C’est une situation très inédite que celle de Teddy Tamgho, qui vient de se voir notifier par l’AIU une suspension d’un an en raison de plusieurs violations des règles antidopage durant sa suspension des années 2014-2015. L’AIU a pu démontrer que le triple sauteur avait été présent sur plusieurs compétitions et stages officiels, ceci en infraction à sa suspension. Cette nouvelle sanction est vraiment pour la forme, puisqu’elle débute à la fin de sa suspension initiale, le 18 mars 2016. Elle est donc d’ores et déjà achevée, et la décision survient alors que Teddy Tamgho a rangé les pointes pour se limiter au rôle d’entraîneur.
L’affaire évoluait en sous-main depuis plus de deux ans maintenant. L’AIU avait reçu l’information d’un lanceur d’alertes sur la présence de Teddy Tamgho sur diverses compétitions et stages officiels de la FFA dans une période où il était suspendu en raison de son absence à trois reprises en 18 mois lors de la visite des contrôleurs anti-dopage.
C’est d’ailleurs à l’époque la commission anti-dopage de la FFA qui l’avait sanctionné en juin 2014, avec une suspension de 1 année, qui avait débuté en mars 2014. La décision faisait état alors de 3 contrôles manqués, le 19 décembre 2012, 28 janvier 2014 et 18 mars 2014. Et était également mentionné le fait que Teddy Tamgho n’avait pas contesté les deux premiers contrôles dans les délais, provoquant ainsi le lancement de la procédure disciplinaire dès le 3ème contrôle manqué. Une décision prise alors dans une certaine discrétion par la FFA, et l’information n’avait été connue du public que bien plus tardivement.
Teddy Tamgho, entraîneur des juniors au Mondial 2014
Mais Teddy Tamgho apparaît finalement ne pas avoir totalement respecté les règles imposées par le Code Mondial, à savoir ne pas être présent sur des compétitions pour des fonctions officielles. En effet, sa suspension est à peine prononcée, qu’il se retrouve en juillet 2014, à Eugene, au Championnat du Monde juniors, en qualité d’entraîneur de l’Equipe de France. Puis on le retrouve encore au Championnat d’Europe de Zurich en août 2014, cette fois présent dans le stade dans la zone réservée aux personnes accréditées par l’Equipe de France et entraîneurs des sauts.
Sont ensuite pointés du doigt deux stages officiels organisés par la FFA : le premier en novembre 2014, à St Malo, pour un stage de thalasso réservé aux athlètes FFA. Le second, à Chula Vista en Californie, où il s’entraîne aux côtés des autres sauteurs français.
Enfin, dernière violation mise en évidence : sa participation au Championnat de France de cross aux Mureaux, où il monte à plusieurs reprises sur le podium pour remettre les médailles, en particulier pour les seniors femmes.
Teddy Tamgho ne connaissait pas les règles
Autant de manquements que l’AIU a demandé en février 2021 à Teddy Tamgho de justifier, et il a alors reconnu les faits, en admettant avoir entraîné plusieurs athlètes au Mondial junior, conseillé un sauteur aux Europe, participé aux deux stages, et également remis les médailles au France de cross.
Mais il a également soutenu, pour sa défense, ne pas avoir été informé que sa suspension avait des implications au-delà de ne pas pouvoir disputer de compétitions en tant qu’athlète.
Toutefois l’AIU ne l’a pas entendu de cette oreille, et en septembre 2022, elle lui a notifié sa violation de sa suspension, et sans observations complémentaires de Teddy Tamgho, elle a pris la décision le 18 novembre, de le suspendre pour une nouvelle année, entre le 18 mars 2015 et 17 mars 2016, avec annulation de tous ses résultats, et retrait de toutes ses primes.
Quel impact de cette décision ?
Une rapide consultation des résultats de Teddy Tamgho fait apparaître l’annulation de 4 résultats en 2015, incluant une 1ère place au Meeting d’Eaubonne, une 3ème place aux Drake Relays et au Meeting Diamond League de Doha. Puis en 2016, un seul résultat est balayé, son titre de champion de France en salle conquis à Aubière le 28 février. Selon la décision de l’AIU, les primes financières perçues aux Drake et à Doha seraient à restituer… Presque huit ans plus tard, ce « balayage » de performances ne semble avoir ni queue, ni tête,
Quelles sanctions possibles pour la FFA ?
Selon nos informations, l’enquête menée par l’AIU depuis le début de l’année 2020 s’est intéressée au rôle de plusieurs membres de la FFA de l’époque, pour mieux appréhender les responsabilités de chacun dans ces manquements.
En final, à date, aucune décision officielle n’a été prise, même si la décision rédigée par l’AIU pointe directement la FFA pour ses mauvaises explications sur la présence de Teddy Tamgho au Championnat du monde junior 2014. Car aux questions posées, la FFA a indiqué que l’athlète était présent en tant que « ambassadeur anti-dopage ». Mais l’AIU ne manque pas de souligner qu’aucune preuve n’existe sur sa participation à de tels programmes anti-dopage, et qu’au contraire, il était bien présent pour conseiller et entraîner les athlètes français dans les épreuves de saut.
L’AIU n’hésite pas à rappeler le procès-verbal d’une réunion des directeurs de la FFA, en date du 8 novembre 2014, où il est fait mention « de la présence exceptionnelle de Teddy Tamgho, qui est un entraîneur formidable, et qui a, de par ses qualités et enthousiasme, un aura exceptionnel (sic) auprès des jeunes athlètes ».
Certes, le petit « sic » inséré après aura exceptionnel en dit long sur le point de vue de l’AIU, mais cette opinion plutôt négative ne se traduit pas dans les faits. Et le staff fédéral de l’époque, le Président Bernard Amsalem, le vice-président Giraud, le DTN Ghani Yalouz, le DTN Ajoint Patrice Gerges, et aussi Renaud Longuèvre, responsable du stage en Californie, n’est pas, pour le moment, publiquement désavoué et/ou sanctionné pour avoir laissé Teddy Tamgho se présenter sur des lieux interdits.
Texte : Odile Baudrier
Photo : G.B.