Nijel Amos s’est vu notifier un contrôle positif au GW 1516, à quelques jours de son entrée en lice sur 800 mètres pour le Championnat du Monde d’Eugene. L’athlète du Botswana avait débuté sa carrière de manière tonitruante, aux JO de Londres, avec la médaille d’argent, à 18 ans seulement, avec un chrono de 1’41’’73 qui le place en 4ème performer mondial de tous les temps. Ce contrôle éclabousse aussi l’Oregon Track Club, où il s’entraînait sous la houlette de Mark Rowland. Au final, les trois groupes d’entraînement de l’Oregon, soutenus par Nike, ont tous été reliés à des affaires de dopage : Alberto Salazar, suspendu, Jerry Schumacher, avec Shelby Houliban, et maintenant Mark Rowland, qui venait d’annoncer son départ pour le Canada.
C’est un terrible camouflet qu’a reçu Nijel Amos, qui s’est vu notifier son contrôle positif au GW 1516, le mercredi 13 juillet, à seulement deux jours du début du Championnat du Monde, qui se déroule sur la piste d’Eugene, où il s’entraîne au quotidien.
L’athlète du Botswana a intégré depuis plusieurs années l’Oregon Track Club Elite, avec en coach de référence, le Britannique Mark Rowland, recruté en 2008. Mais hasard du calendrier ou pas, Mark Rowland avait créé la surprise ce dimanche 10 juillet en annonçant qu’il quittait ce job pour la Fédération d’Athlétisme du Canada.
Mark Rowland et Jerry Schumacher quittent leur groupe d’entraînement
Un choix précipité pour éviter d’être associé à la tourmente de ce contrôle positif ?? C’est bien sûr la question que les observateurs de l’athlétisme US n’ont pas manqué de poser. Avec en parallèle, d’autres interrogations sur un changement également très brutal, celui de Jerry Schumacher, décidant de quitter ses fonctions au sein de Bowerman TC, pour prendre la direction de l’Equipe d’athlétisme et de cross de l’Université de l’Oregon.
Deux départs, qui marquent l’explosion définitive des trois groupes d’entraînement financé par Nike dans l’Oregon, à Portland et Eugene. Le groupe d’origine était celui d’Alberto Salazar, qui avait recruté Jerry Schumacher et Mark Rowland, pour créer le fameux NOP, Nike Oregon Projet.
Puis les tensions entre Salazar et Schumacher avaient amené à l’éclatement du NOP, pour arriver à trois groupes, le NOP d’Alberto Salazar, à Porland, le Bowerman Track Club à Portland avec Jerry Schumacher, et l’OTC Elite à Eugene avec Mark Rowland.
Les trois groupes Nike de l’Oregon reliés au dopage
En ce milieu 2022, les trois groupes ont été éclaboussés par des affaires de dopage. Celui du « monstre » Salazar a explosé, au prix d’une enquête menée par l’USADA, et débouchant sur une suspension du coach pour 4 ans, annoncée en plein Mondial de Doha en 2019.
Jerry Schumacher, lui, a vu son image ternie par le contrôle de Shelby Houliban, qu’il a vigoureusement soutenue dans son mensonge sur l’origine de la nandrolone découverte dans son échantillon. Et maintenant, Mark Rowland voit l’un de ses protégés mis en cause pour un produit très particulier, le GW 1516, encore au stade expérimental comme médicament anti-cancer.
Seize ans après le lancement du projet NOP par Nike dans l’objectif de revitaliser l’athlétisme américain, le bilan est pour le moins effarant. Car ces trois groupes ont longtemps alimenté l’Equipe US d’athlétisme pour les grands rendez-vous.
L’Oregon, grand pourvoyeur de médailles pour l’équipe US
Ainsi en 2016, pour les JO de Rio, la démonstration de force de ces athlètes installés dans l’Oregon avait été particulièrement visible lors des Trials américains organisés sur leurs terres, à Eugene. On retrouvait 26 athlètes de l’Oregon ou du Southwest Washington dans la liste des qualifiés, avec quatre groupes particulièrement à l’honneur : l’ « Oregon Track Club Elite », comptant dans ses rangs, Ahston Eaton, et aussi Nijel Amos, l’ « Université d’Oregon », forte de 7 personnes, dont le hurdler Devon Allen, et les deux leaders, le « Bowerman Track Club », où pointaient le meilleur steepler US, Evan Jager et six athlètes féminines, incluant les deux marathoniennes Shalane Flanagan, Amy Cragg, Emily Infeld, Courtney Frerich, Colleen Quigley, Shelby Houlihan, et bien sûr le « Nike Oregon Project », qui avait qualifié Matthew Centrowitz, Shannon Rowbury, et Galen Rupp, sans oublier le Britannique Mo Farah.
Autant de grands noms qui ont brillé sur les podiums olympiques et mondiaux, de Rio, Tokyo, Doha, avec Mo Farah, Galen Rupp, Sifan Hassan, Mark Centrowitz, Ahston Eaton, Evan Jager, Courtney Frerich, Shannon Rowbury…
Mais des témoignages successifs ont fini par déstabiliser Alberto Salazar, qui n’a pas réussi à faire taire les témoins, malgré les pressions exercées, comme sur Kara Goucher, et a perdu tous ses appels. Les deux autres coachs n’ont connu, eux, que le désagrément d’être relié à des athlètes dopés.
Niels Amos utilise un produit non commercialisé
Nijel Amos a été surdoué de l’athlétisme, avec sa médaille d’argent olympique obtenue à Londres, au prix d’une course folle derrière David Rudisha. Avec en final, un record du monde pour le Kenyan, et un record du monde junior pour Nijel Amos. Car l’athlète du Bostwana, qui venait juste d’être sacré Champion du Monde junior, n’avait que 18 ans à Londres, mais une polémique avait surgi au sujet de son âge, vu son physique très efflanqué.
Nijel Amos attaquait ainsi une carrière, qui allait l’amener à une 5ème place au Mondial 2017. Puis il connaissait une vraie traversée du désert, sorti en série aux JO 2016, avant de retrouver la finale olympique à Tokyo, 8ème. Sur le plan chrono, jamais, il n’allait retrouver le niveau qui était le sien en 2012, ne s’approchant de son record qu’en 2019.
Cette année, il n’avait disputé que trois courses, décrochant son billet pour le Mondial d’Eugene, à Ostrava, fin mai, avec 1’44’’92, et se contentant de 1’45’’66 à Rabat. C’est justement la veille du meeting de Rabat que Nijel Amos fournissait un échantillon, qui allait s’avérer contenir du GW 1516.
Un produit longtemps indétectable, qui n’a jamais été commercialisé à des fins médicales, malgré plusieurs protocoles, et que l’on retrouve en vente sur le marché noir, y compris sur des sites internet.
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : D.R.