sur la liste des athlètes suspendus pour des faits de dopage. Et non des moindres. Deux gros talents ont explosé en pleine ascension : l’Ougandaise Janat Chemusto, auteur de 4’01’’79 sur 1500 m à la mi-mai (soit 13 secondes de mieux sur son record), a été rejointe ce vendredi par Issamade Asinga. Le sprinter du Surinam de 18 ans, qui s’entraîne à Montverde Academy en Floride, s’était distingué il y a deux semaines seulement en devenant le premier junior à passer sous les 10 secondes (9’’89). Les médias ont juste eu le temps de l’encenser avant qu’il ne se voie épinglé pour un contrôle positif au GW1516.
Côté Kenya, c’est l’artillerie lourde que l’AIU a déployé. Avec un objectif incroyable de 5000 contrôles l’année prochaine. C’est du jamais vu, au Kenya ou ailleurs ! Et cela confirme la certitude d’une utilisation massive du dopage dans les rangs des coureurs du Kenya, de tous les niveaux.
Rodgers Kwemoi, 2ème partenaire d’entraînement de Kipchoge à être épinglé
Illustration avec les deux noms divulgués ce vendredi 11 août : Rodgers Kwemoi et Agnès Barsosio. Le premier, 25 ans, avait été champion du monde junior du 10000 mètres en 2016, il vaut maintenant 26’55’’ et 1h08’53 sur semi. Un gros talent donc pour le Kenya, et aussi étroitement associé à Eliud Kipchoge. Il est son partenaire d’entraînement au camp de Kaptagat géré par Patrick Sang sous la houlette de Global Sports Communication. Après Philemon Kacheron (positif à la testostérone), il devient ainsi le deuxième compagnon d’entraînement du recordman du monde du marathon à être mis en cause pour dopage.
La marathonienne Agnès Barsosio a, elle, 41 ans. Sa longue et prolixe carrière a connu un sérieux coup d’éclat au printemps 2022. Elle crée alors une énorme surprise en s’imposant devant de jeunes marathoniennes de gros niveau pour remporter le marathon de Nairobi, épreuve la plus richement dotée d’Afrique, avec 60.000 dollars.
Mais cette victoire et ce chrono de 2h24’ à 40 ans sonnaient faux. Comme sa deuxième place au marathon de Paris en 2017 où elle explose son record pour tomber à 2h20’59’’, c’est alors 4 minutes de mieux ! Les observateurs les plus avertis ne s’y trompent pas car le vrai niveau d’Agnès Barsosio est bien connu en France : la Kenyane y beaucoup couru entre 2004 et 2010, accumulant les podiums d’abord sur des courses régionales, puis sur les grandes classiques, comme Paris Versailles, Marvejols Mende, Marseille Cassis, l’Humarathon…
Abraham Kiprotich, Stella Barsosio, Agnès Barsosio, le dopage en famille
Ces 2h20’ étonnent. Et les esprits chagrins ne peuvent s’empêcher de rappeler que son mari, Abraham Kiprotich, a été suspendu pour usage d’EPO en 2013. Il venait alors de représenter la France à deux reprises aux JO de Londres 2012 et au Mondial de Corée en 2013.
En début d’année 2023, c’est Stella Barsosio, la sœur d’Agnès, qui est suspendue deux ans, positive au Trimetazidine. Avec Agnès, voilà donc la 3ème personne de la même famille à se distinguer pour dopage… Et la confirmation de l’énorme duperie de ce trio, qui a squatté les podiums sur de nombreux marathons à travers le monde entier. Stella avait remporté des victoires majeures, surtout Rotterdam en 2021, Sydney en 2019, 2ème à Rotterdam en 2019, 2ème à Singapore en 2019 et 2018, et plusieurs marathons en Pologne et Croatie.
Agnès, elle, avait surtout brillé en Asie, victorieuse à Hangzhou en 2019, à Istanbul en 2016, 3ème à Séoul en 2016, à Chongqing en 2015. Mais sa carrière toute entière sera-t-elle revisitée ? Peut-être puisque comme Rodgers Kemboi, elle est mise en cause pour des irrégularités de son passeport biologique. Une procédure qui peut remonter très en arrière pour détecter des analyses anormales, et provoquer l’annulation de performances sur plusieurs années…
- Analyse : Odile Baudrier
- Photo : G.B.