L’annonce de la suspension de Shelby Houliban a provoqué des réactions très opposées dans le monde de l’athlétisme. L’Américaine, recordwoman US du 1500 m et 5000 m, a reçu un large soutien de la communauté américaine, adhérant à son explication qu’un burrito l’aurait rendue positive à la nandrolone. Une justification qui n’a pas convaincu les connaisseurs de l’anti-dopage, qui opposent cette mansuétude à l’hostilité contre les athlètes russes ou africains.
« Un Africain bat un record du monde « Il doit être dopé ». Un athlète américain est contrôlé positif « Il doit être propre ».
« Athlètes. Si vous voulez vous doper, c’est important de devenir d’abord un blanc américain, ou un britannique. Ainsi les médias et réseaux sociaux vous donneront le bénéfice du doute si vous êtes positif. Ne devenez surtout pas Russe ou Africain. C’est différent pour eux ! »
Ce sont deux tweets parmi d’autres, qui résument l’état d’esprit des non-Américains face à ce nouveau contrôle positif à la nandrolone, de Shelby Houliban. Deux clans se sont formés. Celui des Américains, qui soutiennent très largement leur compatriote, l’une des références actuelles aux Etats-Unis, auteure de deux records US l’année dernière, sur le 1500 m (3’53 »99) et le 5000 m (14’23 »92). Celui des non-Américains, qui n’adhèrent nullement à l’explication de Shelby Houliban, celle qu’un burrito de porc l’aurait rendue positive à la nandrolone.
Cette justification n’est pas nouvelle aux Etats-Unis, tant de sportifs contrôlés positifs à la nandrolone l’ont utilisée avec succès. Car l’USADA a toujours accueilli avec bienveillance ces raisons bâties par les sportifs et leurs avocats pour se défendre, et les exemples ne manquent pas de contrôles finalement non sanctionnés. C’est justement l’axe choisi par Jonathan Gault, de Let’s Run : « Pourquoi Shelby Houliban se retrouve-t-elle suspendue alors que Ajee Wilson, Jarrion Lawson, Will Claye ne l’ont pas été ? Et le journaliste d’appeler à une uniformisation des sanctions. »
Un plaidoyer qui n’a pas beaucoup plu chez les non-Américains, qui ont de suite noté que justement Shelby Houliban est sanctionnée parce que son « cas » a été traité directement par l’Athletics Integrity Unit alors que les autres affaires avaient été tranchées par l’USADA.
Mais c’est surtout ce soutien aveugle de la communauté américaine qui a choqué, tant ces mêmes personnes sont promptes à s’indigner sur le dopage avéré ou possible des athlètes africains et/ou russes. A l’opposé, cette fois, pour un contrôle avéré, l’idée penche plutôt vers la mansuétude au point d’inquiéter quelques observateurs, comme le journaliste Paul Hunt qui souligne : « Le nombre d’athlètes qui soutiennent Houliban m’interpelle. Pourquoi ces athlètes risquent-ils leur propre réputation ? A moins qu’ils n’aient, eux-mêmes, quelque chose à cacher ? »
Les mauvaises excuses de Jerry Schumacher
D’autant que le contrôle positif d’Houliban émerge après avoir été tranché par une procédure inédite, directement par le Tribunal Arbitral du Sport, qui a estimé qu’elle n’apporte pas la preuve de l’origine de la nandrolone. Car contrairement à ses habitudes, l’Athletics Integrity Unit n’a pas communiqué sur ce cas depuis le mois de janvier 2021, où elle l’a notifiée et suspendue à titre provisoire. Cette fois, la transparence n’a pas été respectée, la procédure s’est enclenchée jusqu’à une audience auprès du TAS sans qu’aucune information ne sorte publiquement.
Et c’est là aussi que le bât blesse : durant ces cinq mois, Shelby Houliban et son coach, Jerry Schumacher, ont préféré avancer une blessure pour justifier son absence de compétition. Or Jerry Schumacher est une référence aux Etats-Unis, pour avoir accompagné des athlètes de renom, comme Evan Jaeger, Shahane Flanagan, Shannon Rowbury . Et également pour s’être opposé avec virulence à Alberto Salazar, aux côtés duquel il a entraîné plusieurs années à Portland, avant de le quitter pour créer son propre groupe, le Bowerman Track Club, toujours sous l’égide de Nike.
Face à ce contrôle positif d’une athlète de son groupe, Jerry Schumacher est apparu très peu convaincant. D’abord par cette volonté de dissimulation. Et puis par son affirmation que lui-même et son athlète ignorent ce qu’est la nandrolone. Une lacune peu crédible pour cet entraîneur de renom, impliqué depuis plus de 20 ans dans l’athlétisme.
- Texte : Odile Baudrier
- Photo : D.R.