Six athlètes du Kenya suspendus en 48 heures ! C’est le nouveau très triste record enregistré à la fin décembre 2022. Le sinistre décompte s’est emballé depuis le mois de septembre, pour confirmer l’énorme duperie qu’a représenté l’athlétisme kenyan. Le pays concurrence la Russie, avec 4 suspensions en 24 heures, et la perte d’une nouvelle médaille d’or des Jeux Olympiques de Londres. Sept médailles russes sur huit ont été annulées !
Dix ans plus tard, les Jeux Olympiques de Londres ont livré leur véritable verdict sur le dopage. Avec un record de 31 médailles annulées, et de 42 podiums revus. Pour conclure, ces JO ont été les plus « sales » de l’histoire de l’athlétisme, quand Sebastian Coe, leur patron de l’époque, les avait, au contraire, présentés comme les plus « propres »…
Le restesting des échantillons prélevés à Londres est maintenant achevé, les huit années autorisées et deux années de procédures ont été exploitées jusqu’aux derniers jours. Hasard des calendriers, ce bilan final des JO 2012 a été dévoilé au moment de l’annonce officielle de l’annulation de la médaille d’or de Natalya Antuykh sur le 400 mètres haies. C’est donc une nouvelle fois une athlète russe qui se fait sortir du podium londonien. Avec un sinistre décompte à la clef : sur les 8 médailles d’or obtenues par la Russie à Londres, 7 ont été gommées pour dopage. La seule médaille qui demeure sur les tablettes est celle de Anna Chicherova. Mais la sauteuse en hauteur avait, elle, perdu le bronze de Pékin pour dopage…
Les athlètes de Russie sont aussi passés au crible des analyses des données de la Base LIMS, avec encore d’autres suspensions très tardives. En ce début janvier, trois athlètes (Yelena Chirakova, Yevgeniya Koldoko, Yekatarina Strokova) voient leurs résultats annulés depuis 2012. Idem pour le lanceur de marteau Sergey Litvino, qui a avoué sur Facebook son utilisation de produits dopants dans la période 2011-2012. Il est bien le seul Russe à avoir fait de tels aveux…
La Russie, pays le plus testé des JO 2012
La confirmation que la Russie a fourni un niveau exceptionnel de fausses performances ! Mais il est vrai aussi que les retestings des échantillons de Londres ont été spécialement orientés sur ce pays. En toute logique puisque, comme l’a expliqué l’International Testing Agency qui a finalisé tous les nouveaux tests, la sélection des échantillons pour restest est basée sur une évaluation prenant en compte le risque de dopage dans certains sports ou pays, les informations provenant d’enquêtes, et l’intégrité biologique des échantillons.
Ce sont donc 2727 échantillons, issus de 121 pays différents, qui ont été repris, pour tenter d’y découvrir des produits interdits, en s’appuyant aussi sur de nouvelles méthodes n’existant pas en 2012, et capables de découvrir des produits non détectables en 2012, comme pour les stéroïdes anabolisants.
L’athlétisme a été le sport le plus contrôlé, avec 540 échantillons vérifiés, et à la clef, 28 cas positifs. La Russie a été le deuxième pays le plus vérifié, derrière les Etats-Unis, avec un total de 214 échantillons testés, contre 220 pour les Etats-Unis. Mais la totalité des 73 cas de violations des règles anti-dopage sont en totalité imputables à des pays de l’Europe de l’Est ou des pays de l’Ex-URSS, avec 21 cas concernant la Russie.
Et le Kenya ?
Au vu des éléments récents sur le dopage au Kenya, la question ne peut qu’être posée. Mais le Kenya, qui ne brille qu’en athlétisme, et donc pays « lilliputien » aux Jeux Olympiques, n’a eu que 18 des 56 échantillons disponibles, soumis au restesting. Soit un total de 35 tests, entre CIO et ITA. Aucune des médailles kenyanes des JO de Londres n’a ainsi été remise en cause.
Est-ce que cela signifie que l’athlétisme kenyan échappe à l’intense utilisation de produits dopants observée chez les marathoniens et semi-marathoniens ? C’est l’une des nombreuses théories distillées sur le dopage au Kenya. Et il est vrai que le business lucratif ne résulte bien que du marathon, avec ses grosses primes.
L’actualité récente a aussi confirmé que le marathon mondial ne peut exister sans les coureurs du Kenya. Démonstration avec les résultats des ultimes épreuves de l’année 2022 : à Valence, Kelvin Kiptum, débutant de 23 ans, s’est hissé à la victoire en 2h01’53, en bouclant le deuxième semi-marathon le plus rapide jamais couru, et on comptait 4 Kenyans dans le Top 9.
La victoire de Timothy Ronoh à Abu Dhabi a aussi fait les gros titres, avec cette prime de 47000 dollars raflée par celui qui n’était engagé que comme pacer avant de filer jusqu’à l’arrivée. Le marathon de Taipei a ainsi distribué 86.667 dollars à la vainqueuse éthiopienne Alemisehay Asefa, soit 26.667 dollars pour la victoire et 60.000 dollars pour le record (elle a couru en 2h25’).
L’économie du marathon mondial repose sur les Kenyans et Ethiopiens
Sans les Kenyans et les Ethiopiens, le fonds de commerce du marathon perdrait-il sa valeur ? Certainement pas pour les runners, toujours attirés par la distance, mais peut-être moins clair pour les partenaires.
Est-ce la perspective d’un « krach » du marathon qui a incité World Athletics à choisir de ne pas suspendre le Kenya en dépit des très nombreux cas de dopage ? La raison officielle est toute autre : la Fédération Internationale estime que le dopage au Kenya ne résulte que d’initiatives individuelles et ne relève pas d’une volonté étatique. Au contraire même, affirme le communiqué diffusé, qui rappelle que le Gouvernement Kenyan et la Fédération se sont toujours engagés en faveur de la lutte, avec ultime démonstration de force, l’attribution d’un fonds de 25 millions de dollars sur 5 ans, pour permettre plus de tests et d’investigations.
Mais le plus grand nom du marathon mondial Eliud Kipchoge est Kenyan et a déjà annoncé qu’il voulait marquer l’histoire en obtenant son troisième titre olympique aux Jeux Olympiques de Paris 2024. Dans une orchestration bien organisée, au printemps 2023, il s’attaquera aussi pour la première fois au marathon de Boston, et il s’est justifié par sa volonté de s’associer au souvenir des 10 ans de l’attentat à la bombe. La vénérable épreuve a également annoncé un plateau féminin exceptionnel avec 22 femmes sous les 2h24. La moitié sont kenyanes. The show must go on !
Analyse : Odile Baudrier
Photos : DR